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4 avril 2014



Sortir les populations de la pauvreté en les reliant au marché mondial: le Laboratoire global de développement de l’USAID


L’USAID et ses 32 partenaires viennent de lancer, ce 3 avril, le «Laboratoire global de développement pour aider à la fin de la pauvreté extrême d’ici 2030».


L’objectif du Laboratoire est de changer la façon dont on fait du développement et de travailler à une échelle plus grande que jamais afin «d’améliorer fortement ou de sauver les vies de plus de 200 millions de personnes dans les cinq prochaines années».


Comment ce résultat pourra-t-il être atteint? En développant, en appliquant et en disséminant des innovations technologiques grâce à un vaste partenariat regroupant «les entrepreneurs, des experts de classe mondiale venant des sociétés privées, des ONG, des universités, des institutions scientifiques et de recherche» ainsi que les missions de l’USAID à travers le monde. Ce vaste partenariat s’efforcera de «découvrir, incuber et généraliser des percées innovatrices dans le domaine du développement de secteurs tels que l’eau, la santé, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’énergie et le changement climatique, entre autre, qui peuvent avoir un impact sur des millions de personnes». Pour rassembler des idées neuves, le Laboratoire collecte des idées d’innovations rentables qui peuvent être mises en oeuvre à grande échelle avec de bonnes chances de succès.




Le Laboratoire reprend, sous une nouvelle forme, les fonctions jusqu’ici assurées par les anciens Bureaux d’innovation et des alliances pour le développement de l’USAID (USAID Offices of Innovation and Development Alliances - IDEA) et ses Bureaux de science et de technologie (OST).


Un catalogue en ligne présentant certaines des innovations promues par le Laboratoire montre que la plupart d’entre elles se matérialisent par des équipements produits aux Etats-Unis pour être mis en vente: systèmes d’irrigation, pompes, dispositifs de réfrigération de lait, équipement électronique pour l’e-apprentissage (bibliothèque électronique), système de collecte d’information et de prise de vues en vue de documenter la violation des droits humains, dispositifs facilitant l’utilisation de téléphones portables par des illettrés, etc.


Mais qui sont les partenaires? Ils comprennent de grandes multinationales (Cargill, Cisco, Coca-Cola, DuPont, GlaxoSmithKline, Syngenta, Unilever, Walmart et d’autres), des organisations de la société civile (Care, Fondation Gates, Save the Children, World Vision, etc.), quelques universités et un pays (la Suède). (voir liste des principaux partenaires)


L’approche que se propose d’adopter le Laboratoire est celle des alliances globales de développement (GDA), le principal modèle de partenariat public-privé de l’USAID, qui fonctionne selon les critères qui suivent:


  1. Le niveau des ressources mobilisées par les partenaires privés devrait correspondre au moins au niveau de celles avancées par l’USAID (en argent ou en nature)

  2. Des objectifs communs définis pour tous les partenaires

  3. Des solutions aux problèmes socio-économiques définies conjointement

  4. Des partenaires non-traditionnels (entreprises, fondations, etc.)

  5. Des ressources, des risques et des résultats partagés

  6. Des approches au développement qui soient innovantes et durables.


L’un des exemples de partenariat présentés sur le site de l’USAID est celui de l’AMARTA Sulawesi Kakao Alliance grâce à laquelle Blommer Chocolate (le plus grand transformateur de fèves de cacao en Amérique du Nord) et Olam International (la multinationale d’origine africaine basée à Singapour spécialisée dans la production de matières premières et agricoles, produits forestiers, huile de palme, café, noix de cajou, riz et coton) travaillent avec le gouvernement indonésien pour développer l’industrie du cacao au Sulawesi. En formant les producteurs locaux dans le domaine des techniques de contrôle des maladies et des ravageurs, ainsi que la gestion des plantations de cacao, l’alliance doit aider à l’amélioration de la productivité agricole et à l’augmentation des revenus des producteurs de cacao. On peut supposer que Blommer et Olam seront les principaux, sinon seuls, acheteurs du cacao ainsi produit. Un autre projet de ce type fonctionne également en Côte d’Ivoire et un autre vient d’être lancé en République Dominicaine en octobre 2013 (lire le communiqué de presse).


L’USAID injecterait annuellement un milliard de dollars dans le Laboratoire.


Que peut-on dire de ce programme de l’USAID? Il s’agit d’un programme adoptant une approche descendante (on «développe» les populations bénéficiaires) qui semble constituer un terrain de jeu pour les sociétés multinationales qui bénéficient d’une subvention pour proposer de nouveaux produits ou accroitre leurs activités outre-mer, principalement dans des pays pauvres, et il n’est pas précisé  comment et par qui les «objectifs communs» sont définis. Ce programme cherche clairement à établir des liens entre des groupes de producteurs pauvres et le marché mondial, mais on ne voit pas clairement comment les bénéficiaires participent à la définition des «objectifs communs» et comment les bénéfices de ces partenariats sont partagés, d’une part entre partenaires, et d’autre part entre les partenaires et les bénéficiaires. En fait, les bénéficiaires brillent par leur absence sur le schéma ci-dessus montrant les intérêt communs de l’USAID et de ses partenaires privés!


Ce sont là pourtant des questions capitales qui, pour le moment, n’ont pas reçu de réponses claires. D’autres expériences de partenariats globaux qui rassemblent la plupart des mêmes acteurs nous font craindre que ces réponses ne seront pas vraiment favorables aux personnes-mêmes qu’elles sont supposées sauver et qui sont censées être libérées de la pauvreté grâce aux activités du Laboratoire.


Pour en savoir davantage sur des partenariats public privés similaires mis en place par l’Union européenne, lire notre article sur le sujet du blending.

 

Dernière actualisation:    avril 2014

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