Les idées reçues (et fausses) sur la faim:
l’agriculture chimique est indispensable pour nourrir le monde
Les idées reçues (et fausses) sur la faim:
l’agriculture chimique est indispensable pour nourrir le monde
Idées reçues (et fausses) sur la faim:
Idée reçue 12 : l’agriculture chimique est indispensable pour nourrir le monde
Faux
Bien que cette idée ne porte pas directement sur la question de la faim, mais plutôt sur celle de la capacité à moyen ou long terme qu’a l’agriculture mondiale de nourrir une population croissante, le débat entre une agriculture basée sur l’utilisation de produits de synthèse (engrais chimiques, pesticides et herbicides) et une agriculture moins dépendante d’apports de synthèse à fort contenu en énergie fossile (agriculture écologique, agriculture biologique), est pertinent quand on est préoccupé par la faim dans le monde.
Ce débat pourrait en fait se décliner en deux parties:
-Une agriculture moins dépendante de la chimie peut-elle nourrir le monde?
-Quel effet le développement d’une telle agriculture pourrait-il avoir sur la faim dans le monde?
Sur la première question, on entend fréquemment des leaders agricoles, des hommes politiques, certains experts et des représentants de grandes firmes clamer que l’abandon de l’agriculture conventionnelle dite «chimique» entrainerait une baisse de la production de 30 à 50%. Certes, remplacer abruptement une agriculture conventionnelle intensive par une agriculture sans intrants de synthèse et qui n’aurait pas adopté d’autres pratiques culturales, aurait des effets dévastateurs immédiats sur la production agricole. Cela aboutirait à des cultures carencées, attaquées violemment par toutes sortes de maladies et se trouvant en compétition avec toutes sortes de plantes adventices («mauvaises» herbes).
Mais ce n’est pas là la véritable alternative. L’option alternative est de remplacer l’agriculture conventionnelle par une agriculture utilisant des pratiques de gestion des cultures (et des élevages) fondées sur les résultats de la recherche ainsi que sur ceux d’expériences menées avec succès dans le monde entier. Ce remplacement, qui nécessiterait une formation des producteurs et une période de transition amènerait probablement une légère réduction de la production dans les zones cultivées de façon très intensive sous agriculture conventionnelle, mais avec en contrepartie la mise en place d’une production durable respectant les ressources naturelles et émettant moins de gaz à effet de serre. Cela concernerait surtout l’agriculture la plus intensive des pays industrialisés et une fraction seulement de l’agriculture des pays non-industrialisés où l’agriculture mise en oeuvre par les petits producteurs utilise généralement peu les produits de synthèse et est relativement peu productive. Par contre, la promotion de l’agriculture écologique ou biologique contribuerait à fortement augmenter la production des petits producteurs, ce qui au bout du compte ferait mieux que compenser la perte occasionnée par la production dans les pays industrialisés et aiderait à rééquilibrer la répartition de la production agricole dans le monde. Même dans les zones où l’agriculture utilise modérément les intrants de synthèse, le passage à une agriculture écologique ou biologique entraînerait une augmentation de la production. C’est ce qui ressort de la documentation produite à l’occasion de la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire tenue à Rome au siège de la FAO du 03 au 05 mai 2007.Pour appuyer davantage cet argument, une étude de l’Institut de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI) montre que l’adoption de l’agriculture biologique en Afrique augmenterait fortement la production agricole et réduirait les importations alimentaires du continent (Halberg 2006). Le travail fait par l’équipe dirigée par Catherine Badgley estime que la généralisation de l’agriculture biologique entrainerait un doublement de rendements agricoles dans les pays non industrialisés.
Source: Badgley et al. 2007
Sur la deuxième question, il apparait clairement que le passage de l’agriculture conventionnelle à des agricultures écologique ou biologique aurait une effet positif sur la réduction de la faim dans le monde. Pour trois raisons principales:
-Cela créerait des emplois dans l’agriculture. En effet, ce type d’agriculture demande plus de main d’oeuvre et une gestion plus pointue que l’agriculture conventionnelle qui est fortement mécanisée et ou la lutte contre les maladies, ravageurs et adventices se fait par voie chimique et la gestion de la fertilité par l’épandage d’engrais chimiques. La gestion de la fertilité des sols et de la lutte biologique demande en effet plus de travail que l’agriculture conventionnelle. Plus de travail veut dire plus d’emploi ce qui veut aussi dire plus de revenu et donc plus de capacité d’accès à la nourriture qui est la cause première de la faim dans le monde
-Comme les technologies mises en oeuvre par les agricultures écologique et biologique demandent peu d’intrants elles sont plus faciles à adopter par les paysans pauvres que l’agriculture chimique qui demande au producteur d’avoir la capacité d’acheter des intrants (semences améliorées et brevetées, engrais, herbicides, fongicides et pesticides). Elle permettent également de doubler (voire davantage) la productivité de la terre et du travail par rapport à l’agriculture traditionnelle ce qui contribuerait à augmenter les revenus. Les petits agriculteurs verraient donc leur production et leur compétitivité fortement améliorée par rapport aux gros producteurs ce qui contribuerait à améliorer leur capacité de participation au marché, leur revenu et leur conditions de vie. Des simulations ont montré qu’une augmentation de 10% des rendements réduirait le nombre de pauvres d’environ 7% en Afrique sub-saharienne (Byerlee et Alex, 2005).
-Les agricultures écologique et biologique reposant sur la culture de multiple espèces, souvent en association, cela réduit les risques pour le producteur en les diversifiant, contrairement à l’agriculture «chimique» qui est le plus souvent une agriculture de monoculture plus vulnérable aux maladies et aux ravageurs. Leur production est plus stable, ce qui contribue directement à la dimension stabilité de la sécurité alimentaire.
En conclusion, on voit donc que l’agriculture conventionnelle dite «chimique» n’est pas indispensable pour nourrir le monde, ni encore moins susceptible de régler le problème de la faim. Bien au contraire, l’adoption à grande échelle des agricultures écologique et biologique est plus à même de résoudre la question de la faim dans le monde, tout en assurant l’alimentation de la population mondiale de façon durable dans le respect de la conservation des ressources naturelles de la planète. Cela réduirait aussi l’impact de la production alimentaire sur le changement climatique en diminuant sa dépendance sur les énergies fossiles.
Lectures complémentaires:
-Diagramme du Christensen Fund comparant l’agriculture industrielle et l’agriculture écologique (en anglais) Diagramme comparatif en anglais.png
-Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire, FAO, Rome, 03 au 05 mai 2007
-Le monde de l’agriculture biologique - Statistiques et tendances 2009 (en anglais)
-Promouvoir l'agriculture écologique via internet, Gouvernement français, 2012
(octobre 2012)