Les idées reçues (et fausses) sur la faim:
seul l’investissement par les grandes entreprises privées peut résoudre durablement la question de la faim et de l’alimentation mondiale
Les idées reçues (et fausses) sur la faim:
seul l’investissement par les grandes entreprises privées peut résoudre durablement la question de la faim et de l’alimentation mondiale
Idées reçues (et fausses) sur la faim:
Idée reçue 13 : Seul l’investissement par les grandes entreprises privées peut résoudre durablement la question de la faim et de l’alimentation mondiale
Faux.
Depuis quelques temps, l’opinion que seul l’investissement par les grandes entreprises privées dans l’agriculture et l’alimentation pourra résoudre durablement la question de la faim et de l’alimentation mondiale est devenue dominante tant dans les organisations internationales que parmi les responsables politiques des États, les experts et les médias.
La raison en est que la responsabilité de l’échec de la lutte contre la faim et de la crise alimentaire vécue depuis 2007/2008 est très majoritairement attribuée aux Etats et à leur prétendue incapacité de venir en aide de façon efficace et effective à ceux qui souffrent de la faim et aux producteurs agricoles en général. Il découle très logiquement de ce diagnostic que la tendance est maintenant de se tourner vers le secteur privé dans l’espoir que celui-ci pourrait arriver à résoudre le problème, d’autant plus qu’à l’heure actuelle les Etats cherchent à réduire de plus en plus leurs dépenses. Il est vrai que le secteur privé, et notamment le secteur financier international, dispose de ressources énormes (équivalentes à plusieurs fois la valeur du PIB mondial), qui, si elles étaient bien investies dans l’agriculture et l’alimentation, pourraient servir à résoudre les problèmes de ce secteur. [lire]
Mais, ce diagnostic et cette nouvelle doxa oublient trois choses essentielles :
•Si les États ont été inefficaces dans leur lutte contre la faim, c’est en grande partie parce qu’ils ont été forcés par leur partenaires - et notamment les institutions financières telle que le FMI et la Banque mondiale - de couper dans leurs dépenses et se désengager de l’action directe sur l’économie (ajustement structurel)
•Par conséquent, les petits producteurs agricoles ont, dans leur grande majorité, été exclus des services agricoles qui auraient pu les aider à augmenter leur production et améliorer leur conditions de vie [lire]
•L’objectif du secteur privé reste avant tout de faire du profit pour ses actionnaires. Les responsables des entreprises privées ne se sentent donc aucunement investis d’une mission de promotion du développement et de lutte contre la faim et la pauvreté. Pour eux, la majeure partie des 570 millions de fermes familiales constituent plutôt une contrainte qu’une opportunité, et ils préfèreraient récupérer les terres et les ressources en eau pour produire dans l’agriculture - une activité de plus en plus rentable depuis que les prix agricoles ont fortement augmenté au cours des dix dernières années - plutôt que d’avoir à traiter avec une multitude de petits paysans. C’est d’ailleurs cette préférence qui explique l’énorme phénomène d’accaparement des terres observé depuis le début du siècle [lire].
Par ailleurs, les grandes compagnies privées envisagent la production agricole essentiellement sous sa version industrielle, fondée sur la monoculture, l’utilisation massive d’intrants chimiques et d’équipements sophistiqués, et reposant sur un petit nombre d’espèces et de variétés de plantes (souvent des variétés hybrides ou OGM).
Les conséquences de l’adoption de cette approche seraient doublement négatives et impliqueraient :
•Une marginalisation de plus en plus grande de la masse des petits paysans qui seraient dépossédés de leur terre, n’auraient que peu l’opportunités d’emploi [lire] et seraient réduits à migrer vers les villes pour grossir les rangs des habitants s’entassant dans les bidonvilles des grandes métropoles
•La généralisation d’une agriculture non durable qui contribuerait à dégrader encore davantage les ressources naturelles (terre, eau, forêt et biodiversité) et qui renforcerait le changement climatique (par des émissions accrues de gaz à effet de serre) et deviendrait de plus en plus vulnérable au dérèglement climatique auquel elle contribue. [lire]
Et ce ne sont pas les Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires qui pourront assurer la protection des communautés rurales !
En conclusion, l’approche fondée sur l’investissement dans l’agriculture et l’alimentation par les grandes entreprises privées, telle qu’elle est envisagée notamment par la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition du G8, loin de résoudre durablement la question de la faim et de l’approvisionnement de la planète en nourriture, serait contre-productive car :
•Elle marginaliserait des centaines de millions de petits producteurs agricoles qu’elle mettrait en situation d’insécurité alimentaire et de pauvreté chronique
•Elle rendrait l’approvisionnement en nourriture de la population mondiale encore plus vulnérable et moins durable.
(mars 2015)