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13 août 2018


Procès Monsanto : une affaire qui ne règle rien et qui illustre la nature perverse du prétendu « système de protection des consommateurs »


Vendredi 10 août 2018, le jury d’un tribunal de San Francisco a condamné Monsanto à payer 289 millions de dollars*, estimant que la multinationale de l’agrochimie était responsable du lymphome d’un jardinier américain et qu’elle avait « agi avec malice et oppression » en ne révélant pas que ses produits Roundup et Ranger Pro avaient potentiellement des effets létaux.




La compagnie Monsanto a annoncé qu’elle ferait appel de cette décision.


On peut se féliciter de la condamnation de Monsanto. Mais un procès ne règle rien. Il ne change rien à la santé du jardinier à qui il reste peu de temps à vivre, et il ne change rien à des milliers d’autres victimes avérées ou potentielles de l’agrochimie.


La perversité du système de pseudo-protection des consommateurs est que le dispositif est totalement inefficace, puisque des produits dangereux restent légalement autorisés de vente. Qui pourrait penser que l‘argent que touchera le jardinier - s’il vit encore à la fin du processus judiciaire qui risque de se prolonger encore longtemps - puisse compenser la perte de sa santé ? Comme si tout pouvait être réglé avec de l’argent !


Monsanto est certes responsable des méfaits des produits toxiques qu’il produit et vend en masse. Mais responsables sont aussi les autorités qui sont incapables ou refusent de mettre en place un système qui empêche effectivement la vente de produits toxiques et qui acceptent les protocoles opaques régissant les tests effectués avant l’octroi d’autorisation de mise en marché. Rappelons ici que la certification des produits est basée sur des expériences menées sous la responsabilité des industriels qui les produisent, sans que les résultats des tests menés soient accessibles à la communauté scientifique… 


La réaction de certains responsables politiques à la suite de ce procès, qui tentent de se dédouaner en pointant la responsabilité des multinationales, fait penser à des comportements puérils de cours d’école. Cela ne trompera personne.


La question n’est pas simplement de punir et de réparer les dommages causés - si tant est que cela soit possible, ce dont on peut fortement douter - mais c’est de faire de la prévention en mettant en place un dispositif qui rende effectivement impossible ce qui est arrivé à ce jardinier et à des centaines de milliers d’autres personnes partout dans le monde [lire]. La simple punition est un processus long et extrêmement coûteux, puisqu’elle n’empêche pas le désastre qu’elle se contente de sanctionner une fois les faits avérés.


Il s’agit d’agir en amont du problème et non en aval comme c’est le cas pour l’instant. Rien ne sert de punir des entreprises qui respectent des règles iniques qui permettent - voire encouragent - le mensonge et la dissimulation. Ce qu’il faut, c’est changer les règles.


Si la décision du tribunal californien est confirmée, cela constituerait une jurisprudence qui influencerait très probablement les décisions prises dans des milliers d’actions en justice en cours contre Monsanto et ses semblables, ce qui n’aurait comme conséquence que de ronger les superfprofits de certaines multinationales, peut-être de mettre en danger certaines entreprises et d’y menacer l’emploi au lieu d’obliger (et d’encourager) le développement de technologies respectant l’environnement et la santé.


Par conséquent, si les procès se multiplient sans que la réglementation ne soit modifiée et sérieusement mise en oeuvre, au bout du compte, rien n’aura changé et les dangers pour les utilisateurs, les consommateurs et l’environnement resteront identiques à ce qu’ils sont à l’heure actuelle; et le coût humain restera inchangé.


C’est là tout sauf une solution acceptable car l’on ne saurait se satisfaire d’actions en justice ! C’est la réglementation et tout le système de protection des consommateurs qu’il s’agit de réformer en profondeur.


C’est là le rôle de nos responsables politiques et ils doivent l’assumer.


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* Ce montant a par la suite été réduit à 78 millions de dollars en octobre 2018.



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Pour en savoir davantage :


  1. Agence France Presse, Procès Monsanto: le glyphosate, toujours défendu par son propriétaire, AFP, 2018.



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés au sujet :


  1. La production et l’utilisation des pesticides : une atteinte aux droits à l’alimentation et à la santé, 2017.

  2. Alimentation, environnement et santé, 2014/2017.

  3. Ces grandes compagnies qui veulent notre bien... : l’amont, 2014.

  4. Quatrième principe : Développement de la recherche pour une technologie agricole durable et accessible, 2013.

  5. La qualité des aliments et la sécurité sanitaire, 2012.


ainsi que d’autres articles de notre rubrique « Durabilité de l’alimentation ».

 

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Dernière actualisation:    août 2018