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29 mai 2019
Climat : deux approches complémentaires pour mieux cerner la question des gaz à effet de serre
Depuis une quarantaine d’années, la science nous met en garde contre le changement climatique provoqué par les gaz à effet de serre découlant de l’activité humaine. Il aura fallu tout ce temps pour que nous prenions conscience de l’urgence de la situation. Combien de temps nous faudra-t-il encore pour nous convaincre de l’importance de la nécessité d’agir immédiatement, avant que la situation ne devienne irréversible ?
Nous sommes prompts à nous dégager de la responsabilité d’agir et à pointer vers les autres :
•Les pays riches aiment pointer la Chine comme grande responsable du dérèglement climatique parce que les émissions totales résultant des activités économiques dans ce pays en font le premier émetteur de gaz à effets de serre (environ 10 milliards de tonnes d’équivalent de gaz carbonique, CO2, soit environ 1/5e des émissions totales dans le monde) ;
•Les pays pauvres aiment pointer vers les pays riches comme principaux responsables des émissions et soulignent que pour se développer, ils devraient être exemptés de réduire leurs émissions et devraient être soutenus pour pouvoir financer leur transition vers une économie plus durable [lire].
Carte des émissions de gaz à effets de serre (GES)
liés aux combustibles fossiles, par territoire
Source : Global Carbon Atlas
En conséquence, en France par exemple, certains (ir)responsables politiques n’hésitent pas à dire qu’il est inutile de diminuer les émissions de gaz à effet de serre du pays, d’une part parce que si la France est seule à changer, les efforts faits dans le pays auront un impact si minime que cela ne résoudra en rien le dérèglement climatique (les émissions de la France représentant environ 5 % des émissions mondiales), et d’autre part parce que les efforts faits entraîneraient, d’après eux, une perte de compétitivité économique pour le pays.
Cette argumentation est doublement fallacieuse et absurde. En effet si chaque pays attend que les autres pays agissent, il ne se passera rien et l’augmentation de la température moyenne sera bien supérieure aux 1,5 ou 2 degrés actuellement envisagés dans les scénarios du GIEC [lire]. Bref, ce sera la catastrophe ! En outre, une réduction des émissions nécessitera notamment la mise en œuvre de changements technologiques dans la production qui, à terme, donneront un avantage technologique (et compétitif) au pays à terme quand, sous la pression accrue du changement climatique, tout le monde sera désespérément à la recherche de technologies plus climato-compatibles. A contrario, ne rien faire aujourd’hui est la meilleure recette pour être dépendant des autres à l’avenir.
Cependant, la question n’est pas simplement un problème de technologie de production, c’est également une question de consommation. Au cours des décennies passées, pour satisfaire une soif inextinguible de consommation certains pays riches ont fait en sorte de délocaliser une large part de leur production industrielle vers des pays où la main-d’œuvre est docile et sous payée, et où les réglementations environnementales sont plus accommodantes. On a vu ainsi l’industrie textile forte utilisatrice de main-d’œuvre migrer vers l’Asie, plus récemment la production d’automobile partir vers l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord ou le Mexique, la sidérurgie, l’industrie navale ou celle des terres rares (entre autres) très polluantes se déplacer vers les pays pauvres et émergents. Avec le développement du commerce international, une part croissante de notre alimentation dépend également d’importation de nourriture ou d’aliment pour les animaux d’élevage.
Tout cela a permis de limiter la détérioration de l’environnement dans les pays riches et l’a fortement exacerbée dans les pays pauvres et émergents où les grandes villes (Beijing, Delhi, Mexico et bien d’autres) ont vu leur air devenir irrespirable. Cela a également permis de déplacer la production des gaz à effet de serre tout en maintenant en grande partie la consommation des produits en résultant dans les pays riches. Ainsi, si l’on compare les gaz à effet de serre découlant de la production sur place avec les gaz à effets de serre inclus dans les produits consommés, on trouve une différence considérable. En effet, par exemple, les gaz à effets de serre émis pour produire un acier utilisé en France mais produit en Chine seront imputés à la Chine et non à la France, ceux émis pour investir dans des infrastructures et des usines afin de produire pour l’exportation seront imputés au pays producteur et non à ceux qui, au bout du compte, consommeront la production qui leur est destinée. Le tableau ci-dessous donne quelques exemples des émissions liés aux combustibles fossiles par habitant selon le point de vue adopté, la production ou la consommation.
Émissions de gaz à effets de serre (GES) liés aux combustibles fossiles :
la double perspective (en tonne d’équivalent CO2 par habitant)
Source : Global Carbon Atlas
Il est évident que présenter uniquement le côté production des émissions tend à minimiser les responsabilités des pays consommateurs, au détriment des pays exportateurs, ce qui n’est pas neutre dans les négociations autour du climat. Ça ne l’est pas davantage quant aux solutions proposées pour réduire les émissions. Un accent sur la production pousse à chercher des solutions technologiques à la question, ou, si l’on est particulièrement myope, cela pousse à davantage de délocalisations. La prise en compte de l’aspect consommation permet d’envisager des solutions supplémentaires : en réduisant la consommation ou en l’orientant vers des produits plus respectueux du climat. Cette réduction/réorientation peut se faire par l’intermédiaire de campagnes d’information et/ou par des actions plus directes, notamment des politiques de subventions et de taxes [lire].
Comme cela a déjà été dit ailleurs sur lafaimexpliquee.org, l’alimentation est à la fois une cause et une victime du dérèglement climatique [lire]. Dans ce domaine, comme dans d’autres, les solutions sont à la fois dans l’évolution des technologies de production et dans des choix plus judicieux de consommation. Une agriculture moins énergivore favorisant le stockage de carbone dans le sol en y maintenant une plus grande quantité de matière organique ou la diminution de la consommation de viande, sont deux exemples de tels changements. Ils présentent, en plus de la diminution des gaz à effets de serres, beaucoup d’autres effet bénéfiques : par exemple, une meilleure résistance contre la sécheresse et l’érosion des sols, et une meilleure santé, respectivement.
Le cas de l’huile de palme
Nous avons déjà eu l’occasion d’écrire ici sur les problèmes soulevés par l’huile de palme [lire]. Cette huile, dont la production selon la FAO a été multipliée par plus de 35 fois entre 1963 et 2013 et qui occupe plus de 21 millions d’hectares en 2017 (contre seulement 3,5 millions en 1963), est une importante source de gaz à effet de serre, notamment à cause des incendies de tourbières qui se produisent régulièrement en Asie du Sud-Est (Indonésie et Malaisie) qui est la principale zone de production. Selon les estimations du World Resources Institute, en 2015, l’Indonésie seule a émis autant de gaz à effet de serre en trois semaines du fait des incendies liés à l’huile de palme que l’Allemagne en une année !
L’huile de palme est devenue un ingrédient très populaire dans l’industrie alimentaire parce qu’elle est bon marché et qu’elle est la seule huile solide à température ambiante. En France, on peut estimer qu’elle représente environ 1 % des gaz à effets de serre émis (calcul du point de vue de la consommation), 2 % pour l’Union européenne. La décision des consommateurs de limiter - voire d’éliminer totalement - l’huile de palme de leur régime alimentaire en la remplaçant par d’autres matières grasses plus climato-compatibles pourrait ainsi avoir un impact immédiat non négligeable sur les émissions induites par la consommation alimentaire.
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Pour en savoir davantage :
•Global Carbon Atlas, Carte mondiale des émissions de gaz à effet de serre, site web.
•Fondation Good Planet, Calculateurs Carbone, site web (en anglais).
•Calculation Tools, outils de calcul des émissions de gaz à effet de serre, Greenhouse Gas Protocole, site web (en anglais).
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Dernière actualisation: mai 2019
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