Nouvelles

 


3 avril 2015


Des chercheurs montrent que l’agriculture biologique génère plus de valeur économique que l’agriculture conventionnelle


L’agriculture joue un rôle central dans notre environnement : elle peut y contribuer positivement, mais elle peut aussi contribuer à sa dégradation. Alors que l’agriculture a une fonction essentielle dans notre vie en produisant de grandes quantités de produits (alimentaires et non alimentaires) qui ont une valeur marchande, elle est aussi souvent critiquée pour son impact négatif sur l’environnement (érosion et dégradation des sols, pollution des sols, de l’eau et de l’air, surexploitation des ressources en eau, réduction de la biodiversité, etc.) auquel  le marché, par contre, ne donne pas de valeur (externalité négative). Cette situation a bien été reconnue par l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM) publiée en 2005.


L’augmentation extraordinaire de la production de céréales observée depuis la fin de la Seconde guerre mondiale a reposé sur l’utilisation de semences hybrides améliorées, ainsi que sur de grandes quantité d’engrais chimiques et de pesticides. Il est à présent prouvé que ces engrais et pesticides ont un énorme impact négatif sur notre environnement et notre santé.





Un groupe de chercheurs d’Australie, du Danemark, des États-Unis, de Nouvelle Zélande et du Royaume Uni ont récemment mené une étude pour mesurer l’importance de la valeur non-marchande de la lutte biologique contre les ravageurs et de la minéralisation de l’azote, qui tous deux caractérisent l’agriculture biologique. Cette étude a porté sur quatre cultures : les pois, les haricots, l’orge et le blé.


La lutte biologique contre les ravageurs, au lieu d’utiliser les pesticides pour détruire les ravageurs, utilise les services écosystémiques qu’apportent les prédateurs naturels, les parasites, les bactéries et les champignons. Dans l’agriculture biologique, plutôt que d’avoir recours à des engrais chimiques de synthèse pour apporter l’azote nécessaire aux plantes, l’azote est obtenu par la décomposition des résidus végétaux par les invertébrés et les microorganismes vivant dans le sol.


Le résultat de l’étude est très impressionnant et montre que la valeur économique totale des systèmes agricoles biologiques étudiés, qui recouvre les biens et services totaux produits qu’ils soient marchands ou non-marchands, est nettement supérieure à celle des systèmes d’agriculture conventionnelle correspondants. Les systèmes agricoles biologiques n’utilisent aucun intrant synthétique (ni engrais chimique, ni pesticides) mais reposent sur l’amélioration des sols à partir de compost, d’engrais d’origine animale et végétale, la gestion des ravageurs grâce à l’utilisation des services écosystémiques, la rotation des cultures, la diversification des cultures et des animaux et le renforcement de la biodiversité. L’agriculture conventionnelle, quant à elle, utilise de grandes quantités d’intrants synthétiques, repose largement sur la monoculture et consomme plus d’énergie et d’eau.


Les chercheurs ont trouvé qu’alors que les systèmes agricoles biologiques produisaient parfois autant, mais en général moins d’énergie et de matière sèche végétale que les systèmes correspondants d’agriculture conventionnelle, la valeur économique totale qu’ils généraient était systématiquement plus élevée quand elle prenaient en compte à la fois les biens et services marchands ainsi que les services écosystémiques non-marchands.


Le tableau ci-dessous présente la composition de cette valeur économique par hectare et par an pour l’emsemble des quatre productions analysées dans l’étude (pour plus de détails, se référer à l’étude.





Les données montrent un avantage particulièrement important pour l’agriculture biologique dans le cas du blé.


En extrapolant grossièrement ces estimations à l’ensemble des cultures de la zone tempérée, les chercheurs ont trouvé que « la valeur nette extrapolée de ces deux services non-marchands offerts par les espèces non-marchandes pourraient dépasser le total des coûts représentés par l’achat de pesticides et d’engrais, même si l’on utilisait l’approche biologique sur seulement 10% de la superficie totale arable. »


De façon évidente, ces résultats donnent de bonnes raisons pour développer l’agriculture biologique et mettre en place des mesures qui contribueraient à faire en sorte qu’elle remplacera progressivement - et aussi vite que possible - l’agriculture conventionnelle.


Ils apportent aussi des arguments supplémentaires en faveur de mesures de subventions/taxes qui permettraient d’internaliser les externatités positives et négatives et donneraient des incitations attirant les producteurs et les consommateurs vers les produits organiques. Le supplément de valeur non-marchande de l’agriculture biologique pourrait être internalisé par le paiement d’une subvention équivalente sur le produit biologique ou l’imposition d’une taxe sur le produit conventionnel. L’expérience montre que ce type de système de subvention/taxe peut fonctionner. [lire] Malheureusement, pour l’instant, le système d’incitations en place dans la quasi totalité des pays du monde est plutôt en faveur de l’agriculture conventionnelle, principalement sous la forme de subventions sur les intrants chimiques caractéristiques des politiques productivistes. [lire] Même le prétendu « verdissement » de la Politique agricole commune de l’Union Européenne n’a pas fait grand chose pour réorienter ces incitations en faveur d’une production agricole plus durable. [lire]



—————————


Pour en savoir davantage


  1. -Sandhu, H. et al., Significance and value of non-traded ecosystem services on farmland, PeerJ, 2015 (en anglais)

  2. -Les politiques de prix peuvent contribuer à la promotion d’une alimentation plus saine : l’exemple de l’Europe, Lafaimexpliquee.org, 2015

 

Dernière actualisation:    avril 2015

Pour vos commentaires et réactions: lafaimexpl@gmail.com