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15 avril 2016


L’Union européenne et le glyphosate : une illustration de l’un des principes qui gouvernent le fonctionnement notre société


Alors que la Commission Européenne avait proposé le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une période de 15 ans, le Parlement européen vient de voter une résolution - non contraignante du point de vue légal - demandant une autorisation limitée à une période de 7 ans seulement et avec une utilisation restreinte à un usage agricole, excluant donc son emploi par les particuliers et les collectivités. Rappelons ici que le glyphosate, un produit chimique de synthèse, n’est autre que le principe actif à la base du Roundup de Monsanto, un des désherbants les plus populaires dans le monde et dont l’autorisation arrive à expiration en Europe à la fin du mois de juin prochain. Initialement, la résolution proposait le non-renouvellement du glyphosate, mais sur l’argument qu’il « n’y a pas d’alternative économiquement viable et garantissant la santé humaine à proposer aux agriculteurs en termes de désherbage », les députés européens ont adopté l’amendement limitant l’autorisation à une période de 7 ans. Cela fait des années en effet que Monsanto communique sur le fait que le Roundup est un herbicide « sûr » qui a moins d’effets sur l’environnement que ses concurrents.




Pourtant, plusieurs études ont prouvé par le passé que le glyphosate avait de sérieuses conséquences sur l’environnement et la santé. Ainsi, en 2013, une étude de deux chercheurs américains, dont l’un du très respecté Massachusetts Institute of Technology, publié par la revue « entropy » soulignait la présence du glyphosate dans les produits alimentaires et qu’il avait « un effet négatif insidieux sur le corps qui se manifeste lentement au cours du temps au fur et à mesure que les inflammations endomagent les tissus cellulaires à travers le corps ». L’un des auteurs de l’étude soulignait qu’ils avaient « identifié quelque chose de très important qui doit être pris au sérieux et demande des recherches supplémentaires ».  D’autres études ont également mis en évidence l’effet du glyphosate sur la santé humaine et celle des animaux d’élevage. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait classé le glyphosate comme « cancérigène probable ». Par contre, quelques mois plus tard, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont l’indépendence par rapport à l’industrie a souvent été questionnée, a considéré le glyphosate « improbablement cancérogène ».


Dans ce contexte confus, on aurait pu s’attendre à ce que le Parlement européen se réfère au principe de précaution ou tout au moins, dans le pire des cas, qu’il accompagne sa décision d’autorisation temporaire du glyphosate d’au moins deux recommandations : (i) que des études indépendentes soient menées sur le glyphosate pour en analyser les effets sur la santé et l’environnement, et (ii) que des ressources suffisantes soient données à la recherche agronomique pour qu’elle identifie des solutions alternatives non polluantes et durables à l’utilisation du glyphosate. Or le Parlement s’est contenté de recommander la diffusion des résultats des recherches menées par les entreprises commercialisant des produits à base de glyphosate, qui de façon évidente, peuvent être soupçonnées de partialité; recommandation qui a d’ailleurs été refusée par les industriels regroupés au sein de la Glyphosate task force. On risque donc fort de se retrouver exactement dans la même situation qu’aujourd’hui d’ici 7 ans, les mêmes arguments risquant d’entraîner la même décision de prolonger à nouveau temporairement le glyphosate. Un autre aspect fort contestable de la résolution des parlementaires européens est qu’elle discrimine entre les particuliers et les collectivités qu’elle protège et les producteurs agricoles qui sont laissés libre de risquer leur santé…


Cet épisode est représentatif d’une situation que nous avions décrite dans notre article intitulé « Alimentation, environnement et santé » qui montrait que notre système alimentaire impliquait une utilisation rapidement croissante de toute une série de produits chimiques de synthèse que nous absorbions et qui étaient disséminés dans la nature sans que nous sachions de façon fiable quels effets ces substances pouvaient avoir sur notre santé et sur l’environnement. Des études que nous citions dans cet article montraient pourtant clairement que l’utilisation des pesticides de synthèse, notamment, avait un coût énorme pour la société.


La décision du Parlement européen illustre une fois de plus le principe de « privatisation des profits, socialisation des coûts » que nos politiques adoptent volontiers, sans doute sous la « pression amicale » de certains industriels et dont la gestion de la crise financière de 2008 est probablement l’illustration la plus flagrante et la mieux connue. Mais le scandale alimentaire qui se déroule sous nos yeux, années après années, décennies après décennies, génère lui aussi avec le temps des profits privés extravagants pour certains, tout en entraînant des coûts sociaux gigantesques pour tous.



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Pour en savoir davantage :



  1. -Foucart, S., Le Parlement européen demande une réautorisation limitée du glyphosate, Le Monde, 13 avril 2016

  2. -Samsel, A. and S. Seneff, Glyphosate’s Suppression of Cytochrome P450 Enzymes and Amino Acid Biosynthesis by the Gut Microbiome: Pathways to Modern Diseases, Entropy 2013, 15, 1416-1463 (en anglais)

  3. -Reuters, Heavy use of herbicide Roundup linked to health dangers-U.S. study, 2013 (en anglais)


Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. -L’équité intergénérationnelle est possible : à condition de changer profondément les principes qui gouvernent le monde, 2015

  2. -Alimentation, environnement et santé, 2014

  3. -Quatrième principe pour en finir avec la faim: Développement de la recherche, 2013


Consultez également nos articles regroupés sous les rubriques «  Recherche » et « Bio et agro-écologie ».

 

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Dernière actualisation:    avril 2016