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26 juin 2015


Le commerce international et des études supplémentaires, les solutions à la question de l’alimentation et du changement climatique, affirme une consultation d’experts...



Une publication récente de la FAO, ’Changement climatique et systèmes alimentaires - évaluation mondiale et implications pour la sécurité alimentaire et le commerce international’ (Climate change and food systems - Global assessments and implications for food security and trade - disponible en anglais seulement), donne un aperçu sur la façon dont cette organisation analyse l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire et les solutions qui pourraient aider à traiter cette question extrêmement importante. Plus généralement, dans la mesure où cette publication émane d’une consultation d’experts organisée à la FAO en 2013, elle résume le mode de pensée dominant sur cette question.


Soulignant que « l’on s’attend à ce que l’impact sur la productivité des cultures soit négatif dans les pays situés à basse latitude et dans les régions tropicales, mais quelque peu positif dans les régions de haute latitude » et que le changement climatique aura aussi un impact sur le contenu nutritionnel de la nourriture, dans la mesure où « il a été démontré qu’une concentration plus élevée de dioxyde de carbone [CO2] implique des concentrations plus basses de zinc, de fer et de protéines et qu’elle augmente la concentration en amidon et en sucre des cultures qui utilisent la fixation du carbone en C3 tels que le blé, le riz et le soja », les auteurs envisagent que le changement climatique « aggravera les défis relatifs à la malnutrition, y compris l’obésité et les déficits nutritionnels dans les communautés pauvres ».





Pour faire face à la pénurie d’eau induite par le changement climatique, le rapport propose comme solution des instruments de marché tels que la fixation du prix de l’eau et le commerce de l’eau, mais ne propose pas, malheureusement, d’investir davantage dans l’amélioration de l’agriculture en sec en développement des variétés résistantes au stress hydrique, alors qu’il y a de bonnes indications que de telles solutions peuvent être trouvées à un coût relativement bas [lire des exemples ici et ]. Sur des questions importantes comme les agrocarburants et les engrais, le rapport reconnait l’impact potentiellement négatif des premiers mais ne remet pas en cause l’agriculture fondée sur les engrais qui domine à l’heure actuelle, sous prétexte de l’importance des engrais dans la production. Il ne considère pas l’agriculture biologique comme une alternative, malgré les indications très convaincantes qu’elle peut, si elle est gérée comme il faut, être au moins aussi productive que l’agriculture agrochimique conventionnelle. En adoptant cette position, cette publication donne de façon évidente la priorité à une production non durable, au détriment d’une agriculture plus respectueuse du climat fondée sur des technologies accessibles aux producteurs pauvres (souvent sous-alimentés) qui n’ont pas les moyens d’acheter les produits de l’agrochimie.


Le rapport ne propose pas davantage les changements de politiques indispensables qui pourraient empêcher « [l’expansion] du commerce international entre les régions de haute et moyenne latitude et les régions de basse latitude, où la production et le potentiel d’exportation pourrait être réduit », acceptant ainsi comme un fait établi la dépendance alimentaire accrue des régions dans le monde souffrant d’insécurité alimentaire telle que l’Afrique. Voilà une position que l’on ne s’attendrait pas voir adoptée dans une publication de l’Organisation dont le mandat est de réduire la sous-alimentation et qui s’est engagée à contribuer à l’éradication de la faim dans le monde. De plus, le commerce est présenté comme faisant part de la solution sous prétexte qu’il peut « jouer un rôle de stabilisation des prix et de l’approvisionnement » : les leçons de la crise  de 2008, où les marchés mondiaux ont clairement servis de courroie de transmission de l’instabilité des prix, ont déjà été oubliées ! Espérons que l’internalisation des coûts environnementaux dans les coûts du commerce international, proposée par le rapport, contribuera à augmenter considérablement la compétitivité de la production locale et bénéficiera aux producteurs locaux (dans la mesure, bien sûr, où les terres de ces producteurs ne seront pas accaparées, les envoyant ainsi grossir la masse de personnes vivant dans des conditions abjectes dans les bidonvilles des grandes métropoles du Sud).


Quand le rapport tente de traiter du lien entre changement climatique, pauvreté et systèmes alimentaires, son langage devient remarquablement vague et utilise des concepts tels que ‘intégration du changement climatique dans les stratégies en faveur des pauvres’, ‘cadres intersectoriels’, ‘liens critiques’, ‘déterminants socioéconomiques’ et bien d’autres encore qui peuvent être perçus par le lecteur comme autant de paravents qui empêchent de voir le vrai problème, celui que le rapport semble chercher à fuir mais qui pointe vers la nécessité d’une redéfinition fondamentale de notre système agricole et alimentaire en vue de mettre en place toutes les incitations et réglementation qui sont susceptibles de mener à l’adoption de technologies plus respectueuses du climat et qui donnerait une opportunité à la petite agriculture familiale de bénéficier du changement et d’améliorer ainsi son statut alimentaire. [lire quelques unes de nos propositions ici]


Le plus incroyable dans ce livre, est que les solutions de politiques qu’il propose peuvent grossièrement être résumées ainsi :


  1. développer le commerce international et le rendre plus compatible avec le climat par l’internalisation de ses coûts environnementaux

  2. intégrer « les réponses au changement climatique dans les stratégies en faveur de pauvres »

  3. rassembler davantage « de preuves scientifiques robustes et fiables ».


Rien sur l’importance de la recherche sur de nouvelles technologies plus respectueuses du climat ou sur la révision des politiques qui ont, pendant des décennies, donné des incitations en vue du développement d’un système alimentaire agressif envers le climat et générateur de malnutrition. Pas davantage non plus sur comment traiter les implications nutritionnelles du changement climatique qui sont pourtant reconnues dans le texte.


Voilà un résultat plutôt décevant pour une publication de 336 pages dont une large partie est consacrée à la discussion de travaux de modélisation et de recherche en cours, et qui sera de peu d’utilité aux décideurs qui doivent faire face au problème maintenant, et qui ne servira pas davantage à réussir une percée dans les négociations lors de la Conférence Paris Climat 2015 qui se tiendra à la fin de cette année.



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Pour en savoir davantage :


  1. -FAO. Climate change and food systems: global assessments and implications for food security and trade. Food Agriculture Organization of the United Nations (FAO), Rome Italy, 2015 - en anglais seulement



Articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org sur ce sujet :

  1. -Une solution pour lutter contre le dérèglement climatique : une agriculture qui stocke du carbone dans le sol, 2015

  2. -Des chercheurs montrent que l’agriculture biologique génère plus de valeur économique que l’agriculture conventionnelle, 2015

  3. -La recherche et la biodiversité peuvent nous aider à lutter contre l’impact négatif du changement climatique : l’exemple du haricot, 2015

  4. -Biodiversité contre OGM : comment donner aux plantes une meilleure capacité de résistance à la sécheresse ?, 2014

  5. -L’eau - La stratégie du «tout pour l’irrigation» a abouti à un système inégalitaire fragile et gaspilleur, 2013


 

Dernière actualisation:    juin 2015

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