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3 février 2015


Nano-pesticides: chance ou risque supplémentaire?


L’intérêt pour les nanotechnologies - la manipulation de la matière à une échelle atomique, moléculaire ou supramoléculaire par éléments de moins de 100 nanomètres (100 miliardièmes de mètre) - ne s’est pas démenti et a augmenté régulièrement surtout depuis le début de ce siècle. Le développement des nanotechnologies a attiré des milliards de dollars d’investissement dans la recherche dans les pays riches, dans la mesure où elles sont considérées comme une opportunité économique majeure. Les applications des nanotechnologies ont pour l’instant principalement concerné le domaine médical, l’électronique, les fibres et les tissus «intelligents», les emballages, les additifs alimentaires (comme dans le cas du lait), les nano-capteurs (détecteurs de parasites ou ravageurs) et la dépollution de l’eau et des sols.




Mais beaucoup estiment que les nanoparticules peuvent aussi être utilisées pour développer des pesticides plus efficaces - les nano-pesticides - ainsi que des médicaments vétérinaires. Au cours de ces dernières années, les grandes firmes agro-chimiques ont investi d’importantes sommes d’argent dans la recherche et ont notamment réussi à élaborer de nouveaux produits qui peuvent protéger les plantes à l’aide de doses de pesticides fortement réduites (plusieurs milliers de brevets ont déjà été enregistrés dans ce domaine). Ils comprennent notamment des substances tensioactives, des polymères et des nanoparticules métalliques (comme par exemple le dioxyde de titane qui peut à la fois augmenter la protection des plantes et stimuler la photosynthèse). L’avantage de ces produits est qu’ils ont souvent été conçus pour rendre plus solubles leurs composantes actives et de relâcher ces ingrédients actifs d’une façon plus lente et mieux ciblée. Ils peuvent également résister plus longtemps à la dégradation et restent donc plus longtemps présents dans le sol. Ces caractéristiques expliquent pourquoi ils peuvent être utilisés à des doses très réduites.


A priori, ces particularités font penser que cette nouvelle génération de pesticides sera plus respectueuse de l’environnement puisqu’elle a le potentiel de réduire massivement le niveau d’utilisation des pesticides dans le monde (pour l’instant environ 3 millions de tonne par an, en forte augmentation [lire]).


Pour l’instant, les quantités de nano-pesticides vendues restent limitées et se sont principalement cantonnées aux États-Unis. Certains experts se sont montrés préoccupés de ce que l’utilisation sur une grande échelle de ces nouveaux pesticides pourrait entrainer des risques considérables, car ils pourraient avoir des effets sur l’environnement et la santé humaine que l’on a analysés de façon insuffisante et incomplète. Selon ces experts, ces produits présentent trois risques principaux :


  1. -L’interférence possible avec des processus biologiques, y compris le comportement des membranes cellulaires, les processus biochimiques au niveau cellulaire et le code génétique

  2. -L’effet des molécules de surface qui y est plus important que celui des molécules centrales, comparé aux produits traditionnels, du fait du faible volume des nanoparticules, et cet effet peut ne pas être encore bien connu

  3. -Les nano-particules pourraient se déplacer et atteindre des parties du corps humain ou de l’environnement qui étaient hors d’atteinte des produits traditionnels [lire le rapport de l’APVMA, p.16 et suivantes, en anglais].


Ces caractéristiques impliquent que des mesures spéciales doivent être prises lors des tests d’inocuité des nanoparticules en général, et des nano-pesticides en particulier, et que de nouveaux protocoles et techniques devront être développés qui puissent capter tous les effets que pourraient avoir ces nouveaux produits. De plus, les conséquences de la persistance programmée de ces particules dans le sol ou dans l’eau devront également être analysées dans la mesures ou elle pourrait avoir des effets considérables sur notre environnement.


Voilà qui ajoute un autre chapitre complexe à la pesante question de la réglementation et de l’approbation de nouveaux produits chimiques avant d’en autoriser l’utilisation massive.


Alors qu’il parait incontestable que les nanotechnologies présentent des opportunités d’application considérables dans beaucoup de domaines, on ne peut que regretter que l’on dépense des milliards pour développer des nano-pesticides qui posent de sérieux problèmes sanitaires et environnementaux, alors que l’expérience montre qu’il est possible de trouver des méthodes efficaces de lutte naturelle intégrée contre les ravageurs qui ne présentent pas de risques comparables.



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Pour en savoir davantage :


  1. -Australian Pesticides & Veterinary Medicines Authority (APVMA), Regulatory considerations for nanopesticides and veterinary nanomedicine, draft report, October 2014 (en anglais)

  2. -Kah, M. et al, Nanopesticides: State of Knowledge, Environmental Fate, and Exposure Modeling, Critical Reviews in Environmental Science and Technology Volume 43, Issue 16, 2013 (en anglais)

  3. -Alimentation, environnement et santé, lafaimexpliquee.org, décembre 2014

  4. -Sur les questions de réglementation, Rebondissement dans l’affaire de l’article de l’équipe du Prof. Séralini sur le maïs transgénique NK 603 de Monsanto, lafaimexpliquee.org, décembre 2013 


 

Dernière actualisation:    février 2015

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