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Programmes de cantines scolaires pour le progrès*
par Jomo Kwame Sundaram** et Wan Manan Muda.
S’il est bien planifié, coordonné et exécuté, un programme public de cantines scolaires pour tous les enfants des écoles primaires peut avoir un effet de transformation progressive. Un tel programme impliquant l’action conjointe des ministères et agences peut bénéficier aux élèves, aux familles, aux agriculteurs et à la santé publique, aujourd’hui et dans le futur.
Un tel projet devrait fournir une nourriture appropriée pour tous, surtout pour les élèves, et améliorer leur alimentation de sorte à vaincre la faim et la malnutrition, en plus de bonifier le développement physique et intellectuel des enfants ainsi que l’apprentissage, la présence, la participation et les résultats scolaires.
Des repas scolaires bien conçus par des nutritionnistes et des diététiciens ayant une bonne connaissance des manières de s’alimenter et des alternatives locales, utilisant de la nourriture sûre produite par des agriculteurs familiaux, dépourvue de substances agrochimiques toxiques et préparée avec hygiène, amélioreront la nutrition, la santé et le bien-être des enfants de façon significative.
Une approche reposant sur trois piliers
Une approche ambitieuse et complète à trois dimensions des cantines scolaires contribuera grandement au traitement de la malnutrition contemporaine recouvrant à la fois le déficit en micronutriments, minéraux et vitamines, et le surpoids, l’obésité et les autres maladies non transmissibles liées à l’alimentation.
L’éducation nutritionnelle des écoliers doit faire la promotion d’une compréhension parfaite, adéquate et équilibrée de la santé et de la nutrition. Le personnel enseignant et les médias devront partager effectivement une meilleure connaissance de la nutrition, de la santé et du bien-être, de même que des comportements alimentaires et des styles de vie sains qui y sont liés.
Le programme devrait rendre les enfants capables, dès un âge précoce, de s’informer sur la nourriture, sa production, sa sécurité, sa préparation, sa consommation et les effets qu’elle a sur le corps humain. Les menus peuvent tourner sur deux ou quatre semaines afin d’enrichir la variété du régime alimentaire. Une exécution et une application stricte pourront assurer que seule une nourriture saine sera servie dans les écoles.
En s’inspirant des expériences partout dans le monde, une bonne application et une mise en vigueur peuvent également inculquer des valeurs de responsabilité, d’équité, de sollicitude, d’empathie, de coopération et d’hygiène.
Les programmes de repas scolaires nourrissants
Un programme de cantines scolaires nourrissantes constituera une contribution importante dans la mesure où, bien conçu et supervisé par des nutritionnistes et des diététiciens correctement informés, il pourra couvrir les besoins des enfants en micronutriments (vitamines et minéraux), ainsi que 25 à 30 % de leurs besoins en macronutriments (glucides et protéines).
Le programme devrait répondre aux exigences tout en faisant la promotion des connaissances en matière de santé, de nutrition et de bonnes habitudes alimentaires. Le plan des menus devrait être aligné sur les directives nutritionnelles nationales et les bonnes pratiques internationales pour des repas scolaires plus sains.
Les repas devraient respecter les normes minimales comme stipulé dans apports nutritionnels recommandés ou les rations alimentaires adaptées au pays, modifiés pour laisser une place plus grande à la consommation de fruits, de légumes et de céréales complètes, et pour définir un niveau minimal et maximal d’apport en calories.
Le succès du programme dépend souvent en partie de la participation active des parents, surtout pour assurer l’hygiène, la sécurité et la qualité de l’alimentation scolaire.
Les enfants bénéficiant de tels programmes ont en général des résultats nettement meilleurs en matière de développement cognitif et physique. Les élèves concernés montrent une diminution notable de leur indice de masse corporelle (IMC), même s’ils grignotent en-dehors de l’école.
Transformation agricole
La politique d’achat du programme de cantines scolaires offre une opportunité unique de transformation de l’agriculture. L’achat de nourriture pour le programme peut être utilisé pour encourager les agriculteurs à produire en sécurité des aliments plus nourrissants et plus sains, en particulier des légumes et des fruits.
Avec la promotion du commerce international et de l’orientation vers l’exportation, relativement peu d’agriculteurs produisent des aliments de base, souvent à cause des aides publiques, des programmes d’assistance et, parfois, des consommateurs. Une grande partie des producteurs de céréales restent parmi les agriculteurs les plus pauvres, car ils ne peuvent pas rivaliser avec des céréales provenant de l’agriculture industrielle qui sont souvent importées.
Plutôt que les grandes compagnies transnationales, c’est l’agriculture familiale qui devrait être la source principale de la nourriture achetée pour les programmes de cantines scolaires. Avec suffisamment de recherche et de vulgarisation appropriée, le programme ne se contentera pas d’offrir de la nourriture sûre, non toxique et nourrissante aux enfants, mais il sera également une source de revenus plus importants pour les agriculteurs.
S’il est bien conçu et exécuté, il peut renforcer ou revivifier les coopératives agricoles et les organisations de producteurs, de manière à mieux faire face aux besoins des agriculteurs et de la nation, dans la mesure où il est plus facile de réglementer la nourriture produite localement afin d’assurer une alimentation plus sûre et saine.
Dans beaucoup de pays, depuis le Brésil jusqu’à la Chine, la qualité, la sécurité et la valeur nutritive des produits alimentaires trouvés sur les marchés locaux se sont améliorées plus qu’il ne faut pour satisfaire aux besoins des contrats d’achat des programmes de cantines scolaires.
Mise en œuvre du programme
Les trois types de programmes de cantines scolaires ont des implications et des conséquences différentes :
1.Les programmes universels dans lesquels tous les élèves obtiennent des repas gratuits sans condition ou exigence particulières.
2.Les programmes ciblés dans lesquels seules certaines catégories d’enfants peuvent bénéficier de déjeuners gratuits, tels que ceux venant de familles pauvres ou des élèves souffrant gravement d’une dénutrition due à un retard de croissance ou à l’émaciation, même si ces obligations ne sont souvent pas respectées.
3.Des programmes locaux dans lesquels tous les enfants d’un territoire délimité reçoivent des repas gratuits, comme les zones rurales, les zones urbaines pauvres, les territoires ayant subi un désastre, etc.
L’expérience du Japon (en anglais) et d’autres pays montrent que seuls les programmes universels peuvent atteindre tous les objectifs de telles initiatives. Contrairement au ciblage, l’approche universelle diminue le déshonneur aux repas gratuits, ce qui encourage la participation digne d’un plus grand nombre d’enfants.
La plupart des pays à revenu intermédiaire et quelques pays à revenu faible peuvent se permettre des programmes universels qui bénéficient au pays de diverses façons, s’ils sont bien planifiés et mis en œuvre, et s’ils attirent une large participation populaire, y compris des parents et des agriculteurs.
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*Publié initialement sur Interpress Service, le 21 janvier 2020 sous le titre « School Lunch Programmes for Progress » http://www.ipsnews.net/2020/01/school-lunch-programmes-progress/.
** Jomo Kwame Sundaram, ancien professeur d’économie, a été Assistant Secrétaire Général des Nations Unies pour le développement économique, Assistant Directeur Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et a reçu le Prix Wassily Leontief pour avoir fait avancer les frontières de la pensée économique en 2007.
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Pour en savoir davantage :
•Programme Alimentaire Mondial - Cantines scolaires, site web.
•FAO, Alimentation scolaire et nutrition, site web.
Sélection d’articles sur lafaimexpliquée.org liés au sujet :
•Opinion: Traiter la malnutrition, pas juste la sécurité alimentaire, par Jomo Kwame Sundaram, Wan Manan Muda et Tan Zhai Gen, 2019.
•Le triple fardeau de la malnutrition continue de s’alourdir dans le monde, selon l’UNICEF, 2019.
•Des chiffres et des faits sur la malnutrition dans le monde, 2019.
•Deuxième principe : Nourriture pour les sous-alimentés, Sept principes pour en finir avec la faim, 2013.
Dernière actualisation: janvier 2020
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