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13 décembre 2016



Financement climat en faveur des pays pauvres : confusion, manque de transparence et probabilité de non respect des engagements pris


Il y a un an, les pays participants à la COP21 de Paris signaient l’Accord de Paris et s’engageaient à opérer des réductions rapides des émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans le cadre de cet Accord, les pays riches se sont engagés à aider à financer les efforts dans les pays pauvres grâce à un mécanisme de financement qui devrait mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020.


L’ironie de cet engagement, c’est qu’aucun mécanisme crédible n’a été décidé pour en suivre la réalisation et vérifier s’il est véritablement mis en oeuvre. C’est là une situation qui est soulignée par un rapport d’Oxfam qui s’appuie sur trois sources de données qui présentent des situations assez contrastées : (i) les rapports annuels des pays à Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), (ii) la base de données du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE et (iii) la feuille de route des 100 milliards de dollars (en anglais) récemment publiée par 38 pays riches et l’Union européenne.


Financements climat déclarés par rapport aux estimations d’Oxfam de l’assistance nette consacrée spécifiquement au climat (moyenne de 2013–2014)



L’analyse faite par Oxfam, peu avant la tenue de la COP22 de Marrakech soulève la question de la comptabilisation des engagements et des dépenses faites par les pays riches. C’est là une question ancienne qui s’était déjà posée au moment des engagements pris à L’Aquila par les pays du G8 en vue de financer une réaction à la crise alimentaire qui s’est produite dans la deuxième partie des années 2000 : à l’époque on s’était vite rendu compte que parmi les 20 milliards de dollars qui avaient été promis par les membres du G20, seule une partie minime était constituée de financements additionnels, le reste étant formé par des engagements anciens qui étaient « recyclés » ou « ré-attribués » à la lutte contre la crise alimentaire.


Les principales conclusions du travail de l’ONG peuvent être résumées en trois points principaux:


  1. « Les niveaux des financements climat accordés à l’adaptation et aux pays les moins avancés (PMA) sont extrêmement bas… et largement insuffisant[s]. »

  2. « L’accord sur l’établissement de normes comptables communes se fait attendre depuis très longtemps, or il s’agit là d’une étape cruciale pour s’assurer que les financements climat sont dépensés de manière efficace et productive… Les systèmes de ‘reporting’ des financements climat manquent de transparence, de cohérence et de précision : cela induit de fortes différences et un « flou mathématique » quant aux modes de ‘reporting’ des pays développés. »

  3. « Les niveaux déclarés de financements climat au niveau mondial exagèrent de beaucoup le soutien réel apporté (l’assistance nette spécifique au climat) aux pays en développement. Cela s’explique notamment par le fait que bon nombre de pays comptabilisent les prêts à leur valeur nominale plutôt qu’à leur part dons. »



Les chiffres avancés par Oxfam sont éloquents :


  1. en 2013-2014, sur les 41 milliards de financement publics annoncés, seuls 11 à 20 milliards portent sur le changement climatique (notons la grande incertitude sur ce chiffre)

  2. sur les 67 milliards qui pourraient être mobilisés d’ici 2020, 18 à 34 milliards porteraient sur le changement climatique

  3. une part prépondérante des financements se fait sous forme de prêts et non de dons.


On serait donc bien loin du compte !


Oxfam s’est aussi intéressé à la question du financement privé qui est souvent mis en avant par les États comme devant jouer un rôle très important dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Il devrait notamment compléter les 67 milliards déjà mentionnés pour arriver aux 100 milliards promis (Rappelons ici que l’on estime que chaque année l’investissement privé dans le monde représente plus de 5000 milliards de dollars…). Quatre pays seulement (le Canada, la Finlande, la France et le Japon)

ont précisé pour l’instant le montant des financements privés mobilisés dans les pays du Sud. D’autres pays auraient donné une estimation de leurs financements privés, mais ils ne sont pas accessibles pour le moment.


En conclusion : confusion, manque de transparence et grande probabilité pour que les engagements pris ne soient pas respectés au final… comme d’habitude, en somme !


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Pour en savoir davantage :


  1. -Oxfam,  Les vrais chiffres des financements climat : où en est-on de l’engagement des 100 milliards de dollars ? Oxfam Cultivons, 2016

  2. -OCDE, 2020 Projections of Climate Finance Towards the USD 100 Billion Goal, 2016 (en anglais uniquement)

  3. -Rapports bisannuels nationaux à la CCNUCC portant sur la période 2013–2014

  4. -OCDE, Le financement climatique en 2013–2014 et l’objectif des 100 milliards de dollars, OCDE, Paris 2015


Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. -Le climat change, l’alimentation et l’agriculture aussi - Vers une « nouvelle révolution agricole et alimentaire », 2016

  2. -Forces et faiblesses de l’accord atteint lors de la Conférence sur le financement du développement d’Addis Abeba, 2015

  3. -Le «Blending»: formule magique pour mobiliser plus de ressources pour le développement ou subvention à l’endettement ? 2013

  4. -L’insuffisance de l’aide au développement agricole, 2012

 

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Dernière actualisation:    décembre 2016