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25 avril 2017


Manger des fruits et des légumes, d’accord. Mais lesquels ?


Vous êtes-vous déjà promenés un jour dans des vergers de pommiers en espalier à perte de vue, au printemps, au moment de la floraison ? Les filets contre les oiseaux sont levés, et vous pouvez admirer les fleurs blanches teintées de rose, les étamines jaune orangé. Et pouvez-vous sentir le parfum ? Oui, vous pouvez sentir un parfum dans l’air, un relent de fongicide qui subsiste et peut-être même un reste d’insecticide ou d’herbicide - bien que cela ne soit pas très indiqué en période de pollinisation.


Et si vous venez dans ces mêmes vergers, un peu plus tard, quand les pommes sont en formation, l’odeur chimique sera encore plus nette et persistante, car en effet les pommes sont les fruits le plus souvent pulvérisés. En France, par exemple, selon les statistiques publiées par Agreste (Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt), en moyenne, les pommes font l’objet de plus de 35 applications par an (voir Tableau 1).


Tableau 1 : Nombre de traitements en 2015 par culture fruitière en France


(Tableau extrait de « Pesticides : évolution des ventes, des usages et de la présence dans les cours d’eau depuis 2009 », Data Lab, Commissariat général au développement durable, 2017)

(télécharger le tableau Traitement.jpg)


En 2007, le gouvernement français invitait les consommateurs à manger « cinq fruits et légumes par jour ».


La question, est « lesquels ? ».


En effet, si nos fruits sont traités des dizaines de fois pendant qu’ils sont à l’arbre, ne risquons-nous pas d’absorber une fraction des produits toxiques qui sont épandus sur ce que nous consommons ?


En France, des études à petite échelle ont suggéré que les pesticides ont un impact non seulement sur les producteurs agricoles qui les répandent (divers cancers, dégénérescence nerveuse type Parkinson) - rappelons ici que l’utilisation de pesticides entraîne chaque année 200 000 décès dans le monde - mais aussi sur les populations riveraines et notamment les enfants (leucémie) qui sont particulièrement sensibles à la toxicité des produits. Une nouvelle étude à couverture nationale est en cours qui devrait produire des résultats encore plus convaincants d’ici trois ans.


Il paraît donc plus prudent pour les consommateurs de manger des produits de l’agriculture biologique qui ne subissent pas le traitement de produits chimiques de synthèse (notons cependant que les fruits bios peuvent eux aussi être pulvérisés de pesticides naturels qui,  peuvent également avoir une certaine toxicité). C’est d’ailleurs ce qu’un nombre croissant de personnes font, à telle enseigne que la consommation de produits bio augmente à un rythme d’environ 20% par an en France et que la production a du mal à suivre, ce qui explique pourquoi une grande partie des produits bio consommés en France sont importés, notamment d’Espagne et d’Italie.


En France, on utilise environ 67 000 tonnes de pesticides divers en 2015 (voir Tableau 2). Une part de ces produits termine dans nos assiettes, une part se dégrade, une autre reste dans le sol et on en retrouve également dans l’eau des rivières… et par conséquent aussi très probablement dans notre eau potable. Cette présence est mesurée grâce à un indice complexe qui tient compte du niveau d’écotoxicité de chacune des substances (voir Graphe 1) et qui est en diminution lente pour tous les types de produits, sauf les néonicotinoïdes qui sont une classe de pesticides qui agissent sur le système nerveux des insectes et qui sont accusés par les apiculteurs d’être l’une des principales causes de la disparition des abeilles. [lire]


Graphe 1 : Indice d’évolution des pesticides dans les cours d’eau, global et par usage, et pluies par rapport à la normale de 2009 à 2014



                          (Source: note Data Lab)


On peut espérer une continuation de cette lente diminution, d’autant plus qu’une note publiée par Data Lab, Commissariat général au développement durable et intitulée « Pesticides : évolution des ventes, des usages et de la présence dans les cours d’eau depuis 2009 » observe une diminution des ventes de pesticides, essentiellement des fongicides et bactéricides, en France en 2015 selon (voir Graphe 2).


Graphe 2 : Évolution des ventes de pesticides en France entre 2009 et 2015



                          (Source: note Data Lab)


Cependant, la France demeure l’un des pays utilisant le plus de pesticides au monde et est le 2e pays utilisateur en Europe derrière l’Espagne (voir Tableau 2).


Tableau 2: Utilisation de pesticides dans quelques pays en 2015


           Source : Eurostat

           *  Données pour 2009, Source : USDA

            ** Source : FAO, utilisation de pesticides



Rappelons aussi ici qu’en 2011 l’agriculture mondiale a utilisé 2,7 millions de tonnes de produits phytosanitaires hautement toxiques (pesticides, herbicides, fongicides). Cette consommation a été plus que triplée entre 1990 et 2011.


Il est également bon de se souvenir que les pesticides sont fortement dominés par un petit nombre de multinationales au rang desquelles on trouve Syngenta, Bayer, BASF, Dow, Monsanto qui à eux cinq pèsent environ 70% du chiffre d’affaires du secteur [lire]


Pour toutes ces raisons, nous sommes tous encouragés à consommer des produits de l’agriculture biologique et nos gouvernements devraient mettre en place des politiques pour encourager le développement de cette forme d’agriculture.


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Pour en savoir davantage :


  1. -DUBOIS A. et S. PARISSE, Pesticides : évolution des ventes, des usages et de la présence dans les cours d’eau depuis 2009, Data Lab, SOeS, Commissariat général au développement durable, Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, 2017

  2. -Garric, A. et P. Le Hir, Les ventes de pesticides ont baissé pour la première fois en France depuis 2009, Le Monde Planète, 2017



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. -La production et l’utilisation des pesticides : une atteinte aux droits à l’alimentation et à la santé, 2017

  2. -L’Union européenne et le glyphosate : une illustration de l’un des principes qui gouvernent le fonctionnement notre société, 2016

  3. -Nano-pesticides: chance ou risque supplémentaire?, 2015

  4. -Une nouvelle génération d’OGM produite à partir de la technique d’interférence par l’ARN échappe à la réglementation et risque d’envahir le marché au États-Unis. Qu’en sera-t-il dans le reste du monde ?, 2015

  5. -Aux États-Unis, le secteur agricole et alimentaire industriel a dépensé des centaines de millions de dollars pour influencer les médias, les consommateurs et les politiques publiques. Qu’en est-il en Europe ?, 2015

  6. -Alimentation, environnement et santé, 2014

  7. -Ces grandes compagnies qui veulent notre bien... : l’amont, 2014

  8. -Les dangers des pesticides périmés reconnus par la Banque mondiale: qu’en est-il de ceux des pesticides utilisés et qui se retrouvent diffus dans notre environnement ?, 2013

  9. -Un nouveau rapport de l’INSERM démontre les effets négatifs des pesticides sur la santé, 2013

  10. -La diminution de la population d’abeilles menace notre alimentation, 2013


ainsi que les autres articles de notre rubrique «bio et agro-écologie»

 

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Dernière actualisation:    avril 2017