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17 mars 2019
Variétés améliorées et variétés locales de riz en Asie du Sud : les gouvernements restent sourds aux arguments des paysans pendant que la biodiversité continue de diminuer
Il est frappant de voir combien en quatre décennies le débat entre variétés améliorées et variétés locales de riz reste inchangé.
Il est sidérant de voir combien un article du Guardian datant de septembre 2017 intitulé « Why India's farmers want to conserve indigenous heirloom rice » (Pourquoi les paysans indiens veulent conserver leur riz patrimonial indigène) reprend les mêmes arguments que les paysans Népalais avançaient dans les années 1980 quand on leur demandait pourquoi ils n’adoptaient pas les variétés améliorées de riz issues de la Révolution verte.
En près de 40 ans, rien ne semble donc avoir véritablement changé et l’on dirait que les gouvernements et les chercheurs - qu’ils soient publics ou privés - restent sourds aux arguments et aux besoins des paysans, surtout ceux qui font partie de la masse de paysans pauvres, préférant accorder la priorité maximale à la productivité à court terme du riz mesurée en calories par hectare.
Or, sur la période qui vient de s’écouler, une partie appréciable des plus de 100 000 variétés locales de riz du sous-continent indien ont disparu, une perte sèche de biodiversité qui, un jour, pourrait s’avérer d’une importance extrême car qui sait si parmi les gènes des variétés disparues ou à disparaître, il n’y en a pas qui ont des potentiels décisifs, perdus à jamais, en termes de résistance à certaines maladies ou parasites, d’adaptabilité à des milieux extrêmes - l’excès ou au manque d’eau, les hautes températures, les sols dégradés, salés ou pollués - ou de présence de molécules pouvant avoir des propriétés médicinales inestimables.
Davantage de variétés encore auraient pu être perdues sous la pression des variétés dites « améliorées » ou « supérieures » dont les États et les grandes multinationales semencières font la promotion, si les paysans n’avaient, de leur propre initiative, établi des banques de gènes pour les plantes agricoles et sensibilisé leurs semblables aux avantages de l’agrobiodiversité (y compris du point de vue nutritionnel), en bénéficiant parfois de l’appui d’ONG tels que par exemple Gene Campaign, avec le soutien de la FAO, dans l’État du Jharkhand au début de ce siècle (voir photo ci-dessous).
Une banque génétique villageoise au Jharkhand, Inde.
Quels sont les arguments favorables aux variétés locales mis en avant par les paysans d’Asie du Sud ?
Ils ne cessent de répéter depuis des décennies qu’ils les préfèrent car :
•les variétés locales, sélectionnées au cours des siècles s’avèrent plus rustiques en face d’attaques de parasites et de sécheresses ;
•les semences des variétés améliorées sont trop chères et il faut les acheter annuellement, sinon elles se dégradent ;
•les variétés améliorées demandent beaucoup d’engrais et d’eau pour produire un bon rendement et elles sont peu productives dès que les conditions de cultures ne sont plus optimales ;
•les variétés améliorées demandent une utilisation croissante de pesticides, ce qui coûte cher et a des effets néfastes sur la qualité du sol et la biodiversité ;
•les variétés locales de riz, souvent naturellement parfumées, ont un fumet et un goût plus succulents, ce qui rend leur préparation et leur consommation plus agréables et possibles même sans aucun accompagnement de légumes et d’épices ;
•contrairement aux variétés améliorées à paille courte, les riz locaux, plus longs, apportent des sous-produits très importants : la paille sert pour alimenter les animaux, pour enrichir le sol quand elle est enfouie, et de chaume pour le toit des maisons traditionnelles.
Voilà qui nous dit et dit aux gouvernements, aux chercheurs et aux producteurs de semences que pour les petits paysans du sous-continent, « le riz est bien plus que juste une masse d’amidon et de calories ».
Ce sont là des arguments qui militent en faveur de la préservation des variétés locales que ce soit par la création de banques de gènes modernes où les semences se conservent correctement (voir photo Réserve mondiale de semences du Svalbard, ci-dessous) ou la suppression des incitations à l’utilisation des semences commerciales dites « améliorées » qui sont développées avec en vue la simple productivité en calories par hectare sans tenir compte d’autres aspects tels que la qualité du produit pour le consommateur, les sous-produits et la rusticité, ni bien entendu, les externalités négatives telle que la dégradation du sol et la pollution par les produits de l’agrochimie.
À Svalbard, les semences sont conditionnées dans des sacs scellés entreposés dans des caisses scellées.
Les arguments mis en avant dans ce débat par des petits paysans africains ne seraient d’ailleurs pas radicalement différents de ce qui vient d’être vu en Asie du Sud. S’y rajouterai peut-être la facilité de préparation et notamment le comportement des graines lors du pilage (notamment pour le maïs, le mil ou le sorgho) et, lors des années de bonnes récoltes, l’aptitude des grains à bien fermenter et à produire une bière traditionnelle de qualité (principalement dans le cas du sorgho).
Quel sera le débat sur cette question d’ici 20 ou 30 ans ? Peut-être qu’il n’aura plus lieu d’être, si les variétés traditionnelles ont disparu. Espérons que non et que les États mettrons en œuvre des programmes plus effectifs de conservation et de promotion des variétés locales et qu’ils refuseront les législations sur les semences promues par les multinationales et, en Afrique, par la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, qui cherchent à interdire l’échange paysans de semences traditionnelles pour donner un oligopole des semences aux multinationales et à leurs succursales locales.
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Pour en savoir davantage :
•Choudhury, C., Why India's farmers want to conserve indigenous heirloom rice, The Guardian, 2017 (en anglais).
•La Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de la FAO, site web.
•Genebanks and germplasm health units, Site du CGIAR (en anglais).
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Dernière actualisation: mars 2019
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