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17 juin 2015
Une solution pour lutter contre le dérèglement climatique : une agriculture qui stocke du carbone dans le sol
2015 est l’Année internationale des sols qui jouent un rôle essentiel dans notre vie en contribuant à la sécurité alimentaire, l’adaptation et l’atténuation du dérèglement climatique et la provision de services écosystémiques.
2015 est aussi l’année de la Conférence Paris Climat 2015 (Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) qui doit se tenir du 30 novembre au 11 décembre 2015, avec l’objectif d’arriver à un accord mondial sur comment réduire les gaz à effet de serre afin de maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en-dessous de 2 degrés.
La conjonction de ces deux événements devrait être l’occasion de repenser notre façon de gérer les sols, et par conséquent notre manière de faire de l’agriculture, afin d’utiliser le plein potentiel des sols et de l’agriculture pour l’atténuation du dérèglement climatique.
De ce point de vue, le rapport publié en octobre 2014 par le Rodale Institute, une organisation à but non lucratif bien connue qui soutient la recherche dans le domaine de l’agriculture biologique, donne quelques données et pistes intéressantes. Sous le titre « Agriculture biologique régénératrice et changement climatique - une solution terre-à-terre au réchauffement planétaire » (en anglais ‘Regenerative Organic Agriculture and Climate Change A Down-to-Earth Solution to Global Warming’) les auteurs du rapport rappellent que « en 2012, les émissions globales de gaz à effet de serre étaient de l’ordre de 52 gigatonnes d’équivalent CO2 ». Ces émissions devraient « bientôt être réduites à 41 gigatonnes d’équivalent CO2 net, si nous voulons avoir une chance réelle de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius ».
Le rapport poursuit en soulignant qu’il y a deux façons selon lesquelles cette réduction peut se faire : en diminuant les émissions et en augmentant la fixation du carbone (séquestration). D’après des « données récentes provenant d’essais sur des systèmes agricoles et pastoraux partout dans le monde […] nous pourrions séquestrer plus de 100% des émissions actuelles de CO2 en adoptant des pratiques de gestion de cultures biologiques qui sont déjà largement disponibles et peu coûteuses ».
Ces pratiques, qualifiées d’ « agriculture biologique régénératrice » demanderaient cependant de modifier fondamentalement le mode d’opération actuel de l’agriculture. Ce mode opératoire fait de l’agriculture l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre. La nécessité d’une telle modification a déjà été affirmée à maintes reprises sur www.lafaimexpliquee.org, et elle contribuerait aussi à offrir aux centaines de millions de personnes sous-alimentées de nouvelles opportunités pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de la faim. [lire]
La agriculture conventionnelle prétendument ‘moderne’ est « productrice nette d’émissions de gaz directement par les pratiques agricoles conventionnelles qui épuisent le stock de carbone du sol tout en émettant de l’oxyde nitreux (N2O), et indirectement par la modification de l’utilisation des terres » (déforestation notamment). En conséquence, l’agriculture a fait que « la plupart des sols ont perdu entre 30% et 70% de leur carbone organique originel ». Or moins il y a de carbone dans le sol, moins il est le siège d’activité biologique, moins il est capable de stocker de l’eau, et plus il sera donc vulnérable à la sécheresse.
Mais qu’est-ce donc que l’ « agriculture biologique régénératrice » ? Elle est « caractérisée par une tendance à l’utilisation de cycles de nutriments fermés, une plus grande diversité biologique, moins de plantes annuelles et plus de pluriannuelles, et une plus grande dépendance envers des ressources internes plutôt qu’externes ». Le document cite plusieurs pratiques culturales bien connues et qui font partie de ce type d’agriculture, tels que l’agriculture de conservation, les cultures de couverture, des rotations culturales améliorées, l’utilisation des résidus de culture et de compost. Le rapport donne également plusieurs exemples de systèmes agricoles utilisés dans divers endroits du monde et avance des estimations sur leur effets sur la séquestration du carbone. En extrapolant ces données, le rapport affirme que « même si seulement la moitié des superficies cultivées passait sous agriculture régénératrice et qu’aucun changement n’advenait dans la gestion des pâturages, nous serions en mesure d’atteindre le seuil de 42 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2020 qui rend possible la réalisation de beaucoup des scenarios visant la limitation du réchauffement à 1,5 degré Celsius ».
Une grande partie de ce que le rapport dit n’est pas vraiment nouveau, mais sa valeur ajoutée est de mettre le développement de l’agriculture biologique régénératrice dans le contexte de la lutte contre le dérèglement climatique. Il traite également, bien que probablement trop vite, de la question des rendements qui est souvent mise en avant par les partisans de l’agriculture conventionnelle pour expliquer que celle-ci est la seule solution possible et pour empêcher tout effort pour la remplacer par une agriculture plus durable. Sur www.lafaimexpliquee.org. nous avons déjà affirmé que le remplacement de l’agriculture conventionnelle par l’agriculture biologique (surtout quand elle régénère le sol) contribuerait en fait à augmenter la production agricole, créer de nouveaux emplois dans le secteur et à améliorer les conditions de vie des producteurs-mêmes qui souffrent aujourd’hui de sous-alimentation.
Il est certainement nécessaire de mener davantage de recherches dans la direction indiquée par le rapport du Rodale Institute et elles pourront mener à des résultats rapides dans le combat contre le dérèglement climatique et la faim. Voilà qui fait plus que justifier que ce sujet soit discuté lors de la Conférence Paris Climat 2015 et qu’il soit décidé d’allouer des ressources appropriées à la recherche et à la promotion de pratiques agricoles qui font partie de l’agriculture biologique régénératrice.
Il faut cependant se dire qu’il y aura une limite à la quantité de carbone que le sol pourra ainsi stocker, et que, une fois la période de transition vers une nouvelle agriculture effectuée et le niveau maximal de stockage de carbone dans le sol atteint, d’autres solutions de stockage de carbone devront être trouvées.
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Pour en savoir davantage :
-Rodale Institute, Regenerative Organic Agriculture and Climate Change A Down-to-Earth Solution to Global Warming, 2014 (en anglais uniquement)
-lafaimexpliquee.org, Des chercheurs montrent que l’agriculture biologique génère plus de valeur économique que l’agriculture conventionnelle, 2015
-lafaimexpliquee.org, Sept principes pour en finir avec la faim - Développement de la recherche, 2013
-lafaimexpliquee.org, Les idées reçues (et fausses) sur la faim : l’agriculture chimique est indispensable pour nourrir le monde, 2013
-lafaimexpliquee.org, 42ème Journée Mondiale de l’Environnement : une occasion pour réfléchir sur les relations alimentation, agriculture et changement climatique, 2013
Dernière actualisation: juin 2015
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