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5 octobre 2013



Une première analyse de la mise en oeuvre de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition du G8 confirme les craintes que l’on pouvait avoir


La note préparée par Eric Munoz pour Oxfam sur la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition établie par le G8 lors de son sommet de l’année dernière confirme malheureusement les craintes que nous avions formulées en juin dernier [lire].


Cette Alliance, qui a pour ambition de sortir 50 millions d’africains de la pauvreté en 10 ans, a été lancée dans un contexte de pénurie budgétaire des Etats et de critiques acerbes contre la capacité des Etats de lutter avec succès contre la faim [lire]. Elle regroupe des entreprises privées multinationales et africaines et comprend notamment Syngenta, Yara et Monsanto. Ces entreprises se sont engagées à investir quelques 3 milliards de dollars souvent sous forme de partenariats public-privé qui sont présentés par certains comme la nouvelle panacée.





La note d’Oxfam s’appuie notamment sur une enquête dans trois pays qui ont été parmi les premiers à avoir adopté l’approche proposée par l’Alliance: le Ghana, le Mozambique et la Tanzanie. Sa conclusion est sans appel: pour que l’Alliance contribue effectivement à la lutte contre la faim, elle devra réformer fondamentalement son approche qui se caractérise pour l’instant par:


  1. Un processus et un niveau de participation des représentants des organisations de producteurs et de la société civile qui est faible, voire inexistant, et une absence de directives claires et contraignantes pour les définir. Dans bien des cas, cette participation s’est limitée à une information post factum

  2. Des réformes de politiques agricoles et alimentaires exigées de la part des pays concernés qui portent souvent sur la législation foncière (démarcation et enregistrement des terres, règles sur les concessions foncières, et identification des terres à fort potentiel, le tout sans prise en compte suffisante des intérêts des petits producteurs), la législation sur les semences (qui vise à imposer la propriété intellectuelle sur les semences et limiter les possibilités de sélection, ré-utilisation et vente des semences par les producteurs), la politique fiscale et douanière (baisse des taxes et des protections contre les importations)

  3. une nature des investissements qui dans leur grande majorité sont une continuation ou une expansion d’activités déjà en place. A l’heure actuelle, 84 investissements sont à un stade plus ou moins avancé de mise en oeuvre. Ils impliquent 36 multinationales et 37 compagnies africaines. 10 de ces investissements sont des partenariats multiples engageant plusieurs entreprises privées.  Un tiers des investissement porte sur la production de produits d’exportation tropicaux traditionnels (café, cacao, etc.), un quart sur les aliments de base, un sixième sur les intrants et équipements agricoles. Le reste concerne l’horticulture, le lait, la viande et les services financiers et d’information

  4. Un contenu des accords de partenariat qui n’envisage en particulier pas de suivre régulièrement l’impact des investissements faits sur la pauvreté et n’ont en général par de règles claires sur la méthode de gestion des ressources naturelles, notamment de la terre qui puissent protéger les communautés rurales, ou sur les modalités d’implication des populations rurales dans les investissements, ou sur la nature des technologies utilisées et leur impact sur l’environnement ou la santé de la population.

  5. l’absence de critères de sélection des compagnies qui participent à l’Alliance


Autant dire qu’avec de telles caractéristiques, il est peu probable que ces investissements puissent contribuer à la réduction de la pauvreté dans les pays concernés. Au contraire, les activités de l’Alliance, telles que décrites dans la note d’Oxfam semblent être plutôt au profit des entreprises qui investissent et au détriment des populations locales.


Il sera intéressant de voir la réaction des membres du G8 à ce document, quand et si elle arrive.


Pour en savoir davantage:

  1. Munoz, The New Alliance: A new direction needed - Reforming the G8’s public–private partnership on agriculture and food security, September 2013

  2. CCFD, Le G8 et sa Nouvelle Alliance: une menace pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique ?, 2013

  3. E. Sulle et R. Hall, Reframing the New Alliance Agenda: A Critical Assessment based on Insights from Tanzania, Future Agricultures, 2013


 

Dernière actualisation:    octobre 2013

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