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30 décembre 2022
COP15 sur la biodiversité : un accord positif mais insuffisant
Les titres des médias soulignent « l’accord historique » conclu à Montréal le 18 décembre 2022, et le qualifient souvent de « pacte avec la nature » (comme si l’humanité ne faisait pas partie de la nature…). Ils mettent en avant l’objectif de conservation de 30 % de la Terre d’ici 2030, avec le but d’assurer la survie à long terme de l’humanité. Certains notent également la mention fréquence à la nécessité de reconnaître et respecter les droits des peuples autochtones [lire].
Heureusement pour l’humanité, l’accord trouvé lors de la COP15 ne se limite pas à ce résultat, car cela aurait signifié qu’il fallait protéger une partie du monde en acceptant de laisser libre au saccage le reste de la planète dont elle tire la majorité de sa subsistance, en particulier son alimentation [lire].
En réalité, l’Accord [voir p. 8 et suivantes de la version en anglais] et ses « Objectifs mondiaux de Kunming-Montréal pour 2050 » envisagent quatre buts à long terme plus étendus :
•« Tous les écosystèmes1 sont préservés, renforcés ou restaurés », enrayant l’extinction des espèces et conservant « la diversité génétique des populations d’espèces sauvages et domestiquées », protégeant ainsi leur potentiel adaptatif.
•« Les fonctions et services écosystémiques sont valorisés, préservés et renforcés, en restaurant ceux qui sont en déclin. »
•« Les bénéfices monétaires et non monétaires tirés de l’utilisation des ressources génétiques, des informations sur la séquence numérisée des ressources génétiques, et des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques … sont partagés de manière loyale et équitable … avec les peuples autochtones et les communautés locales, tout en s’assurant de la protection adéquate des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. »
•« Les ressources financières, le renforcement des capacités, la coopération technique et scientifique et l’accès et les transferts de technologie requis pour la mise en œuvre de l’Accord sont rendus disponibles et accessibles équitablement à toutes les parties. »
Les objectifs spécifiques pour atteindre ces buts comprennent notamment :
•Réduire « la disparition de zones de grande importance pour la biodiversité … à près de zéro d’ici 2030 » à l’aide de processus participatifs « respectant les droits des peuples autochtones et des communautés locales » (Objectif 1).
•« Au moins 30 % des zones couvrant des écosystèmes terrestres, d’eau douce, côtiers et marins dégradés sont sous opération de restauration effective » d’ici 2030 (Objectif 2).
•« Au moins 30 % des zones terrestres, d’eau douce, côtières et marines sont effectivement conservées et gérées » (Objectif 3).
•Assurer des « actions visant à mettre un terme à l’extinction d’espèces menacées connues imputable aux activités humaines et tendant au rétablissement et à la conservation des espèces, … afin de diminuer les risques d’extinction de manière significative » (Objectif 4).
•« Réduire les risques liés à la pollution provenant de toutes les sources et son impact négatif d’ici 2030 à des niveaux qui ne sont pas nocifs pour la biodiversité et aux fonctions et services écosystémiques, … y compris … les risques résultant des pesticides et des produits chimiques à haut risque d’au moins la moitié … et œuvrer en faveur de l’élimination de la pollution par le plastique » (Objectif 7).
•« Assurer une gestion durable des zones sous agriculture, aquaculture, pêche et forêts » (Objectif 10).
•« Prendre … des mesures … visant à s’assurer que les grandes compagnies, les multinationales et les institutions financières … suivent, évaluent et révèlent les risques, dépendances et impacts qu’elles ont sur la biodiversité », informent les consommateurs afin de leur permettre d’avoir une consommation plus durable, et respectent les règles relatives au partage de bénéfices (Objectif 15).
•« Identifier d’ici 2025, et éliminer progressivement ou réformer les incitations nocives pour la biodiversité, y compris les subventions, … les diminuant graduellement par au moins 500 milliards de dollars d’ici 2030 » (Objectif 18).
•« Augmenter substantiellement et progressivement le niveau des ressources financières … pour mettre en œuvre les stratégies et plans d’action pour la biodiversité, en mobilisant au moins 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 », dont 20 milliards de dollars d’aide aux pays pauvres à partir de 2025 et jusqu’à 30 milliards, d’ici 2030, gérés par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). (Objectif 19) Ce niveau, cependant, est bien inférieur aux 100 milliards initialement recherchés.
L’Accord envisage également la nécessité de mécanismes de planification, suivi, évaluation et d’élaboration de rapports.
Tout cela, bien sûr, est formulé dans un langage suffisamment vague pour atteindre un consensus entre des pays avec des intérêts, opinions et perspectives diverses. Les mots les plus fréquemment utilisés sont les termes habituels que l’on trouve dans les accords internationaux, comme, par exemple, s’assurer, permettre, renforcer, minimiser, réduire, effectif, urgent, durable, significatif, inclusive, sensible au genre, responsable, transparent, action, mesures, etc.
L’Accord est un pas dans la bonne direction, mais il est loin de ce qui est nécessaire pour arrêter « effectivement » le processus de destruction de la biodiversité.
Il aurait été utile de s’accorder sur la superficie sur laquelle restaurer des écosystèmes dégradés, car il n’y a pas de consensus sur ce que l’on considère comme un écosystème dégradé. De même, il serait nécessaire d’avoir plus de détails sur la réduction des pesticides et sur les mesures précises pour atteindre les divers objectifs. L’absence de ces détails fait craindre que l’ambiguïté soit mère de l’inaction.
On peut regretter la trop grande emphase donnée à la conservation et à la gestion de réserves, quand, d’un point de vue stratégique de survie, ce qui arrive en-dehors des zones protégées est au moins aussi important, sinon davantage. Comment s’assurer que les services écosystémiques offerts par la biodiversité et indispensables à notre vie - particulièrement pour ce qui est de la production de notre nourriture - soient disponibles de manière durable à l’avenir? En effet, beaucoup d’oiseaux, d’insectes et de microorganismes sont absolument nécessaires pour que les plantes puissent se développer et produire ce qui constitue notre subsistance. Ils sont nécessaires partout où se fait la production alimentaire, pas seulement dans les zones protégées.
Voilà ce qui, on peut l’espérer, sera traité de façon plus approfondie la prochaine fois, … avant qu’il ne soit trop tard. Ce serait bien dommage d’avoir 30 % de la Terre protégée et disponible pour les touristes, alors que la masse de la population mondiale souffrirait d’un manque de nourriture parce que la production aurait dramatiquement chuté !
C’est là notre préoccupation, à lafaimexpliquee.org, car nous sommes conscient que certains parmi les plus puissantes élites « long-termistes » n’ont que faire d’un cataclysme mondial faisant des centaines de millions de victimes, tant que le prétendu « potentiel à long terme de l’humanité » est préservé [lire en anglais].
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Note
1.souligné par nous.
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Pour en savoir davantage :
•UNEP, COP15 ends with landmark biodiversity agreement, 2022 (en anglais).
•Baïetto, T., COP15 biodiversité : aires protégées, pesticides, aides financières... Voici ce qu'il faut retenir de l'accord Kunming-Montréal, franceinfo, 2022.
•Greenfield P. and P. Weston, Cop15: key points of the nature deal at a glance, The Guardian, 2022 (en anglais).
•COP25 on Biological Diversity, Kunming-Montreal Global biodiversity framework - Draft decision submitted by the President, Convention on Biological Diversity, 2022 (en anglais).
•Torres É. P, Against longtermism, Eon, 2021 (en anglais).
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Dernière actualisation : décembre 2022