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10 janvier 2021


Le Mexique, premier pays d’Amérique Latine à interdire le maïs OGM et le glyphosate



Le gouvernement mexicain a décidé d’interdire le maïs OGM et le glyphosate d’ici 2024. Un décret publié le 3 décembre dernier annonce que les autorités responsables de la biosécurité « révoqueraient et s’abstiendraient d’accorder des permis pour la dissémination dans l’environnement de semences de maïs génétiquement modifié ». 


Cette décision, conforme à la promesse faite par le président mexicain Lopez Obrador de protéger les variétés indigènes, arrive après une série de choix contradictoires pris par différents gouvernements et par les autorités judiciaires au cours de ces dernières années. Le décret envisage également une cessation progressive des importations de maïs transgénique pour l’industrie alimentaire. Il n’est pas clair si l’interdiction s’applique aussi au maïs utilisé pour l’alimentation animale.




L’objectif du gouvernement est « la sécurité et la souveraineté alimentaire » et la protection du « maïs indigène, des champs de maïs, de la richesse bioculturelle, des communautés agricoles, de l’héritage gastronomique et de la santé des Mexicains ».


Rappelons ici que le maïs est originaire du Mexique et qu’il est le résultat d’une sélection millénaire effectuée par les paysans mexicains sur le téosinte [lire]. Gardons également à l’esprit que depuis l’entrée en vigueur, en 1994, de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, les importations mexicaines de maïs (dont la plus grande partie est transgénique) en provenance des États-Unis ont augmenté de façon spectaculaire, rendant le pays de plus en plus dépendant de son grand voisin du nord pour un produit qui constitue l’aliment de base de sa population. En 2019, le Mexique importait 15,5 millions de tonnes de maïs, comparé à 2,7 millions de tonnes en 1994 et à peine quelques milliers de tonnes au cours des années 1960. Sur la même période, la production annuelle de maïs par le Mexique est passée de 6 à 27 millions de tonnes (voir graphe).



Source :  FAOSTAT    télécharger graphe: Mais_mexicain.pdf


En même temps qu’il interdisait le maïs OGM, le gouvernement mexicain a décidé de réduire graduellement l’utilisation du glyphosate de Bayer/Monsanto jusqu’à la prohibition de cet herbicide en 2024. Il estime que cette période de trois ans sera suffisante pour que les producteurs agricoles trouvent une autre manière de combattre les mauvaises herbes.


Cette décision est en contraste avec la cacophonie observée dans l’Union européenne. Rappelons qu’après la classification du glyphosate par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme « cancérigène probable », en mars 2015, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont l’indépendance par rapport à l’industrie a souvent été contestée, a considéré, quelques mois plus tard, le glyphosate « improbablement cancérigène ». Il en résulta que l’autorisation du glyphosate fut prolongée dans UE jusqu’en 2022, avec la liberté pour les pays de l’interdire plus tôt si tel était leur volonté (le Luxembourg est le seul pays qui l’a fait à ce jour).


La réaction à la décision du gouvernement mexicain a consisté en de sévères critiques par le principal lobby agricole et des louanges de la part des producteurs bio et des organisations de la société civile. D’un côté, les arguments faisaient référence à la perte de compétitivité des paysans et des filières alimentaires (à cause de leur forte dépendance vis-à-vis des importations de maïs transgénique en provenance des États-Unis), et de l’autre, ils allaient depuis l’impact positif sur la protection de la biodiversité jusqu’à l’amélioration de la santé des consommateurs.


Le Mexique éprouvera cependant des difficultés dans l’application de l’interdiction du glyphosate, à moins que des alternatives praticables soient trouvées et que des mesures concrètes d’accompagnement soient mises en œuvre pour faciliter son respect.


À lafaimexpliquee.org, nous avons déjà eu la chance d’écrire que, dans le cas du glyphosate, se limiter à la recherche d’une « molécule alternative » n’est pas une solution, car, quelle que soit cette nouvelle molécule, elle aura probablement ses propres effets négatifs inattendus. La solution est de développer des paquets technologiques qui s’appuient sur et travaillent avec les processus et les complémentarités écosystémiques et non contre eux et elle ne devra en aucun cas dépendre d’un quelconque écosystème créé artificiellement. Et ces paquets technologiques devront également être adaptés à une diversité de contextes sociaux, économiques et agroécologiques.


En outre, le Mexique devra augmenter sa production de maïs de façon spectaculaire tout en éliminant ses champs de maïs transgénique, et/ou changer les sources de ses importations.


En d’autres termes, ce sera un véritable défi pour ce pays, si l’objectif de l’interdiction doit être réalisé et qu’il ne s’agit pas là simplement d’une décision symbolique.




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Pour en savoir davantage :


- Le Mexique bannit le maïs OGM et le glyphosate, Sciences et avenir, 2020.



Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. Les pesticides : une question qui empoisonne notre agriculture, 2020.

  2. L’Union européenne et le glyphosate : une illustration de l’un des principes qui gouvernent le fonctionnement notre société, 2016.

  3. Les ressources génétiques - L’accélération de la privatisation du vivant constitue une menace pour l’alimentation et la biodiversité, 2013.

  4. OGM: revers en Amérique Latine et espoir en Europe pour les multinationales semencières, 2013.

 

Dernière actualisation :    janvier 2021

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