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19 mars 2017


La production et l’utilisation des pesticides : une atteinte aux droits à l’alimentation et à la santé.


Alors que la cacophonie générale autour du glyphosate illustre les luttes d’influence et le lobbying intense organisé en Europe autour de ce produit dont l’effet négatif sur notre environnement et notre santé n’est plus à prouver [lire], la très officielle Agence européenne des produits chimiques (ECHA) vient d’estimer que le glyphosate ne doit pas être classé comme substance cancérigène. Rappelons ici que le glyphosate est l’élément actif principal de l’herbicide le plus fréquemment utilisé dans le monde, le Roundup, commercialisé par l’américain Monsanto.




Cet avis vient après celui du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) lié à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui avait estimé que ce produit était probablement cancérigène, et quelques jours à peine après la présentation devant le Conseil des Nations Unies sur les Droits de l’homme du Rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation qui souligne la menace que constitue l’utilisation massive des pesticides (y compris les herbicides) sur notre environnement et notre santé.


Dans son rapport, la Rapporteuse, Hilal Elver, rappelle que la vente de pesticides représente annuellement un juteux business dont le chiffre d’affaires est proche de 50 milliards de dollars. C’est aussi une activité fortement concentrée entre les mains d’un petit nombre de multinationales [lire]. On estime que l’utilisation des pesticides occasionne annuellement environ 200 000 décès par intoxication aiguë, la plupart dans les pays pauvres où les réglementations plus souples sont moins bien appliquées. On estime aussi « que chaque année près d’un ouvrier agricole sur 5 000 est victime d’un empoisonnement aigu dû à des pesticides », mais les populations voisines des champs traités risquent, elles aussi, d’être exposées. [voir la vidéo] Dans les pays pauvres, les enfants, plus sensibles que les adultes aux effets des pesticides, participent souvent aux travaux agricoles et sont donc exposés régulièrement à ces produits toxiques dont l’effet ne manquera pas de se faire sentir avec le temps. L’auteure estime que l’utilisation de ces produits dangereux « est une solution à court terme qui porte atteinte au droit à une alimentation suffisante et au droit à la santé des générations actuelles et des générations futures. »


Hilal Elver énumère les dommages occasionnés par l’utilisation des pesticides sur l’environnement:


  1. Pollution de l’écosystème par les eaux de ruissellement chargés en pesticides

  2. Perturbation de l’équilibre complexe de l’écosystème par l’élimination de certains organismes vivants et réduction de la biodiversité

  3. Blocage de l’azote dans le sol ce qui peut provoquer des baisses de rendements.


Mais la recherche scientifique peine à prouver très rigoureusement le lien de causalité existant entre l’utilisation des pesticides et les effets observés, ce qui rend ardue la justification d’une réglementation plus stricte et ce qui ouvre un large boulevard aux multinationales de l’agrochimie qui ont adopté une politique de lobbying particulièrement agressive et souvent contraire à l’éthique [lire].


Du point de vue de la santé, « un lien a été établi entre les pesticides et la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les troubles endocriniens, les troubles du développement et la stérilité. Les pesticides peuvent aussi avoir de nombreuses répercussions sur le plan neurologique, comme des pertes de mémoire, un manque de coordination ainsi qu’une acuité visuelle et des habiletés motrices réduites. L’asthme, les allergies et l’hypersensibilité en sont d’autres effets possibles. Ces symptômes sont souvent très discrets et peuvent ne pas être reconnus par le monde médical comme des effets cliniques causés par des pesticides. »


Les risques qui font suite à une exposition à ces produits concernent non seulement les agriculteurs ou les groupes de population vivant près des zones de culture, mais aussi les consommateurs et tout particulièrement les enfants et les femmes enceintes. La Rapporteuse relate de multiples exemples de contamination bien documentés, étayant ainsi ses arguments par des cas concrets.


« L’exposition aux pesticides peut avoir de graves répercussions sur l’exercice des droits de l’homme, en particulier le droit à une alimentation suffisante, ainsi que le droit à la santé. Le droit à l’alimentation fait obligation aux États de mettre en œuvre des mesures de protection et d’élaborer des prescriptions en matière de sécurité alimentaire pour garantir que les produits alimentaires sont sans danger, exempts de pesticides et de qualité adéquate. En outre, les normes relatives aux droits de l’homme exigent des États qu’ils protègent les groupes vulnérables, tels que les ouvriers agricoles et les communautés agricoles, les enfants et les femmes enceintes, contre les effets des pesticides. »


En conséquence de quoi, Hilal Elver propose « le retrait progressif des pesticides dangereux et la mise en place d’un cadre réglementaire efficace fondé sur les droits de l’homme ainsi que le passage à des pratiques agricoles durables qui tiennent compte de la rareté des ressources et des changements climatiques. »


Le rapport pointe tout particulièrement du doigt les pesticides systémiques et les OGM programmés pour produire eux-mêmes leurs pesticides, car ils entraînent des taux de résidus importants dans les produits qui seront consommés par la population. [lire]


D’un point de vue juridique, la Rapporteuse identifie de nombreuses contradictions entre l’utilisation des pesticides et les dispositions de la législation internationale sur les droits humains. Ainsi, « le droit à une alimentation suffisante inclut l’idée que la réalisation dudit droit ne doit pas entraver l’exercice des autres droits de l’homme. Par conséquent, les arguments selon lesquels les pesticides seraient indispensables pour préserver le droit à l’alimentation et la sécurité alimentaire entrent en contradiction avec le droit à la santé, compte tenu des nombreux impacts sanitaires associés à certaines pratiques d’utilisation des pesticides. » Elle note aussi les contradictions avec le droit des femmes (notamment du point de vue de la sauvegarde de la fonction de reproduction) et celui des enfants (en particulier leur protection contre les contaminants et le soutien au développement de l’enfance).


Enfin, elle met en cause la responsabilité des entreprises et souligne « l’incapacité [du système de protection des droits de l’homme] à faire face à la question des acteurs non étatiques est particulièrement problématique étant donné que l’industrie des pesticides est dominée par quelques sociétés transnationales qui exercent un pouvoir extraordinaire sur la recherche agrochimique, les initiatives législatives et les orientations en matière de réglementation au niveau mondial. »


De ce point de vue, elle note que le Code de conduite international sur la gestion des pesticides (non contraignant), établi par l’OMS et la FAO, est violé par les entreprises qui l’ont signé, tout particulièrement Bayer et Syngenta qui « fabriquent, distribuent et vendent des pesticides extrêmement dangereux, en violation du Code. »


Après avoir listé toutes les difficultés rencontrées dans la protection contre l’utilisation de pesticides toxiques, la Rapporteuse conclut en avançant l’agroécologie et l’agriculture biologique comme les solutions de l’avenir et faisant une série de recommandations pour améliorer l’efficacité du système de protection en place.


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Pour en savoir davantage :


  1. -Hilal Elver, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, A/HRC/34/48, 2017

  2. -LaoFAB, Impact of pesticides in Laos, www.laofab.org, 2017 (en lao, sous-titrage en anglais)



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. -L’Union européenne et le glyphosate : une illustration de l’un des principes qui gouvernent le fonctionnement notre société, 2016

  2. -Nano-pesticides: chance ou risque supplémentaire?, 2015

  3. -Une nouvelle génération d’OGM produite à partir de la technique d’interférence par l’ARN échappe à la réglementation et risque d’envahir le marché au États-Unis. Qu’en sera-t-il dans le reste du monde ?, 2015

  4. -Aux États-Unis, le secteur agricole et alimentaire industriel a dépensé des centaines de millions de dollars pour influencer les médias, les consommateurs et les politiques publiques. Qu’en est-il en Europe ?, 2015

  5. -Alimentation, environnement et santé, 2014

  6. -Ces grandes compagnies qui veulent notre bien... : l’amont, 2014

  7. -Les dangers des pesticides périmés reconnus par la Banque mondiale: qu’en est-il de ceux des pesticides utilisés et qui se retrouvent diffus dans notre environnement ?, 2013

  8. -Un nouveau rapport de l’INSERM démontre les effets négatifs des pesticides sur la santé, 2013

  9. -La diminution de la population d’abeilles menace notre alimentation, 2013


 

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Dernière actualisation:    mars 2017