La qualité des aliments  et la sécurité sanitaire

 

Enjeux


La qualité des aliments et la sécurité sanitaire



Avec le développement, la complexification et l’allongement des filières alimentaires, la question de la qualité des aliments et des risques sanitaires a pris de l’importance tant aux yeux des consommateurs que des pouvoirs publics.


Juste après la Seconde guerre mondiale, même dans les pays industrialisés, les chaines alimentaires étaient encore assez courtes. Les consommateurs achetaient leur nourriture auprès de commerces de proximité ou bien, en zone rurale, directement des producteurs qu’ils côtoyaient quotidiennement. Les achats se faisaient auprès de personnes avec lesquelles on développait des relations personnelles de confiance. En zone rurale, le consommateur pouvait voir comment le producteur travaillait, et les techniques de production restaient encore largement traditionnelles, n’utilisant que peu d’intrants externes à l’exploitation agricole. En France, les 2,5 millions d’exploitations agricoles s’alimentaient encore largement à partir de leur propre production.




Avec l’urbanisation croissante, l’intensification de l’agriculture, le développement de l’agro-industrie et de la grande distribution, la distance entre les consommateurs et les producteurs s’est considérablement allongée. Les rapports sont devenus plus impersonnels, et les cas de contamination de la nourriture qui se sont produits au fil des décennies ont contribué à créer une demande d’information et de sécurisation de la part des consommateurs et de leurs associations. Elles se sont tournés vers les autorités pour demander plus de réglementation et de contrôle. Au niveau international dès le début des années 60, la FAO et l’OMS ont décidé de créer ensemble la commission du Codex Alimentarius chargée d’énoncer des normes de qualité des aliments (taux acceptables de contamination de l’alimentation par des organismes ou des produits chimiques, additifs autorisés, normes de production/transformation, etc.). En 1995, lors de la création de l’OMC, un accord sur l'Application de Mesures Sanitaires et Phytosanitaires a été signé par l’ensemble des Etats membres de l’organisation, et la FAO et l’OMS ont apporté leur appui technique dans ce domaine aux pays non industrialisés pour qu’ils puissent se mettre à niveau, de façon à pouvoir exporter leurs produits agricoles et alimentaires vers les pays riches.


Au cours des années récentes, les affaires de la contamination de la nourriture par la dioxine (comme la contamination de bétail en Belgique en 1999 et en Italie en 2007), de la vache folle (encéphalopathie spongiforme bovine/ESB au cours des années 90), la grippe aviaire (2006) et les multiples épisodes de contamination par Escherichia coli, Listeria, Salmonella et d’autres micro-organismes ont fortement sensibilisé les consommateurs à ces questions. En réaction, les Etats ont mis en place des réglementations et des autorités de contrôle pour réduire les risques et rassurer les consommateurs. Récemment, particulièrement en Europe, la question des OGM est devenue un problème de sécurité sanitaire, les règles de testage de l’innocuité des variétés faisant l’objet d’une controverse [lire nos nouvelles sur les OGM et la ‘saga’ Séralini]


En plus des normes de sécurité sanitaires au sens strict, se sont développées en parallèle des normes privées portant sur d’autres aspects comme le processus de production de l’aliment, son origine géographique ou l’impact du processus de production sur l’environnement et le bien-être animal. Ces normes sont souvent définies par des entreprises individuelles, surtout des grandes sociétés de distribution alimentaire qui les imposent dans leurs chaînes d’approvisionnement. Elles ont tendance à être plus détaillées et rigoureuses que les normes publiques, en étant plus exigeantes sur certains attributs des produits et leur processus de production, et en portant sur davantage d’éléments (par exemple l’impact environnemental ou social).


En plus de ces normes visant à la qualité et la sécurité des aliments, tout un ensemble de normes privées ont aussi été imposées par les distributeurs et les transformateurs de produits agricoles. Ces normes ont trait à la taille, la forme, la couleur et l’allure extérieure des produits (absence de taches et d’irrégularités dans l’aspect). Ces normes s’appliquent surtout aux fruits et aux légumes et imposent aux producteurs l’adoption de certaines variétés et de certaines pratiques culturales sans lesquelles leurs produits pourront difficilement être vendus aux grande groupes agro-alimentaires.


Toutes ces normes privées sont aussi une source de différenciation des produits offerts par les sociétés qui les imposent et les utilisent souvent à but publicitaire.


Du point de vue des producteurs, et en particulier des petits producteurs, l’imposition de toutes ces normes est une source de difficultés pour la mise sur le marché de leurs produits. Pour satisfaire à toutes ces conditions, les petits producteurs doivent souvent changer de matériel génétique et presque toujours de technique de production. Les obstacles à l’adaptation des petits producteurs à ces normes comprennent notamment l’accès à l’information et au savoir, la capacité d’acquisition des semences, intrants et équipements nécessaires pour appliquer les technologies requises, l’accès au financement et l’importance des pertes occasionnées quand le produit obtenu ne correspond pas aux normes imposées. De leur côté, les grandes entreprises rechignent souvent à faire le nécessaire pour contrôler et certifier la production d’une masse de petits producteurs, ce qui revient très cher par rapport à la quantité qu’ils produisent (les coûts de l’adoption de la norme GlobalGAP aux produits d’exportations kenyans vers certaines grandes surfaces européennes se situaient en 2005 entre €125 et €3500).  Toutes ces difficultés entraînent souvent une marginalisation d’une fraction, la plus pauvre, des agriculteurs qui, ne pouvant s’adapter à cause du coût que cela représente, n’arrivent plus à vendre leur produits, surtout quand il s’agit de produits d’exportation pour lesquelles les normes sont appliquées de la façon la plus rigoureuse. On a ainsi observé de fortes chutes de participation de petits producteurs au marché lors de l’imposition de normes par les sociétés acheteuses (par exemple -50% au Kenya avec l’imposition de GlobalGAP).


On voit donc que, si d’un côté, l’imposition de normes peut certes contribuer à protéger les consommateurs, de l’autre, elles rendent plus difficile la vie des producteurs agricoles les plus pauvres, ceux qui justement souffrent de la faim. Il est donc essentiel, si l’on veut que ces normes ne soient pas discriminatoires pour les producteurs pauvres, que ceux-ci puissent bénéficier de tout l’appui nécessaire de la part de l’Etat ou des compagnies privées afin de pouvoir offrir des produits satisfaisant les critères d’acceptabilité pour le marché.


De plus, afin de réduire les volumes de gaspillage alimentaire dus au rejet pour cause de taches ou de petites irrégularités, les détaillants devraient choisir de délibérément abaisser leur normes tout en informant leurs clients des avantages qu’aurait la consommation de fruits et légumes «imparfaits» pour l’environnement.




Materne Maetz

(novembre 2012 actualisé en janvier 2014)



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Pour avoir plus de détails sur cette question, lire:


- Les impacts des normes privées de sécurité sanitaire des aliments sur la chaîne alimentaire et sur les processus publics de normalisation, FAO/OMS, 2009


  1. -Sécurité sanitaire et qualité des aliments, sur le site Web de la FAO


  1. -Film documentaire de Valentin Thurn, Taste the Waste, 2011


- Sur lafaimexpliquee.org :  Alimentation, environnement et santé, 2014

 

Dernière actualisation: janvier 2015

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