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Traiter la malnutrition, pas juste la sécurité alimentaire*


par Jomo Kwame Sundaram**, Wan Manan Muda et Tan Zhai Gen.



La malnutrition reste un formidable défi dans la plupart des sociétés, dans la mesure où moins d’un pays sur dix dans le monde n’a pas à faire face à un problème majeur de malnutrition.


Dans les pays connaissant une bonne situation de sécurité alimentaire, dans lesquels presque tout le monde a suffisamment à manger et où peu de personnes vivent dans la crainte d’une perte soudaine d’accès à la nourriture, les carences en micronutriments et les maladies non transmissibles liées à l’alimentation occupent encore souvent une place importante.


La Malaisie représente ce type de pays où le riz est en général disponible et abordable pour presque toute la population. Cependant, ce que les Malaisiens mangent d’autre pose problème en provoquant une sous-nutrition en termes de micronutriments ainsi que d’autres problèmes sanitaires liés à l’alimentation.




La Malaisie est depuis longtemps un creuset de différentes cultures : différentes nourritures et coutumes alimentaires traditionnelles y sont rassemblées et évoluent sous l’influence des nouvelles technologies, de la démographie, de l’environnement et de divers autres facteurs comportementaux.


Comme la plupart des autres sociétés, la Malaisie a suivi les grandes tendances mondiales tels que l’augmentation de la consommation alimentaire hors du domicile familial et la popularité croissante des plats préparés, des fritures et des boissons et aliments sucrés.


Il faut améliorer les régimes alimentaires


La sous-nutrition ou les carences alimentaires restent fréquentes même si la faim ou la sous-alimentation énergétiques ont fortement diminué. Cependant, le retard de croissance des enfants de moins de cinq ans d’âge est passé de 17,2 % en 2006 à 20,7 % en 2016, alors que la proportion des enfants en sous-poids augmentait de 12,9 % à 13,7 %.


Les efforts de santé publique devraient assurer une présence suffisante de micronutriments dans l’alimentation journalière, car on méconnaît souvent le fait que ces carences causent de sérieux problèmes. Par exemple en 2014, la consommation médiane de calcium en Malaisie était moins de la moitié du niveau recommandé.


En attendant, 4,9 millions de Malaisiens souffraient d’anémie*** dont la moitié des femmes en âge de procréer. Des suppléments alimentaires temporaires pour les femmes enceintes sont absolument indispensables, mais l’anémie de la population en général demande une attention plus poussée.


Le surpoids et l’obésité contribuent à augmenter les risques de maladies non transmissibles liées à l’alimentation telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires et les cancers. Il faut s’inquiéter du fait que ces maladies sont désormais la cause de morts prématurées et de handicaps. La Malaisie est devenue un des pays les plus « lourds » d’Asie, 17,7 % des adultes étant obèses, en plus de 30 % supplémentaires en situation de surpoids en 2015.


En moins de deux décennies, la prévalence du diabète est passée de 6,9 % en 1996 à 17,5 % en 2015. Les maladies non transmissibles liées à l’alimentation réduisent la productivité et la qualité de vie, et elles augmentent inutilement les coûts de santé, publics ou privés, tandis que 10-19 % des dépenses de santé en 2018 étaient liées à l’obésité.


Alors que l’élevation des revenus avait, au départ, contribué à favoriser la consommation énergétique, principalement en glucides, une augmentation supplémentaire des dépenses alimentaires tend à augmenter la diversité des aliments absorbés. Mais sans sensibilisation nutritionnelle, le changement des comportements alimentaires est typiquement influencé par des nouvelles normes culturelles telles que des considérations de confort, l’influence des pairs, la publicité et les engouements passagers.


Le surpoids et l’obésité sont aussi dépendants de la génétique, du comportement, de la consommation alimentaire, de l’activité physique, des maladies et de la mondialisation qui favorise par exemple le développement de l’industrie agroalimentaire et de la consommation de plats préparés. Traiter ces facteurs permettra d’améliorer la santé et l’utilisation de ressources rares.


L’amélioration des politiques publiques


Comme ailleurs, les politiques et programmes de nutrition de la Malaisie ont évolué. Dans la période suivant l’indépendance, les programmes de nutrition cherchaient principalement à améliorer les conditions de vie des populations rurales qui constituaient plus des deux-tiers de la population vers la fin des années 1960.


Ces efforts comprenaient des programmes d’alimentation scolaire destinés principalement aux enfants pauvres. Mais ces programmes ont souffert d’une coordination intersectorielle et des parties prenantes qui était défaillante, d’un financement insuffisant, de ressources humaines inadéquates en qualité et en quantité, de même que d’un suivi et d’une évaluation médiocres.


Un programme universel bien organisé et financé par l’État de repas scolaires n’aiderait pas seulement à améliorer la nutrition des enfants mais contribuerait également aux revenus des producteurs agricoles et à la sécurité sanitaire des aliments. Il est démontré qu’ils peuvent réussir à inculquer de bonnes habitudes aux enfants tels qu’une meilleure nutrition, une sensibilisation à la santé, un bon développement physique, l’apprentissage, la coopération et les résultats scolaires.


Dans des pays allant du Brésil à la Chine, l’approvisionnement de tels programmes a amélioré la production alimentaire, augmenté les revenus des producteurs agricoles et autres, accru la participation des parents dans la vérification de la qualité et la sécurité sanitaire des aliments, au lieu de simplement enrichir les géants multinationaux de l’alimentation.


Une meilleure alimentation pour tous


Il faut limiter la commercialisation de produits alimentaires malsains et de « cochonneries » provoquant la malnutrition, surtout auprès des enfants, notamment à l’aide d’une réglementation plus stricte sur la nourriture et les boissons vendues dans les cantines scolaires.


La sécurité des aliments devra également être améliorée en réduisant le recours aux antibiotiques pour les animaux, y compris dans la pisciculture, et des pesticides dont la plupart sont également nocifs pour les humains. La récente décision de justice en Californie portant sur un herbicide cancérigène populaire pose la question de la promotion de l’agriculture sans labour en vue d’augmenter la séquestration du carbone dans le sol et de réduire des émissions de gaz à effet de serres produits par l’agriculture.


Des stratégies nutritionnelles publiques globales sont requises pour résoudre de façon effective et totale la question de la malnutrition. Il faut des systèmes alimentaires durables pour promouvoir des régimes alimentaires sains, tandis qu’une éducation nutritionnelle publique est absolument indispensable tant pour les enfants que pour les adultes.


Comme d’autres pays à revenu intermédiaire, la Malaisie a considérablement amélioré la disponibilité, l’accès et la stabilité de l’alimentation. Ce qui reste à faire, c’est d’améliorer la nutrition, la santé et le bien-être, principalement en s’attaquant aux carences en micronutriments et aux maladies non transmissibles liées à l’alimentation.



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Les auteurs ont récemment publié « Traiter la malnutrition en Malaisie » disponible en anglais à : www.krinstitute.org



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  1. *Publié initialement sur Interpress Service, le 17 décembre 2019 sous le titre « Address Malnutrition, Not Just Food Security » http://www.ipsnews.net/2019/12/address-malnutrition-not-just-food-security/.

**  Jomo Kwame Sundaram, ancien professeur d’économie, a été Assistant Secrétaire Général des Nations Unies pour le développement économique, Assistant Directeur Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et a reçu le Prix Wassily Leontief pour avoir fait avancer les frontières de la pensée économique en 2007.

*** La population totale de la Malaisie était estimée à près de 32 millions de personnes en 2016 (Département des statistiques de Malaisie) (note de lafaimexpliquee.org).


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Sélection d’articles récents déjà parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. Le triple fardeau de la malnutrition continue de s’alourdir dans le monde, selon l’UNICEF, 2019.

  2. Opinion : Attention aux régimes alimentaires très riches en graisses ! par Wan Manan Muda et Jomo Kwame Sundaram, 2019.

  3. Chiffres et faits sur la malnutrition dans le monde, 2019.

  4. Une recherche scientifique sous l’influence des intérêts privés (Saison 2) : sucre et exercice physique, 2019.

  5. Procès Monsanto : une affaire qui ne règle rien et qui illustre la nature perverse du prétendu « système de protection des consommateurs », 2018.

  6. 1200 milliards chaque année, c’est le coût annuel estimé de la prise en charge de l’obésité d’ici 2025, si rien n’est fait pour s’attaquer à ce fléau, 2017.

  7. Opinion : La menace catastrophique des antibiotiques dans notre alimentation par Jomo Kwame Sundaram et Tan Zhai Gen, 2017.

  8. Alimentation, environnement et santé, 2014 (actualisé en 2017).

 

Dernière actualisation: décembre 2019

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