Sept principes pour en finir avec la faim :

Organisation de ceux qui ont faim

 

Premier principe : Organisation de ceux qui ont faim




Organisation de ceux qui ont faim (les petits producteurs, les sans-terre, les urbains pauvres, les femmes et les jeunes) pour augmenter leur force politique et leur poids économique ainsi que leur capacité de défendre leurs droits


  1. La faim étant avant tout le résultat de nos actions et non une fatalité, elle peut être résolue par nos actions. Nos actions sont guidées par les politiques économiques mises en place par nos gouvernements, comme l’illustre l’analyse des crises alimentaires. Ces politiques résultent des équilibres politiques en place dans nos pays ou groupements de pays (y compris les Nations Unies), comme l’illustre l’analyse du paradoxe des politiques agricoles et alimentaires


  2. Pour changer les politiques économiques en place, il s’agit donc de modifier les équilibres politiques pour que ceux qui, lésés par les politiques économiques en place, - c’est-à-dire les petits paysans, les travailleurs agricoles, les sans-terre, les femmes, les jeunes et les urbains pauvres qui sont les principales victimes de la faim - puissent avoir un poids politique plus grand. En s’organisant en associations, ces victimes deviendront des acteurs de poids capables d’exprimer les revendications, d’influencer les décideurs, de mener des actions revendicatives efficaces, de porter leurs candidats dans les élections locales et nationales pour s’assurer que leur voix, eux qui sont exclus aujourd’hui du jeu politique, puisse enfin véritablement et authentiquement s’exprimer dans toutes les enceintes. C’est là la prochaine étape dans le développement de la gestion démocratique de nos pays.




  3. L’organisation des victimes de la faim en associations, groupements ou coopératives présente en outre toute une série d’avantages déterminants pour la lutte contre la faim dont voici quelques exemples:


  4. Elle permet de réduire le coût des interventions requises pour lutter contre la faim (il est plus facile de travailler avec des associations qu’avec des individus et regrouper les individus permet de diminuer les coûts de transaction)

  5. Elle permet une mobilisation plus efficace pour défendre les droits humains, notamment le droit d’accès aux ressources naturelles

  6. Elle augmente le poids des producteurs et des consommateurs pauvres dans les négociations qu’ils peuvent engager avec les commerçants pour faciliter leur accès à la nourriture ou aux équipements et intrants agricoles, et permet d’envisager une  commercialisation de masse directement aux consommateurs

  7. Elle facilite l’accès à l’information et la formation (alphabétisation, techniques de production, économie et gestion, conditions du marché, action politique, etc.)

  8. Elle permet d’envisager un meilleur accès au financement (services financiers de groupes)


  9. Ces organisations doivent aussi devenir le canal obligé des actions de développement. Pourquoi louer ou vendre de la terre à des investisseurs extérieurs quand on peut la donner à des associations ou groupements de ruraux qui, à leur tour, pourront engager des accords avec des investisseurs extérieurs, si telle est leur volonté, selon des modalités légalement et clairement définies au préalable et qui protègent les intérêts des populations?


  10. Un niveau d’organisation plus élevé des ruraux et urbains pauvres est la condition première indispensable pour que la faim soit éradiquée. L’organisation des consommateurs peut, quant à, elle, pousser l’amélioration de la qualité et la sécurité des aliments et faire que les politiques agricoles favorisent le développement d’une agriculture de qualité et durable du point de vue écologique.


  11. Tout budget national devrait avoir un important volet pour financer le développement de la vie associative. Tout programme, qu’il soit financé par le gouvernement, l’aide bilatérale ou multilatérale, devrait avoir une composante de soutien à l’organisation des bénéficiaires de ses programmes. L’absence d’un appui à la vie associative, rend les actions entreprises moins efficaces et surtout moins susceptibles d’avoir des effets durables. Les archives sont pleines de projets de développement «réussis» dont toute trace sur le terrain a disparu quelques années - voire parfois quelques mois - seulement après leur fin.


  12. C’est là une entreprise qui ne sera pas facile, car on part d’un niveau très bas dans la plupart des pays. Les résistances et tentatives de récupération en feront une tâche difficile et risquée. Certaines expériences de regroupement forcé des producteurs agricoles en coopératives ont laissé des traces dans le monde rural et ont créé dans certains endroits des préjugés négatifs envers toute forme de regroupement. Ces préjugés devront être battus en brèche.


  13. Mais il y a aussi de bons précédents sur lesquels bâtir. Dans beaucoup de pays pauvres des paysans se sont regroupés pour créer des associations pour défendre leurs intérêts, pour produire, vendre et apprendre ensemble (écoles pratiques d’agriculture). Beaucoup se développent et rejoignent des réseaux plus importants au fur et à mesure que les producteurs voient l’intérêt politique et économique qu’il y a de travailler ensemble. Certaines fédérations nationales ont déjà réussi à faire entendre leur voix, et leurs réseaux tels que par exemple le ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest) au niveau régional et La Via Campesina au niveau international sont activement présents dans le débat sur l’agriculture et l’alimentation. Au niveau mondial, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) réformé offre à présent une plate-forme par laquelle les mouvements paysans peuvent contribuer au développement des politiques au niveau global.





Materne Maetz

(octobre 2013)

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Lire aussi :

- Khadka, S. Organisation des petits producteurs : Et maintenant ?

 

Dernière actualisation: octobre 2013

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