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1er Septembre 2013
Politique et morale, morts en Syrie et morts de faim, deux poids, deux mesures
On ne parle que de cela dans les médias. Plus de 100 000 morts en Syrie depuis le début de la guerre civile il y a un peu plus de deux ans, dont plus de 1200 par utilisation d’armes chimiques il y a quelques jours. Voilà nos responsables politiques prêts à intervenir pour punir le gouvernement syrien.
«Ne pas agir c’est laisser faire. On ne peut pas rester inerte... On ne peut accepter l’inacceptable.»
Les déclarations du personnel politique se bousculent sur toutes les antennes. Voilà les responsables politiques prêts à intervenir en Syrie en dehors de tout cadre légal, simplement sur la base de la morale, sans objectif spécifique si ce n’est la punition et sans pour autant se figurer si cette punition sauvera vraiment des vies ou si au contraire cela risque de causer encore davantage de victimes...
Mais alors,...
...pourquoi ces déclarations ne s’appliqueraient-elles pas à la question de la faim? Pourquoi alors ne pas adopter la même approche pour les victimes de la faim? Qui envisage de punir les dizaines de gouvernements responsables de plus de 7000 morts par jour dont une majorité d’enfants, soit 2,5 millions par an ou 50 Syrie?
Personne.
Qui envisage de faire le nécessaire pour sauver les 2,5 millions de personnes qui ne manqueront pas de mourir de faim dans l’indifférence générale au cours de l’année à venir?
Personne.
Il est vrai que le famicide n’est pas encore un crime contre l’Humanité reconnu (le terme famicide a été proposé par Trueba et MacMillan dans leur récent livre «How to End Hunger inTimes of Crises»).
Pourquoi traiter la question des milliers de victimes syriennes différemment de la question des millions de victimes de la faim? Serait-ce parce que en Syrie le gouvernement est responsable et agit délibérément pour massacrer sa population, mais dans les pays où l’on meurt de faim ce serait une fatalité et les gouvernements ne seraient donc pas responsables? C’est là une idée reçue communément partagée et totalement fausse [lire davantage sur les idées reçues sur la faim]. Car il est clairement établi que la faim est causée par les hommes et leurs décisions [lire sur les crises alimentaires et sur pourquoi rien ne bouge sur le front de la faim]. Donc la responsabilité des dirigeants des pays concernés est entière, et l’action est possible...
On ne peut soupçonner nos leaders d’ignorance. Auraient-ils donc d’autres raisons? Des intérêts directs et stratégiques en Syrie? La recherche de popularité en période de difficulté en flattant la fierté nationale? Est-ce une exploitation de l’effet des images spectaculaires présentées par les médias sur l’opinion publique [l’effet CNN] ? Certes l’alignement des victimes de l’attaque chimique en Syrie est choquant, mais sommes nous conscients que si l’on alignait les victimes de la faim chaque année, ces victimes seraient alignées sur environs 1000 km, soit davantage que la distance par route entre Paris et Nice???
Pourtant, il serait plus facile de justifier une action de paix pour sauver des millions de personnes qu’une action violante de destruction destinée simplement à «punir».
Reste la question du coût...
Les Etats sont peu enclins à donner des chiffres sur les coûts des guerres menées au cours de ces dernières années. Selon Joseph Siglitz, prix Nobel d’économie qu’il n’est plus nécessaire de présenter, le coût mensuel de la deuxième guerre en Irak en 2003 est estimé à l’ordre de 16 milliards de dollars par mois, soit 500 millions de dollars par jour ou 192 milliards de dollars par an [lire]. Un bombardement de trois jours en Syrie coûterait bien moins, puisqu’il ne s’agirait pas, comme en Irak, d’intervention terrestre, mais on peut raisonnablement estimer que trois jours de bombardement couteraient certainement plus de 500 millions de dollars à ceux qui les feraient, mais sans avoir aucun effet plausible sur le nombre de morts syriens à venir.
Dans leur livre, Trueba et MacMillan estiment à environ 30 millions de tonnes de céréales la quantité de nourriture nécessaire pour éradiquer la faim et sauver les 2,5 millions de personnes qui risquent de mourir de faim dans les 12 mois à venir. Cette quantité ne représente qu’un peu plus de 1% de la production alimentaire mondiale totale. 30 millions de tonnes coûtent à l’heure actuelle environ 12 milliards de dollars (à 400 dollars le kilogramme en moyenne - le prix de blé et du riz à l’heure actuelle sont d’environ 305 et 530 dollars la tonne). Si l’on considère que les coûts de distribution peuvent pratiquement doubler le coût de l’opération, il faudrait donc environ 24 milliards de dollars par an pour éliminer immédiatement la faim. Avec l’équivalent des dépenses faites pour 6 semaines de guerre d’Irak on pourrait donc sauver toutes les victimes à venir de la faim.
Alors qu’attendent nos dirigeants? Qu’attendent nos parlementaires? Qu’attend notre société civile pour lancer une campagne sur ce sujet?
Dernière actualisation: septembre 2013
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