Nouvelles
26 avril 2015
Afrique pillée
Si l’on en croit les médias, l’Afrique est le continent de la pauvreté, de la faim, des conflits et des crises. Une cause perdue, un cas désespéré qui doit être soutenu par l’aide internationale pour survivre. Mais est-ce là le reflet de la réalité africaine ?
Un groupe de seize organisations ont commandité une étude (en anglais seulement) publiée en juillet 2014 qui donne une image tout à fait différente de l’Afrique et qui montre que, bien loin de l’image d’une Afrique financée par le monde, c’est bien l’Afrique qui finance le monde!
D’après l’équipe de chercheurs qui ont réalisé l’étude, chaque année, l’Afrique verse un total net de 58 milliards de dollars au reste du monde, soit le solde entre 134 milliards de dollars qui entrent en Afrique et 192 milliards qui en ressortent. A titre de comparaison, ce flux net hors d’Afrique est à peu près équivalent au Produit intérieur brut (PIB) de la Tanzanie et représente deux fois le coût annuel de l’éradication totale de la faim dans le monde (pas simplement en Afrique !)
Flux rentrants Flux sortants
(en milliards de dollars par an) (en milliards de dollars par an)
Le tableau ci-dessus montre que les principaux flux rentrants en Afrique sont constitués par l’aide officielle (21,8%), suivie des prêts aux gouvernements (17,5%) et de l’investissement direct étranger(17,4%). Les flux sortants les plus importants sont les profits des multinationales (24,1%), les flux financiers illégaux (18,4%) et le coût d’atténuation du changement climatique (13,5%). Certains pourront argumenter que tous ces flux ne sont pas comparables, notamment ceux relatifs au changement climatique qui ne correspondent pas à de véritables transferts financiers. Mais à ces objections on peut répondre que ces coûts sont bien supportés par l’Afrique alors que la responsabilité du changement climatique est clairement hors du continent.
Le déficit de l’Afrique (ou sa contribution nette au reste du monde) est à peu près égal à la somme des coûts de l’exploitation forestière et de la pêche illégales et des coûts relatifs au changement climatique.
Sur la base de ces chiffres, le rapport affirme que « une combinaison de politiques inéquitables, d’énormes disparités de pouvoir et d’activités criminelles perpétrées et soutenues par des élites riches tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du continent, maintient sa population dans la pauvreté ».
L’aide ne peut donc être la solution aux problèmes de l’Afrique. Plutôt, il s’agit de réformer les politiques menées par les gouvernements africains et leurs ‘partenaires’ afin de s’attaquer aux flux intolérables de ressources qui contribuent au pillage du continent :
-mettre un terme aux paradis fiscaux, dont certains sont hébergés par les pays riches les plus influents
-contrôler les compagnies multinationales (plutôt que de leur ouvrir des boulevards en Afrique par les alliances privé-public ou le co-financement par l’intermédiaire du blending de l’UE ou du Laboratoire global de développement de l’USAID) en imposant un code de conduite qui respecte les intérêts et la volonté des communautés locales, taxe et oblige les compagnies à réinvestir sur le continent une bonne part de leur profit
-mettre un oeuvre un effort international mondial pour combattre l’exploitation forestière et la pêche illégale
-faire preuve d’audace pour réduire de façon radicale les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter un changement climatique impossible à gérer
-remplacer les prêts aux États par des dons.
Le rapport présente une masse de données et d’analyses intéressantes d’une façon compacte, facile à lire et accessible, expliquant le détail de certains processus à l’oeuvre.
Une lecture fortement conseillée à ceux qui lisent l’anglais !
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Pour en savoir davantage :
-Sharples, N. et al., Honest Accounts? The true story of Africa’s billion dollar losses, juillet 2014
Dernière actualisation: avril 2015
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