Nouvelles
26 novembre 2013
France: une autre agriculture est possible
Fruit d'une réflexion engagée en 2010 sous l’impulsion de Solagro, une entreprise associative à but non lucratif formée par une équipe d’ingénieurs d’études et de projets basée à Toulouse créée en 1981, le rapport «Afterres2050 : quelle utilisation des terres en 2050 en France ?» dont une première version est disponible, montre qu'il est possible de nourrir correctement les 70 millions de français attendus en 2050 tout en réduisant l’empreinte climatique de l’agriculture française, sous réserve de changer notre culture et nos politiques agricoles et alimentaires.
Solagro, soutenu par ses adhérents, ses sympathisants et par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, a cherché, dans sa réflexion, à construire pour la France à l’horizon 2050 un scénario agricole et alimentaire durable, crédible, compréhensible et quantifié, et à ouvrir sur cette base un débat sur la mise en place effective des conditions nécessaires à sa concrétisation.
Les principaux résultats de ce travail peuvent se résumer en quelques points essentiels: une agriculture biologique à 50% et intégrée à 50% permet de nourrir la population française et générer un surplus utilisable par les pays voisins, à condition que:
•Le contenu de l’alimentation des français change (plus de céréales, de fruits et légumes, et beaucoup moins de viande, de sucre et de lait)
•La terre soit cultivée en permanence pour donner jusqu’à six productions par an (céréales, engrais verts, fruitiers, bois d’œuvre, etc.) contre une seule aujourd’hui
•Les effectifs des troupeaux soient réduits de moitié, surtout le bétail à viande et l’élevage intensif, que l’élevage soit plus extensif, et, pour les bovins, qu’il soit basé principalement sur l’utilisation des pâturages
•Il y ait une réduction des pertes et des gaspillages dans lʼagro-alimentaire, dans la distribution et dans la cuisine et un recyclage des déchets organiques.
Ces changements dans l’agriculture permettraient de libérer 5 à 8 millions d’ha pour la production de biomasse pour l’énergie, la chimie verte ou les matériaux de construction. Ils permettraient également de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur agricole et alimentaire français.
Evolution projetée de la répartition des protéines dans l’alimentation des français entre 2010 et 2050
Le rapport souligne aussi les avantages sanitaires qu’on peut attendre de la modification du régime alimentaire envisagé (moins de diabète, de maladies cardio-vasculaires, etc.).
Du point de vue agricole, le scénario, pour se traduire dans la réalité, demanderait de profonds changements: un fort développement de l’agriculture biologique qui augmenterait à partir du million d’hectares en place en 2012 pour atteindre 50% de la superficie agricole en 2050, le reste étant occupé par une agriculture intégrée caractérisée par:
•Des rotations longues avec généralisation d’associations culturales, en particulier celles entre céréales et légumineuses
•L’utilisation de la lutte biologique plutôt que les pesticides
•Une réduction massive de l’utilisation d’intrants chimiques
•Un travail très simplifié du sol, voire la pratique du semis direct, ce qui permettra de reconquérir la fertilité des sols
•Des cultures intercalaires qui maintiennent un couvert végétal permanent
•Une présence massive d’infrastructures agro-écologiques comme les haies, arbres épars et zones humides.
Cette nouvelle agriculture, qui verrait environ 20% des surfaces couvertes par l’agroforesterie, consommerait à peine 25% des intrants chimiques de l’agriculture conventionnelle dʼaujourdʼhui. Les importations d’aliments pour bétail seraient supprimées et les exportations de céréales fortement réduites. Elle produirait de l’énergie par méthanisation des déjections d’élevage (lisiers et fumiers), des résidus de cultures et des cultures intermédiaires.
Le résultat de ce travail montre qu’il est donc possible d’envisager à moyen terme une agriculture différente en France qui soit productive et plus respectueuse de l’environnement et dont la mise en place devra s’accompagner d’un changement des habitudes alimentaires et leur évolution vers un mode de consommation plus sain et plus durable. Elle corrobore et contextualise pour la France, les résultats de travaux faits au niveau mondial [lire l’agriculture chimique est n’est pas indispensable pour nourrir le monde et consulter le thème Bio et agro-écologie].
Le rapport reste cependant muet sur les conséquences de cette évolution sur la structure des exploitations agricoles en France et sur les changements qu’il faudrait apporter aux politiques agricoles et notamment à la PAC (Politique Agricole Commune de l’Union européenne), pour que le scénario ainsi décrit puisse devenir réel.
A venir, sans doute dans le rapport final et détaillé d’Afterres2050 que l’on attend avec impatience.
Dernière actualisation: novembre 2013
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