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16 octobre 2021
Le soutien apporté à l’agriculture par les États a encouragé des produits nocifs pour la santé et l’environnement, en renforçant les inégalités au niveau mondial
C’est aujourd’hui la 41e Journée mondiale de l’alimentation. Le thème du jour est : « Agir pour l’Avenir. Vos choix et vos habitudes alimentaires déterminent notre santé et celle de notre planète. Ils influencent le fonctionnement des systèmes agroalimentaires. Nous devons construire un avenir où l’on dispose d’une alimentation nutritive, saine et abordable en quantité suffisante pour tous. Et vous devez prendre une part active au changement ».
Bien sûr, évidemment !
À lafaimexpliquee.org, nous aimerions profiter de cette occasion pour examiner un aspect de ce que les gouvernements font dans le domaine de l’agriculture : le soutien qu’ils apportent à l’agriculture grâce à diverses incitations.
Par leurs politiques (par exemple, leurs politiques commerciales) et à l’aide de la dépense publique, les gouvernements peuvent mettre en place des incitations à l’intention des agriculteurs pour influencer leur comportement, ce qui a une incidence sur le mode opératoire des systèmes alimentaires, sur notre santé et la qualité de l’environnement dans lequel nous vivons. Voyons dans quelle direction l’appui apporté par les gouvernements oriente le système agricole mondial.
Quelles sont les incitations auxquelles nos gouvernements ont recours pour guider l’agriculture ?
Une étude (en anglais) publiée en début d’année par trois agences onusiennes (FAO, PNUD et PNUE) fournit des éléments utiles pour formuler une réponse à cette importante question.
Selon cet ouvrage, le soutien donné annuellement à l’agriculture avoisine un montant de 540 milliards de dollars. Cela représente environ 15 % de la valeur totale de la production agricole mondiale. Dans certains pays, cette proportion peut être bien plus grande. Ainsi, en 2015, l’appui apporté à l’agriculture dans l’Union européenne pesait plus de 40 % de la valeur totale de la production agricole. Selon les auteurs du rapport onusien, si la tendance se poursuivait, ce montant pourrait atteindre 1 800 milliards de dollars en 2030, soit de l’ordre de grandeur du PIB du Canada ou de la Corée du Sud, les 9e et 10e puissances économiques mondiales !
Les incitations dont bénéficie l’agriculture sont spécialement importantes dans les pays riches, mais elles se sont également accru dans certains pays émergents à revenu moyen (Chine, Indonésie et Turquie). Elles comprenaient principalement :
•Des incitations par les prix à l’aide de mesures aux frontières (droits tarifaires perçus sur des biens échangés, quotas imposés pour limiter les importations, interdictions ou subventions sur les exportations) et de politiques de prix (fixation de prix et interventions en vue de garantir un prix plancher) - le tout estimé à près de 300 milliards de dollars annuels.
•Des subventions (près de 250 milliards de dollars, chaque année), dont à peu près 90 milliards de dollars sur les intrants agricoles et 10 milliards de dollars sur les produits. Environ 150 milliards de dollars sont utilisés pour donner des subventions sur les facteurs de production (essentiellement la terre et les capitaux), dont la moitié est payée à condition que les agriculteurs cultivent certaines plantes ou élèvent certains troupeaux. Ces subventions comprennent également le crédit à taux bonifié. Enfin, elles incluent aussi 70 milliards de dollars qui sont versés directement aux producteurs, sans être liés à une quelconque activité de production.
•En plus, les gouvernements dépensent 110 milliards de dollars pour assurer des services généraux du secteur (recherche, vulgarisation, contrôle sanitaire, etc.).
Importance de divers types de soutien à l’agriculture entre 2005 et 2018
(en pourcentage de la valeur de la production mondiale totale)
Source: Étude FAO, PNUD et PNUE (traduit par lafaimexpliquee.org)
télécharger le diagramme: Soutien.jpg
Ce qui compte ici, c’est la nature des produits et des activités qui sont ainsi soutenus.
Où est allé ce soutien ? Il est allé vers des produits polluants et nocifs pour la santé humaine, et il a désavantagé les producteurs agricoles des pays pauvres
Les produits les plus soutenus comprennent le sucre (un élément dont on connaît l’effet particulièrement nocif sur la santé humaine) [lire], le riz, la viande et le coton (les deux premiers étant la source d’une grande partie des émissions de GES par l’agriculture, et le troisième faisant un recours massif aux pesticides), c’est-à-dire des produits qui sont fortement consommés dans les pays riches et de plus en plus dans les pays émergents. Au contraire, ceux qui sont les plus pénalisés sont les bananes, le sorgho, le thé et les fèves de cacao, provenant principalement des pays pauvres et importés par les pays riches.
Les produits les plus soutenus et les plus pénalisés (moyenne pondérée, 2005–2018)
Source : Étude FAO, PNUD et PNUE (traduit par lafaimexpliquee.org)
Les personnes bénéficiant le plus de ce soutien sont les producteurs dans les pays riches, et cela a pénalisé les agriculteurs des pays pauvres qui subissent en réalité un « soutien » négatif et doivent faire face à des problèmes insolubles pour rivaliser avec des produits subventionnés en provenance des pays riches (poudre de lait, viande de poulet, blé, etc.) (voir diagramme ci-dessous).
Il est clair que la manière dont l’agriculture est protégée à l’heure actuelle favorise les producteurs vivant dans les pays riches et émergents, et qu’elle se fait au détriment de ceux vivant dans les pays pauvres. L’appui à l’agriculture tel qu’il se fait couramment renforce clairement les inégalités dans le monde.
Dans les pays pauvres, essentiellement en Afrique sub-Saharienne, les paysans sont pénalisés (à l’exception des années 2012 et 2013). Les gouvernements ont tendance à limiter les prix payés aux producteurs parce qu’une grande partie de leur population est pauvre et que l’accès à l’alimentation est une préoccupation primordiale, surtout en zone urbaine [lire]. Cette politique entraîne un « transfert » de ressources des producteurs vers les consommateurs qui bénéficient de prix plus bas. Certains gouvernements octroient cependant des subventions sur les intrants agricoles qui ont des conséquences délétères sur l’environnement.
Dans les pays importateurs de nourriture, des incitations sont souvent données aux produits de base, en vue de protéger les producteurs de la compétition internationale, de réduire la dépendance du pays aux importations et de devenir plus autosuffisant. Cela n’empêche toutefois pas que beaucoup de gouvernements gardent les frontières ouvertes aux importations afin de maintenir les prix bas pour les consommateurs urbains et prévenir de la sorte des troubles dans ces zones sensibles. Au bout du compte, les producteurs, surtout dans les pays pauvres, se trouvent pénalisés.
Les pays exportateurs ont tendance à avoir recours aux subventions plutôt qu’à d’autres mesures, pour être plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Cette politique revient en réalité à transférer de la valeur vers les consommateurs des pays importateurs.
Dans les pays riches, le soutien au secteur agricole a diminué, relativement à la valeur totale de la production, et il y a eu des tentatives pour le redéfinir et le réorienter vers des produits moins nocifs et utiliser les ressources pour financer les services généraux pour le secteur.
Dans les pays émergents, le soutien à l’agriculture est en augmentation et il consiste principalement en incitations sur les prix, suivis par des subventions sur les intrants agricoles et sur les facteurs de production.
Soutien apporté à l’agriculture dans différents groupes de pays par niveau de revenu, entre 2005 et 2018 (en pourcentage de la valeur de leur production totale)
Source: Étude FAO, PNUD et PNUE (traduit par lafaimexpliquee.org)
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En Chine, le soutien à l’agriculture a toujours été positif au cours des années récentes et constitué d’incitations par les prix de même que de subventions sur les produits et les intrants agricoles.
En Inde, au contraire, l’appui net a toujours été négatif, puisque les subventions sur les intrants agricoles étaient loin de compenser les mesures pénalisantes sur les prix (voir diagramme ci-dessous), une situation semblable à celle observée dans la plupart des pays pauvres où le budget public très restreint sert à payer aux agriculteurs des subventions sur les intrants (quelques pour cent à peine de la valeur de la production agricole) bien inférieures au montant résultant des mesures pénalisantes qui se sont chiffrées à plus de 10 % de la valeur totale de la production du secteur pendant 5 ans sur la période 2005-2018. Le soutien n’a été positif de quelque pour cent seulement 3 ans (2012, 2013 et 2017).
Importance de divers types de soutien à l’agriculture en Chine et en Inde
entre 2005 et 2018 (en pourcentage de la valeur de leur production totale)
Source: Étude FAO, PNUD et PNUE (traduit par lafaimexpliquee.org)
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Conclusion
Dans les pays riches et émergents, les gouvernements ont soutenu l’agriculture d’une façon qui a été défavorable à la santé humaine et à la protection de l’environnement. L’appui apporté à l’agriculture dans le monde a également handicapé pour les producteurs des pays pauvres.
Dans les pays pauvres, les agriculteurs ne sont en général pas soutenus par les gouvernements. Ils ont à faire face à la compétition de produits importés bénéficiant de fortes subventions dans les pays riches et émergents, et ils n’obtiennent que de faibles aides sur les intrants agricoles qui sont par ailleurs souvent nocifs pour l’environnement. En outre, une part très limitée de l’appui qu’ils obtiennent se fait sous la forme de subventions sur les exportations que l’on peut interpréter comme un transfert de richesses vers les consommateurs des pays importateurs.
Il apparaît clairement de l’étude des agences des Nations Unies qu’une transition vers des systèmes alimentaires plus durables (du point de vue économique, social et environnemental) nécessitera une réorganisation totale des politiques de soutien en vigueur. On peut observer quelques signes dans ce sens dans les pays riches, mais ce ne sont là que de faibles balbutiements par rapport à ce qui est réellement requis.
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Pour en savoir davantage :
•FAO, PNUD et PNUE, A multi-billion-dollar opportunity – Repurposing agricultural support to transform food systems, Rome, FAO, 2021 (en anglais).
•OCDE - Soutien à l’agriculture, site web.
•Monitoring and Analysing Food and Agricultural Policies (MAFAP), FAO, site web (en anglais).
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Dernière actualisation : octobre 2021