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22 février 2014



Un rapport de la FAO sur 10 pays Africains montre que les politiques agricoles en place ne donnent pas la priorité effective à l’amélioration de la sécurité alimentaire de la population



La FAO, dans le cadre de son projet de Suivi et analyse des politiques agricoles et alimentaires (SAPAA), vient de publier un rapport très important sur les politiques agricoles dans 10 pays d’Afrique (Burkina Faso, Ethiopie, Ghana, Kenya, Mali, Malawi, Mozambique, Nigeria, Tanzanie et Ouganda). Ce projet, financé par la Fondation Gates, cherche à aider les pays à instaurer un système pérenne de suivi des politiques agricoles et alimentaires en Afrique qui d’une part analyse les incitations que ces politiques donnent (ou ne donnent pas) aux divers opérateurs des filières agricoles et alimentaires, et, d’autre part, vérifie a cohérence de ces politiques avec les dépenses publiques en faveur de l’agriculture. Le but ultime du projet est que les informations ainsi collectées alimentent le débat sur les politiques agricoles et alimentaires dans les pays concernés et permettent ainsi d’améliorer la cohérence entre les politiques et les dépenses publiques avec les objectifs poursuivis par les gouvernements.




Que peut-on apprendre de la lecture de cet excellent rapport sur les politiques agricoles dans les 10 pays analysés ? Quatre choses principales qui éclairent ce qui se passe effectivement dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation:


  1. Les politiques en place et le fonctionnement des marchés ont contribué à déprimer de 10% les prix payés aux producteurs pour leurs produits entre 2005 et 2010. Mais cette pénalisation des producteurs imposée par les politiques en place est en diminution, bien qu’il soit difficile de savoir si cette diminution se poursuivra durablement.

  2. En contraste, les opérateurs des filières agroalimentaires (commerçants et agroindustriels) sont souvent les bénéficiaires de la situation présente, bien que le fonctionnement du marché et les technologies de transformation utilisées contribuent à l’inefficacité technique et économique des filières. Il est probable que cette inefficacité résulte en grande partie de l’utilisation de techniques de transformation obsolètes et d’un fonctionnement opaque des marchés ainsi que du pouvoir de négociation excessif qu’ont les commerçants au moment de l’achat des produits auprès des producteurs

  3. La plupart des pays ont adopté des politiques de prix favorables aux consommateurs qui cherchent à maintenir les prix alimentaire à un niveau assez bas. Il faut se souvenir que la période 2005-2010 sur laquelle porte l’analyse présentée est celle où la tendance au niveau mondial, il ne faut pas l’oublier, était à la flambée des prix [lire davantage sur la situation de crise alimentaire depuis 2007]. Rien d’étonnant que les consommateurs aient été favorisés, car c’est là une tendance historique des politiques adoptées par les gouvernement dans les pays pauvres [lire davantage sur ce sujet]

  4. On constate dans les cinq pays où les dépenses publiques ont été analysées en détail (Burkina Faso, Kenya, Mali, Tanzanie et Ouganda) que pour compenser en partie la dépression des prix à la production et encourager les producteurs à produire davantage, les gouvernements ont utilisé les dépenses publiques pour les soutenir. Cela s’est fait principalement en accordant des subventions sur les intrants agricoles, surtout les engrais et les semences améliorées, dans les pays d’Afrique de l’Est, et sur les équipements agricoles et l’irrigation dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Relativement peu d’efforts ont été fait pour la recherche et la vulgarisation, surtout dans les deux pays d’Afrique de l’Ouest, ni même pour les infrastructures de marché et de transports qui sont cependant une contrainte très largement reconnue dans les pays concernés.


Voilà des résultats qui ne surprendront pas vraiment ceux d’entre vous qui lisent régulièrement lafaimexpliquee.org!


Ils confirment que:


  1. la plupart des producteurs ont un accès réduit au marché et qu’ils s’y trouvent en position défavorable par rapport aux autres opérateurs qui le dominent et en tirent profit notamment en captant les incitations octroyées par les politiques en place

  2. les politiques mises en oeuvre par les gouvernements visent surtout à protéger les consommateurs urbains et à promouvoir par des subventions des technologies de production agricoles de type «révolution verte» faisant une large utilisation d’intrants, d’équipement et d’irrigation.


Sachant que les intrants, les équipements et l’irrigation sont en général inaccessibles pour la majorité des petits producteurs agricoles qui sont aussi les principales victimes de la sous-alimentation en Afrique, on voit bien que les politiques en place ne vont guère dans une direction où elles pourraient le plus efficacement contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire de la majeure partie de la population. On voit donc aussi qu’il faudra bien remettre en cause fondamentalement ces politiques pour enfin s’attaquer vraiment à la question de la sous-alimentation en Afrique et pour s’aligner sur les recommandations de l’Agence du NEPAD telles qu’elles apparaissent dans son dernier rapport intitulé « Les agricultures africaines - Transformations et perspectives » [consulter notre lecture critique de ce rapport].


On est très impatient de lire les futurs rapport du projet SAPAA de la FAO qui devraient concerner davantage de pays d’Afrique et, on l’espère très bientôt, aussi des pays d’autres régions du monde.


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Pour en savoir davantage:


  1. -Suivi et analyse des politiques agricoles et alimentaires en Afrique Rapport de synthèse 2013, FAO 2014

  2. -(en anglais seulement pour l’instant) et consulter le site du projet qui présente une série de rapports et de notes techniques intéressantes

  3. -Sur la lutte contre la faim en Afrique: L’Afrique s’engage à en finir avec la faim en 2025: la priorité ira-t-elle enfin à l’agriculture familiale durable ?

  4. -Sur l’exclusion: L’exclusion

  5. -Sur l’irrigation: La stratégie du «tout pour l’irrigation» a abouti à un système inégalitaire fragile et gaspilleur 

  6. -Sept principes pour en finir durablement avec la faim



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Pour que les politiques agricoles et alimentaires changent réellement, n’oubliez pas de signer la pétition: La faim, crime contre l’humanité

 

Dernière actualisation:    février 2014

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