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17 octobre 2014



Il faut tourner la page de la Révolution verte et trouver de nouvelles solutions aux problèmes actuels de l’agriculture et de l’alimentation.


« L’agriculture familiale est l’une des clés de la sécurité alimentaire et du développement rural durable », nous dit le rapport 2014 sur l’État de l’agriculture et de l’alimentation publié par la FAO à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation. Mais le rapport précise qu’il s’agit, pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle, de tenir compte de la très grande diversité des situations agricoles à travers le monde. Il n’y a pas aujourd’hui de panacée comme a pu l’être, à une certaine époque, la Révolution verte sur laquelle il s’agit à présent de tourner la page afin de chercher des solutions innovantes et adaptées aux conditions écologiques, sociales et économiques locales.




Les messages-clé de ce rapport soulignent la nécessité :


  1. D’accroître l’investissement public dans la recherche-développement agricole ainsi que dans les services de vulgarisation et de conseil, et de les réorienter de façon à privilégier l’intensification durable et la réduction des écarts de rendement et de productivité entre diverses catégories de producteurs

  2. De promouvoir la capacité d’innovation dans l’agriculture familiale tout en reconnaissant le caractère hétérogène de cette agriculture et l’importance des spécificités locales

  3. De favoriser la formation d’organisations de producteurs performantes

  4. D’assurer un environnement propice à l’innovation, notamment une bonne gouvernance, des conditions macroéconomiques stables, des régimes juridiques et réglementaires transparents, des droits de propriété garantis, des outils de gestion des risques et des infrastructures de marché.


La préface du rapport, signée par le Directeur général de la FAO, replace clairement les fermes familiales au centre du développement de l’agriculture et s’en prend à ceux qui dénonçaient l’agriculture familiale comme un obstacle au développement et proposaient de donner carte blanche aux investisseurs privés pour résoudre la question de l’approvisionnement  de la planète en nourriture. En demandant de dépasser la Révolution Verte qui repose sur l’utilisation conjointe de l’irrigation, des semences hybrides à haut rendement et de l’agrochimie et qui constituait la solution préconisée face à la famine il y a 40 ans, c’est une véritable rupture que propose la FAO. Il est vrai que si la Révolution verte a permis une augmentation de la production agricole sans précédent et des profits énormes pour les géants de l’agrochimie et des travaux publics, elle a également eu un coût social et environnemental qu’on a encore du mal à mesurer.


La FAO reconnait aussi que les petits paysans non seulement ont un rôle essentiel dans la production agricole et alimentaire, mais également dans la diversification et le développement de l’économie rurale dans son ensemble et plaide en faveur d’une attention et d’un appui plus grands de la part des États envers les producteurs familiaux. Cette attention doit permettre aux producteurs d’innover et d’être mieux armés pour faire face aux défis du futur, notamment celui de nourrir une population grandissante et de plus en plus urbaine dans un monde en transformation où les conditions naturelles - dont le climat - connaissent des changements considérables.


Par endroits, le rapport manque cependant de clarté sur ce qui est entendu par ‘innovation’ : s’agit-il simplement d’adopter des technologies qui ont fait leur preuve dans les pays riches - où les rendements sont les plus élevés - ou bien de développer de nouvelles technologies plus adaptées aux conditions des pays pauvres - et des petites fermes familiales ? Ceux d’entre vous qui ont l’habitude de lire lafaimexpliquee.org, sauront que nous penchons pour la deuxième option qui consiste à développer de nouvelles technologies qui seront plus accessibles aux paysans sans ressources financières, plus productives et plus respectueuses de l’environnement. [lire] De telles techniques existent (comme par exemple le système de riziculture intensif, le push-pull, l’agro-foresterie et bien d’autres techniques relevant de l’agroécologie), mais il s’agira encore, dans l’avenir, d’en inventer bien davantage qui soient adaptées à la diversité des conditions soulignées par le rapport de la FAO. Il s’agira aussi, ligne que la FAO se refuse encore à franchir - mais pour combien de temps encore ? - de développer des technologies qui ne reposent pas sur l’utilisation d’intrants onéreux produits par l’agrochimie mais utilisent plutôt ce que les producteurs ont à leur disposition, à savoir leur intelligence et leur force de travail. Afin de faciliter l’adoption de ces innovations, il ne faudra pas hésiter à mettre en oeuvre des mesures de protection sociale - notamment de facilitation de l’accès à la nourriture - et économique pour favoriser la transition vers cette nouvelle agriculture que beaucoup espèrent.


Comme toujours, tout en reconnaissant l’importance de l’organisation des producteurs en associations, groupes ou coopératives pour des raisons économiques, la FAO hésite à reconnaitre qu’il est indispensable que ces organisations paysannes jouent également un rôle politique et affirment leur poids politique de façon à pouvoir influencer de façon durable les politiques économiques des États. Sans doute est-ce là pour ne pas se mettre à dos certains pays membres influents qui n’ont pas la démocratie ou la masse des petits agriculteurs au centre de leurs préoccupations.



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Pour en savoir davantage :


  1. -FAO, La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 2014 Résumé - Ouvrir l’agriculture familiale à l’innovation, octobre 2014

  2. -FAO, The State of Food and Agriculture - Innovation in family farming, October 2014 (en anglais seulement pour l’instant)

  3. -lafaimexpliquee.org, Sept principes pour en finir durablement avec la faim, octobre 2013

 

Dernière actualisation:    octobre 2014

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