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26 juin 2023
Champignons : amis ou ennemis ?
On connaît en général les champignons sous deux aspects principaux : d’un côté, ce sont des aliments très appréciés, de l’autre, ils peuvent être toxiques et sont source de maladies (mycoses) tant pour les humains, que pour les animaux et les plantes. Les champignons ont cependant bien d’autres caractéristiques et fonctions importantes dont beaucoup sont encore relativement mal connues.
Truffière (plantation de chênes hôtes de truffes - Provence)
Volume et diversité des champignons
Rappelons ici que les champignons constituent un peu moins de 2 % de la masse vivante (biomasse) totale sur terre (équivalente à environ 10 milliards de tonnes de carbone, comparé à 60 millions de tonnes seulement pour l’humanité) [lire]. Ils se caractérisent par une très grande diversité et comprennent entre 5 et 10 millions d’espèces (estimation) dont à peine un peu plus de 100 000 ont été répertoriées [lire]. On y trouve des pathogènes parasitant des êtres vivants, des saprotrophes se nourrissant en décomposant les matières organiques (ou, pour certains, le plastique) et les mycorhiziens [lire].
Les champignons du sol et la nutrition des plantes
Les champignons mycorhiziens forment des réseaux de connexion entre les plantes et le sol. Ils augmentent la surface d'échange entre les plantes et le sol, et leur permettent de capter des éléments nutritifs beaucoup plus loin et beaucoup plus efficacement que ce qu'elles feraient avec leurs seules racines. En échange, les plantes transmettent aux champignons des éléments tels que des sucres et des vitamines [lire en français et en anglais].
On a pu prouver que la présence de champignons permettaient d’améliorer les relations entre les plantes et leur environnement non seulement en facilitant les échanges d’éléments nutritifs et la nutrition des plantes en eau, mais aussi en renforçant leur résistance aux stress (agents pathogènes, sel, manque d’eau) et leur tolérance aux polluants [lire]. Cette association ressemble un peu à celle observée entre les humains et les microorganismes formant le microbiote se trouvant à l’intérieur de leurs intestins.
Certaines entreprises spécialisées alliées au monde universitaire et de la recherche ont développé des produits à base de mélanges de champignons adaptés à certaines plantes et aux conditions qu’elles rencontrent et se vantent d’atteindre des augmentations impressionnantes de rendements. Ces produits sont vendus sous forme de granulés, de poudres ou de solutions liquides utilisables par les agriculteurs pour développer l’association plantes-champignons dans les sols [voir ici et ici].
Par ailleurs, certaines recherches indiquent que les champignons ont également joué un rôle déterminant dans la conquête des terres émergées par les plantes [lire en français et en anglais].
Les champignons et le cycle du carbone dans le sol
Les champignons jouent un rôle déterminant dans le cycle de la matière organique (et donc du carbone) dans le sol. Ainsi, une étude récente estime pour la première fois le volume de CO2 equivalent transféré chaque année par les plantes terrestre au mycélium sous-terrain constitué par les champignons à plus de 13 milliards de tonnes [lire en anglais]. Ce volume considérable correspond à environ un tiers des émissions de GES d’origine anthropique et donne une idée de l’importance centrale des champignons dans l’environnement. Au cours des quelque 450 millions d’années de leur existence, les champignons ont eu un rôle fondamental dans la diminution par 10 de la présence de CO2 de l’atmosphère. On voit ainsi la nécessité absolue de faire en sorte de préserver ces éléments cruciaux au moment où l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère due aux activités humaines et à ses conséquences sur le climat menacent la survie de l’humanité.
Mycélium sous-terrain de champignon
Les champignons et les autres microorganismes du sols : nos alliés potentiels essentiels
Une autre recherche très récente montre qu’il existe « un océan de possibilité » pour utiliser le microbiote entourant les plantes - et dont les champignons sont une partie importante - pour améliorer leur santé et leur résistance aux maladies [lire en anglais]. En effet, disent ses auteurs, l’utilisation de pesticides et la manipulation génétique des plantes ne sont pas des solutions durables, notamment parce qu’elles empoisonnent l’environnement et affectent la biodiversité des sols en diminuant son volume et en modifiant la composition des microorganismes qui en font partie [lire en anglais ici et ici] et parce qu’elles entraînent une résistance par adaptation des pathogènes. Cela est d’autant plus le cas que le changement climatique multiplie des situations de stress qui rendent les plantes moins productives. Par contre, on observe l’existence de mécanismes permettant au système constitué par les plantes et le microbiote de distinguer les pathogènes et les parasites des organismes symbiotiques. Ces mécanismes peuvent, le cas échéant, déclencher l’activation du système immunitaire des plantes et une défense systémique contre les nuisibles par la production d’une multitude d’interactions biochimiques notamment hormonales.
L’ensemble de ces multiples mécanismes reste encore mal connus, malgré des progrès considérables, et il devra encore faire l’objet de recherches dans l’avenir afin de pouvoir bénéficier du potentiel énorme qu’ils représentent, et ainsi pouvoir améliorer la santé et la productivité des plantes en s’appuyant sur eux et sans polluer le milieu par des produits allogènes de synthèse qui le perturbent et l’affaiblissent. Cela nécessitera certainement la modification des pratiques culturales et notamment l’abandon des pesticides.
Conclusion
On est en train de découvrir le rôle essentiel que jouent les champignons dans la nutrition et la santé des plantes et dans le cycle du carbone dans le sol. Une meilleure compréhension des mécanismes impliqués et leur protection ouvre des possibilités considérables pour une amélioration de la durabilité de la production alimentaire qui pourrait, dans l’avenir, ne plus être du tout dépendante de l’utilisation de produits agrochimiques toxiques.
Les champignons apparaissent donc non pas seulement comme des amis, mais comme de véritables alliés de l’humanité dans sa quête d’une alimentation durable.
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Pour en savoir davantage :
•A. P. Bonjean, A. P. et J. A. Fortin, Les mycorhizes, interactions plantes-champignons encore sous-exploitées, Le Déméter 2023 (2023), pages 251 à 264, 2023.
•H-J Hawkins, et al., Mycorrhizal mycelium as a global carbon pool, Current Biology, 2023 (en anglais).
•Ali, S., Tyagi, A. et Bae, H., Plant Microbiome: An Ocean of Possibilities for Improving Disease Resistance in Plants. Microorganisms 2023,11,392. https://doi.org/ 10.3390/microorganisms11020392.
•AFP, Les champignons ont aidé les plantes à conquérir les terres émergées, GoodPlanet mag’, 2021.
•R.S. Meena et al., Impact of Agrochemicals on Soil Microbiota and Management: A Review, 2020, 9(2), 34, 2020 (en anglais).
•F. M. Martin, S. Uroz et D.G. Barker, Ancestral alliances: Plant mutualistic symbioses with fungi and bacteria, Science Vol. 356, No. 6340, 2017 (en anglais).
•Académie d’Agriculture de France, Les associations mycorhiziennes dans les sols : une meilleure maîtrise de la production végétale ?, Encyclopédie : Question sur…, 2013.
•Mycophyto, cultivons l’équilibre de la nature (en ligne).
Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :
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Dernière actualisation : juin 2023