Nouvelles
28 avril 2019
Espagne : des fraises au fort goût de sexe et de pesticides…
Jusqu’à présent, les fraises produites en Espagne, avaient, on le savait, à défaut d’un goût de fraise, un fort goût de pesticides. Elles étaient mal famées du fait de la quasi-omniprésence de résidus de pesticides parfois interdits, dont certains sont des perturbateurs endocriniens. Voilà qu’un article du Guardian (en anglais) nous fait découvrir qu’elles ont également un fort goût de sexe. En effet, le journal britannique met en évidence un autre aspect sordide de cette industrie dans un article intitulé : « Viols et abus sexuels : prix d’un emploi dans l’industrie de la fraise en Espagne ? ».
Nombreuses sont les femmes en provenance du Maroc, environ 20 0000, qui travaillent chaque année en Espagne pour récolter les fraises qui seront exportées un peu partout en Europe (L’Espagne est le principal exportateur de fraises en Europe avec plus de 314 000 tonnes en 2016, devant les Pays-Bas avec 48 000 tonnes [FAOSTAT]).
Selon l’article du Guardian, on promet à ces femmes d’être payées 40 euros par jour, nourries logées, pendant les trois mois que dure la saison de récolte en Andalousie, tout cela dans le cadre d’un programme conjoint des gouvernements espagnol et marocain qui est en opération depuis 2001.
Ce qui n’était pas prévu dans les clauses de leur contrat, mais dont on parle de plus en plus dans les médias, sous la pression d’associations, c’est que ces femmes, souvent hébergées dans des abris insalubres situés dans des zones isolées, en plus de devoir travailler dans des conditions extrêmement dures (position accroupie pendant de longues périodes, peu de pauses, restant longtemps sous des températures élevées) sont soumises à des sévices (privation de nourriture et de boisson) et de fréquents abus sexuels et viols (parfois en échange de nourriture), voire, dans certains cas, ont été forcées à se prostituer.
Et dans le cas où ces femmes vont se plaindre aux autorités, elles n’obtiennent en général pas l’appui auquel elles ont droit.
Beaucoup des femmes ainsi abusées ont vu leur vie détruite, abandonnées par leur mari et rejetées en marge de la société, une fois de retour au pays.
Malheureusement, ces pratiques ne se limitent pas aux fraises en Espagne. Par exemple, des cas de harcèlement sexuels et de viols ont été rapportés dans une plantation de thé Unilever au Kenya (marque Lipton), pourtant certifiée « développement durable » par Rainforest Alliance, un organisme réputé qui s’est récemment spécialisé dans la certification des produits de certaines grandes multinationales de l’agroalimentaire à travers le monde [voir la vidéo, dernière demi-heure au-delà de 55 minutes].
Pour en revenir aux fraises, elles sont parmi les fruits et légumes dans lesquels on retrouve le plus de résidus de pesticides. Aux États-Unis, l’Environmental Working Group, un organisme indépendant à but non lucratif dont l’objectif est de protéger la santé et l’environnement, analyse depuis 2004 les résultats des tests effectués par le Département de l’agriculture états-unien [voir le rapport de 2019]. Le Group classe les fraises en tête des « Sales Douze » (Dirty Dozen), juste devant les épinards et le choux frisé, avec présence de résidus de pesticides dans plus de 90 % des échantillons.
En 2013 en France, Générations futures, une association agréée par le Ministère de l’environnement, a publié un rapport sur les résidus de pesticides dans les fraises. On y lit que sur 49 échantillons analysés, plus de 92 % contenaient un ou plusieurs résidus de pesticides et au total, 71 % des échantillons contenaient des pesticides perturbateurs endocriniens qui modifient la production d’hormones dans le corps. Dans les fruits analysés, la présence de perturbateurs endocriniens était plus forte pour les fraises d’origine espagnole (78 %) que pour celles produites en France (65 %). Les résultats des tests effectués montraient aussi la présence de produits interdits d’utilisation dans la culture des fraises et de pesticides totalement interdits en Europe. Ces résultats confirmaient un reportage accablant sur la culture de fraises en Espagne [voir la vidéo].
On ose espérer que les promesses faites par le gouvernement espagnol de multiplier les inspections à l’avenir - y compris avec l’aide de médiatrices culturelles, d’autres femmes marocaines - et qu’une punition sévère de tous ceux coupables de comportements intolérables permettront de rendre son goût naturel aux fraises et que le goût actuel de sexe et de pesticides disparaîtra au plus vite pour ne jamais revenir.
Voilà qui devrait encourager les consommateurs soucieux de leur santé, de l’environnement et du bien-être des travailleurs agricoles de se renseigner sur l’origine des fruits qu’ils s’apprêtent à acheter, et d’éviter de consommer des produits douteux.
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Pour en savoir davantage :
•Kelly, A., Rape and abuse: the price of a job in Spain’s strawberry industry? The Guardian, 2019 (en anglais).
•Environmental Working Group, Shopper’s Guide to Pesticides in Produce, Environmental Working Group, 2017 (en anglais).
•Lemaître, D., Le business du commerce équitable, reportage diffusé sur ARTE, 2014.
•Générations futures, Enquête EXPPERT 2 : Des pesticides interdits et des Perturbateurs Endocriniens (PE) dans des fraises, Générations futures, 2013.
•Capital - Les Fraises importées d’Espagne, reportage diffusé sur M6, 2011.
Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :
•Alimentation, environnement et santé, 2014/2017.
ainsi que d’autres articles de notre rubrique « Durabilité de l’alimentation »
Dernière actualisation: avril 2019
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