Nouvelles

 

18 juin 2020



La régression de la forêt mondiale restreint son aptitude à stocker le carbone et à protéger la biodiversité


Selon les premiers résultats de l’« Évaluation des ressources forestières mondiales, 2020 » menée par la FAO, les forêts dans le monde couvrent un peu plus de 4 milliards d’hectares, soit approximativement un tiers de la superficie totale des terres émergées. Près de la moitié (45 %) de ces forêts sont tropicales.


Rappelons ici qu’environ 500 millions de personnes parmi les plus pauvres de la planète, comprenant approximativement 150 millions d’autochtones, dépendent pour leur survie de l’exploitation de la forêt [lire].





Une diminution ralentie de la superficie de la forêt


En comparant la surface actuelle sous forêt avec les résultats d’évaluations passées, la FAO estime que 178 millions d’hectares de forêt ont disparu depuis 1990, ce qui équivaut à peu près à la superficie de la Libye ou plus de trois fois l’étendue de la France. Cette diminution impressionnante s’est faite à un rythme de près de 8 millions d’hectares par an entre 1990 et 2000, contre « seulement » un peu moins de 5 millions d’hectares par an entre 2010 et 2020.


La FAO explique cette baisse plus lente de la superficie forestière par un fléchissement du déboisement, une augmentation du reboisement et de l’expansion naturelle des forêts. Il est bon de se souvenir que la déforestation est principalement due à l’extension des agricultures de subsistance et de plantation.


Ce résultat pourra surprendre le public qui a souvent l’impression que la diminution de la forêt serait de plus en plus rapide, surtout quand on se réfère aux chiffres spectaculaires des superficies forestières et de savane concernées par les grands incendies : on estime en effet qu’entre 350 et 450 millions d’hectares de forêts et de pâturages brûlent chaque année (soit plus de 3,8 % de l’étendue des terres émergées) en libérant entre 2 et 4 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère [lire en anglais] à comparer aux émissions totales de gaz à effet de serre de l’ordre de 50 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an. Pour comprendre cette contradiction apparente, il faut savoir qu’une grande partie des forêts brûlées suivent un processus de régénération naturelle.


Importance des diverses catégories de forêts


Il faut se souvenir que la forêt mondiale est dans sa très grande majorité (93 %) composée de forêts naturellement régénérées et que seuls 7 % de la superficie totale (soit 290 millions d’hectares) correspondent à des forêts plantées. Notons cependant qu’alors que les forêts naturellement régénérées sont en diminution, les forêts plantées, elles, sont en augmentation.


C’est l’Afrique qui a perdu le plus de forêts entre 2010 et 2020 (moins 3,9 millions d’hectares), suivie de l’Amérique du Sud (moins 2,6 millions d’hectares), alors que l’Asie, l’Océanie et l’Europe ont vu leurs forêts croître.


Sur le total des quelque 4 milliards d’hectares de forêt :

  1. 1,1 milliard d’hectares sont recouverts de forêts primaires en régression de plus de 80 millions d’hectares depuis 1990. Ce sont des forêts composées d’espèces indigènes dans lesquelles il n’y a pas de traces d’activité humaine clairement visibles et où les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés. La majorité de ces forêts (61 % du total) sont situées au Brésil, au Canada et en Russie ;

  2. 131 millions d’hectares sont couverts par des plantations forestières (elles se trouvent surtout en Amérique du Sud) ;

  3. 159 millions d’hectares sont couverts par d’autres forêts plantées ;

  4. le reste est constitué d’autres forêts (2,7 milliards d’hectares).


Il faut noter que, si les forêts plantées permettent en général d’augmenter la productivité, elles sont plus pauvres du point de vue de la biodiversité tant végétale qu’animale, car elles sont souvent en monoculture (surtout dans le cas des plantations forestières).


Importance des différentes catégories de forêts


Source : FAO 2020.

télécharger le fichier : Categories forets.jpg



Les différentes utilisations de la forêt


Les aires protégées couvrent 726 millions d’hectares de forêt (18% du total; elles sont surtout en Amérique du Sud, où elles représentent 31 % des forêts.


La très grande majorité des forêts relèvent de la propriété publique et 22 % sont des propriétés privées (en augmentation).


1,15 milliard d’hectares de forêt sont principalement destinés à la production de bois et de produits forestiers non ligneux. En outre, 749 millions d’hectares sont affectés à des usages multiples, ce qui inclut souvent la production.


Par ailleurs, 424 millions d’hectares sont affectés à la conservation de la biodiversité et 399 millions d’hectares à la protection du sol et de l’eau. Ces deux catégories sont en augmentation au cours des dix dernières années.


Un stock de matériel et de carbone en légère régression depuis 1990


Malgré une augmentation du matériel sur pied par unité de surface, le matériel total sur pied des forêts est passé de 560 milliards de m3 en 1990 à 557 milliards de m3 en 2020. La biomasse totale est en légère diminution depuis 1990 et le stock total de carbone dans les forêts est passé de 668 milliards de tonnes en 1990 à 662 milliards de tonnes en 2020.


Cela signifie donc que les forêts jouent de moins bien leur rôle de puits de carbone et contribuent moins à la lutte contre le changement climatique, alors que beaucoup s’accordent pour dire qu’elles pourraient avoir un rôle déterminant dans cet effort.


Conclusion


Selon le travail de la FAO :

  1. La forêt régresse dans le monde, mais à un rythme ralenti ;

  2. La forêt plantée grandit mais reste très limitée ;

  3. La propriété privée de la forêt se développe et correspond à plus d’un cinquième du total ;

  4. Les forêts destinées à la protection de la biodiversité, des sols et de l’eau sont en augmentation, mais ne représentent qu’environ 20 % du total ;

  5. Le matériel végétal et le carbone stocké par les forêts sont en légère diminution.


Ces résultats montrent qu’il est essentiel d’entreprendre des actions visant à mieux protéger les forêts, de renforcer leur rôle de puits de carbone et de réserve de biodiversité. De ce dernier point de vue, on peut regretter que le travail de la FAO n’apporte pas d’éléments nouveaux qualitatifs sur l’évolution des forêts et de la biodiversité qu’elles abritent, et qu’il se limite à des aspects purement quantitatifs. Des informations sur l’évolution de la biodiversité sont disponibles ici.




—————————————

Pour en savoir davantage :


  1. FAO, Évaluation des ressources forestières mondiales 2020 - Principaux résultats. FAO 2020.



Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. Quelle est la cause des grands feux de forêt : la cupidité ou la pauvreté ? 2019.

  2. La Vie malade de la folie humaine : il nous faut changer de paradigmes, d’objectifs et de valeurs, 2019.

  3. La Côte d’Ivoire s’allie aux multinationales du chocolat en vue d’une gestion durable des forêts tropicales : doit-on s’en inquiéter ? 2019.

  4. 100 000 morts prématurées en Asie du Sud-Est: nous sommes tous responsables, mais nous préférons détourner notre regard, 2016.

  5. En Inde, un premier «referendum environnemental» sauve les Dongria Kondh, 2014.

  6. La forêt: les communautés rurales prises entre les marchés et l’objectif de préservation de la planète, 2013.

 

Dernière actualisation :    juin 2020

Pour vos commentaires et réactions : lafaimexpl@gmail.com