Nouvelles

 

1er juillet 2015



Aux États-Unis, le secteur agricole et alimentaire industriel a dépensé des centaines de millions de dollars pour influencer les médias, les consommateurs et les politiques publiques. Qu’en est-il en Europe ?


Les Amis de la Terre, États-Unis (Friends of the Earth US) ont récemment conduit une recherche sur comment les compagnies du secteur agricole et alimentaire industriel ont dépensé des centaines de millions de dollars entre 2009 et 2013 sur une campagne de communication en vue de duper les médias, influencer le comportement des consommateurs et faire avancer leurs objectifs dans le domaine des politiques publiques.


Cette masse considérable de ressource a été utilisée par ces industriels pour financer leurs « groupes de façade qui souvent apparaissent dans les médias comme des sources indépendantes mais […] en fait servent les intérêts du secteur agricole et alimentaire industriel ». Parmi les contributeurs, on trouve des entreprises telles que Monsanto, DuPont, Dow et Syngenta ainsi qu’une association d’industriels favorables aux OGM. Parmi les principaux bénéficiaires de ces financement, il y a des associations faisant la promotion des idées des groupes industriels actifs dans le domaine des pesticides, de la biotechnologie et de l’alimentation conventionnelle.


L’un des objectifs de cette grande campagne de communication est de façonner l’opinion publique en soutenant des groupes qui semblent indépendants. Les tactiques empruntées comprennent notamment l’utilisation de blogueurs et de porte-paroles féminins afin de mieux atteindre un public de femmes. Des scientifiques, des journalistes et d’autres personnes ont également été attaqués afin de miner leur crédibilité. 


La campagne arrive en réaction à l’augmentation de la part des produits bios dans la consommations alimentaire. Aux États-Unis, les ventes de produits bios certifiés ont augmenté de 11.5% en 2013 alors que les marchés paysans (circuits courts) ont plus que doublé en dix ans et qu’une enquête a montré qu’une large majorité des citoyens US étaient préoccupés par la biotechnologie. C’est là une dynamique qui peut en grande partie être expliquée par des scandales alimentaires à répétition et des film à succès. La campagne utilise des techniques semblables à celles qui avaient été utilisées dans le passé lors des campagnes pro-tabac en vue modifier la présentation de la question alimentaire, cacher la réalité et semer le doute dans l’esprit de la population sur les bénéfices environnementaux, sociaux et sanitaires de l’alimentation bio.




Le tableau ci-dessous, extrait du rapport publié par les Amis de la Terre, US, identifie les onze principaux groupes de façade de l’industrie agricole et alimentaire américaine, leur budget, leur principaux donateurs, leurs sujets prioritaires ainsi que la date de leur fondation.




En conclusion de leur travail, les Amis de la Terre, US, font quelques recommandations importantes et très pertinentes :


  1. pour les médias :

  2. se familiariser avec les tactiques adoptées par l’industrie agricole et alimentaire et leur groupes de façade

  3. financer suffisamment les investigations requises pour révéler les conflits d’intérêts et soutenir leur personnel pour faire des articles sur les questions complexes posées par les politiques agricoles et alimentaires

  4. suivre une politique rigoureuse de lutte contre les conflits d’intérêt et assurer la transparence pour les lecteurs.


  1. pour le public :

  2. être vigilant et rechercher les groupes de façade et leurs représentants dans les médias, et être conscient quand ces tactiques sont utilisées pour manipuler l’opinion publique

  3. réagir quand ces groupes de façade ou leur porte-paroles sont présentés comme des sources indépendantes dans des articles de presse, et manifester de l’approbation quand les articles sur ces questions complexes font l’objet d’une analyse approfondie

  4. s’informer sur ces questions à partir d’institutions académiques dignes et d’organisations volontaires de confiance travaillant pour le bien public et non dans l’intérêt d’entreprises commerciales.


Ajoutons ici que ces conclusions s’appliquent également dans le cas de l’Europe où la demande pour les produits bio et les circuits courts se développent aussi rapidement.


Un exemple des efforts fait par l’industrie pour contrôler la communication sur les questions alimentaires est donné par la récente interview sur France Inter (La tête au carré) du Prof. Séralini qui a confirmé qu’il rencontrait de sérieuses difficultés pour publier un article qui montre que les tests d’innocuité des aliments étaient systématiquement biaisés dans la mesure où les aliments fournis au groupe de souris témoins sont contaminés par des pesticides et d’autres éléments toxiques. Ce n’est pas la première fois que le Prof. Séralini s’est retrouvé sous les projecteurs et il a affirmé clairement, lors de son interview, que des pressions étaient effectuées par certaines entreprises sur des revues scientifiques afin qu’elles publient des articles de leurs chercheurs et refusent de publier ou rétractent des articles proposés par des scientifiques indépendants qui contiennent des résultats qui font tort aux industriels [lire ici]


Une étude semblable à celle présentée ici menée en Europe aurait certainement des résultats comparables. Il serait bien utile de la mener !


———————————

Pour en savoir davantage :


  1. -Hamerschlag, K., Spinning Food - How food industry front groups and covert communications are shaping the story of food, Friends of the Earth, Juin 2015 (en anglais seulement)

  2. -Erwan de Miniac et Emilien David, OGM – Nouvelle étude de G.E Séralini : « Les tests de laboratoire sont faussés, Il y a un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés » !!, Le Blog de la résistence, juin 2015


Articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org sur ce sujet :

  1. -Alimentation, environnement et santé, 2014

  2. -Le système agricole et alimentaire international à la recherche d’une bonne image, 2013

  3. -Rebondissement dans l’affaire de l’article de l’équipe du Prof. Séralini sur le maïs transgénique NK 603 de Monsanto, 2013

  4. -Série d’articles sur la question des OGM


Noter la prochaine Conférence sur la durabilité globale et l’alimentation locale (Global Sustainability and Local Foods) organisée par l’Université Américaine de Rome le 2 Octobre prochain. [lire - en anglais]

 

Dernière actualisation:    juillet 2015

Pour vos commentaires et réactions: lafaimexpl@gmail.com