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26 février 2014




Tendances des politiques agricoles et alimentaires: des décisions à court terme qui risquent d’hypothéquer une transition vers une agriculture durable et l’élimination de la faim


Dans sa récente publication Food and agriculture policy decisions - Trends, emerging issues and policy alignments since the 2007/08 food security crisis, (Décisions de politique agricole et alimentaire - tendances, questions émergentes et cohérence des politiques depuis la crise alimentaire de 2007/08), la FAO présente le résultat des travaux menés depuis 2007 dans le cadre de son projet FAPDA (Analyse des décisions de politiques agricoles et alimentaires). Les tendances des décisions de politiques dans plus de 70 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine sont analysées entre 2007 et 2012. 





Quelles sont les principales conclusions qui peuvent être tirées de la masse d’information se trouvant dans ce rapport très riche qui peut être utilisé comme référence sur ce qui se passe dans les divers domaines touchant à la sécurité alimentaire dans les pays non industrialisés?


Huit idées principales peuvent être mises en avant ici:


  1. En réaction à la crise de 2007-2008, les Etats ont remis l’agriculture et l’alimentation en haut de leurs préoccupations et ils ont augmenté les ressources allouées à ce secteur.

  2. L’essentiel de l’effort fait pour soutenir l’agriculture a été de subventionner les intrants agricoles (surtout les engrais et les semences améliorées)

  3. La crise a également mis la stabilisation des prix sur le devant des préoccupations des gouvernements. La volatilité des prix internationaux et un certain nombre d’événements climatiques ont convaincu les gouvernements, surtout en Asie, de relancer ou renforcer leurs programmes de stabilisation des prix

  4. L’agriculture étant perçue comme étant un secteur devenu plus rentable, la pression foncière s’est accrue et bien des Etats ont pris des mesures pour améliorer l’accès à la terre par les petits paysans et la sécurité foncière

  5. La réaction à la crise a également consisté à accorder plus d’attention et de ressources aux programmes de subventions alimentaires et de protection sociale, afin d’améliorer l’accès des plus pauvres à la nourriture. Ces efforts ont compris des programmes de distribution de nourriture, des transferts d’argent, des programmes nutritionnels, etc.

  6. Les gouvernements ont adopté des politiques commerciales plus favorables aux consommateurs (facilitation des importations et restrictions des exportations), ce qui a pénalisé les producteurs. Certaines de ces mesures ont été suspendues récemment, particulièrement celles imposant des restrictions sur les exportations qui étaient contre les intérêts des producteur et contribuaient à exacerber les hausses de prix sur le marché mondial

  7. Des mesures ont aussi été prises pour améliorer le fonctionnement des marchés nationaux et de nouvelles technologies ont été promues pour améliorer la circulation de l’information sur les marchés

  8. Malgré des années d’effort pour l’intégration régionale, les incohérences de politiques entre les membres d’une même organisation régionale ou entre les membres et le groupement régional, restent très fréquentes.


Ces conclusions suscitent trois commentaires principaux:


  1. Premièrement, les décisions de politiques prises par les gouvernements suite à la crise montrent qu’ils la considèrent avant tout comme une crise de l’offre, et ils y ont répondu par des subventions et la promotion de technologies connues de type « révolution verte» afin d’augmenter la production [lire davantage sur la crise alimentaire]. Par conséquent, il est très probable que la majorité des petits paysans qui n’ont pas les moyens d’acheter des intrants agricoles n’auront guère bénéficié de ces subventions, malgré les efforts de ciblage faits dans certains pays et malgré la mise en oeuvre de programmes spéciaux de crédit agricole. De plus, cette façon de réagir à la crise n’aura guère favorisé la transition nécessaire vers des pratiques agricoles plus durables.


  1. Les mécanismes de stabilisation des marchés sont en général des programmes qui coûtent cher à mettre en oeuvre et ils utilisent une partie importante des ressources de l’Etat. Leurs bénéfices sont doubles: si les programmes sont gérés efficacement, ils peuvent offrir un environnement économique plus stable aux producteurs et les encourager à investir. Ils peuvent aussi réduire les variations des prix à la consommation en diminuant d’autant les risques pour les urbains pauvres de vivre des périodes pendant lesquelles une hausse de prix pourra leur mettre la nourriture hors de portée.


  2. Ces deux réactions (subventions et stabilisation des prix) coûtent potentiellement cher et cherchent des résultats immédiats pouvant apporter des avantages politiques immédiats aux gouvernements, mais elles entament sérieusement les ressources qui pourraient être allouées par les gouvernements aux investissements dans des biens publics et en vue de la préparation de l’avenir (recherche, vulgarisation, infastructure, etc.). L’analyse des dépenses publiques pour l’agriculture faite dans cinq pays africains illustre bien cette situation [lire]


  1. Deuxièmement, les efforts faits pour faciliter l’accès des petits paysans à la terre et augmenter la sécurité foncière peuvent avoir des effets tant positifs que négatifs: positifs dans la mesure où la sécurité foncière protège les droits d’accès à la terre des petits paysans et des communautés rurales leur donnant ainsi une sécurité et une incitation à investir dans leur terre; négatifs dans la mesure où des régimes fonciers sûrs peuvent aussi servir, dans certains pays, à officialiser des opérations d’accaparement des terres qui ont eu pour conséquence de chasser certaines communautés de leurs terres. Cela pourrait aussi augmenter les possibilités d’acquisition de terre par des investisseurs dans les pays où la terre est la propriété formelle de l’Etat. C’est là une des conditionnalités imposées par la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique [lire].


  1. Troisièmement, alors même qu’après la crise l’agriculture a bénéficié d’un appui plus important en vue d’augmenter la production, des efforts considérables ont aussi été faits pour protéger les consommateurs des prix élevés: plus de subventions sur les produits alimentaires et davantage de programmes de protection sociale, des politiques commerciales modifiées et des actions pour améliorer le fonctionnement des marchés locaux.


L’image que donne le rapport des changements de politique pose d’importantes questions qui malheureusement n’apparaissent pas dans le document et qui pourtant pourraient faire l’objet de recherches supplémentaires à la FAO ou dans d’autres institutions. On pense notamment aux:


  1. Implications des changements de politiques observés sur les budgets des Etats (niveau et structure des revenus, structure des dépenses, équilibre budgétaire)

  2. Implications de la perspective à court terme adoptée dans la prise de décision sur les enjeux à moyen et long terme (niveau de la pauvreté et de la sous-alimentation dans la population, transition vers une agriculture plus durable, niveau de l’investissement, balance commerciale agricole, etc.)


On peut être surpris que le rapport parle très peu de la promotion de l’investissement privé qui est pourtant devenu un leit-motiv depuis la crise de 2007-2008. Cela signifie-t-il que la promotion de l’investissement privé est pour l’instant simplement resté un thème présent  dans les documents officiels et qu’il n’a fait l’objet que de déclarations d’intention? Ou est-ce que le mouvement d’acquisition des terres et l’intérêt croissant des grands investisseurs internationaux pour l’agriculture ont pour l’instant échappé à tout effort de promotion ou de réglementation? Quelle que soit la réponse à ces questionnements, on pouvait s’attendre à ce que ce problème important soit mentionné dans ce rapport.


Ce rapport produit par la FAO, le plus récent d’une série de trois documents produits depuis 2008 (voir ci-dessous)  est certainement un important document de référence pour connaitre les changements de politique qui se produisent dans les pays non industrialisés, et le FAPDA Tool développé par la FAO est très utile si l’on cherche à savoir dans quel pays un instrument de politique donné a été utilisé. 


Malheureusement, le rapport ne souligne pas les nouvelles questions ressortant de l’analyse faite, alors que le titre de la publication pouvait nous le faire croire. Il ne tire pas davantage les conséquences de l’analyse faite sur le travail futur de la FAO dans le domaine des politiques agricoles.


Espérons que le travail très utile fait dans le cadre du projet FAPDA à la FAO continuera à l’avenir et qu’il pourra encore servir de source majeure d’information pour tous ceux qui s’intéressent aux politiques agricoles et alimentaires.



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Pour en savoir plus:


M. Demeke et al., Food and agriculture policy decisions - Trends, emerging issues and policy alignments since the 2007/08 food security crisis, FAO 2014 (en anglais seulement)


M. Maetz et al., Food and Agriculture Policy Trends after the 2008 Food Security: Renewed Attention to Agricultural Development, FAO 2011 (en anglais seulement)


M. Demeke et al., Country Responses to the Food Security Crisis: Nature and Preliminary Implications on the Policies Pursued, FAO 2008 (en anglais seulement)


FAO, FAPDA Tool



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Pour que les politiques agricoles et alimentaires changent réellement, n’oubliez pas de signer la pétition: La faim, crime contre l’humanité

 

Dernière actualisation:    février 2014

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