Nouvelles
13 Juin 2015
Le dernier rapport sur L’État de l’insécurité alimentaire dans le monde admet que le premier Objectif du millénaire pour le développement sur la réduction de la faim ne sera pas atteint.
Il y a quinze ans, les dirigeants du monde se rassemblaient au siège des Nations Unies à New York pour fixer les huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)* et s’engager à les atteindre en 2015.
A quelques mois de la fin de 2015, il est l’heure de prendre connaissance des résultats obtenus au cours de ces 15 dernières années.
A lafaimexpliquée.org, nous sommes particulièrement préoccupés par la performance réalisée dans le domaine de la faim. Il est utile de rappeler ici que l’OMD 1 sur la pauvreté et la faim avait fixé comme objectif de réduire de moitié la proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté extrême et la faim (auparavant, en 1996, lors du premier Sommet mondial de l’alimentation organisé par la FAO à Rome, les dirigeants du monde s’étaient accordés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées).
Cette année, les trois agences romaines (FAO, FIDA et PAM) ont avancé la publication de leur rapport sur L’État de l’insécurité alimentaire dans le monde (SOFI - acronyme du titre en anglais de cette publication) au mois de mais, au lieu de la date habituelle de septembre/octobre.
Que nous dit le rapport 2015 sur les résultats obtenus ? Le monde est-il près de réaliser l’objectif de lutte contre la faim fixé il y a 15 ans ?
Conformément à l’attitude positive qu’il adopte depuis qu’il est publié, le SOFI de cette année présente un verre à moitié plein, bien qu’il admette dans sa toute première phrase que « le nombre de personnes qui sont privées de la nourriture dont elles ont besoin pour mener une vie saine et active reste inacceptable ». Le SOFI 2015 estime que 10,9% de la population mondiale souffre encore aujourd’hui de sous-alimentation chronique, comparé à 14,9% au moment où l’engagement de réduction avait été pris et aux 18,6% estimés pour la période de référence (1990-1992). Des progrès ont donc été faits en direction de l’objectif fixé il y a 15 ans, mais il a été manqué de 1,5 points (10,9-9,4), puisqu’une réduction de moitié aurait signifié une chute de la proportion de la population mondiale sous-alimentée à seulement 9,4%. En d’autres termes, la diminution de la proportion n’a été que 80% de ce qui avait été fixé en 2000 et il s’avère que le rythme de la diminution de cette proportion a ralenti depuis que l’engagement a été pris par les leaders mondiaux (-0,37 point par an entre 1990-1992 et 2000-2002, et seulement 0,27 point par an depuis 2000-2002). Voilà certainement pas un résultat dont on peut s’enorgueillir et qui exige une remise en question de ce qui se fait réellement pour lutter contre la faim.
Si maintenant nous considérons les chiffres absolus (et non plus la proportion) des personnes sous-alimentées de façon chronique dans le monde, la performance apparait même bien pire ! Selon les chiffres divulgués par le SOFI qui vient d’être publié (il faut rappeler ici que ces chiffres sont régulièrement révisés de façon rétrospective, souvent avec pour conséquence une meilleure image des résultats obtenus), 795 millions de personnes sont sous-alimentées à l’heure actuelle, comparé à 805 millions l’année dernière, 930 millions en 2000-2002, et 1010 millions dans l’année de référence 1990-1992. L’engagement pris lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996 fixait l’objectif pour 2015 à 505 million de sous-alimentés, ce qui veut dire que cet objectif a été manqué par 290 millions, ou 57% !!! La diminution annuelle moyenne de ce nombre était de 8 million par an sur la période 1990-2000, et de 9 millions par an depuis. A ce rythme, il faudrait encore 88 ans pour éradiquer la faim (2103)
Si nous nous référons aux estimations faites du nombre de personnes mourant chaque année du fait de la sous-alimentation (environ 5 million de personnes), nous pouvons estimer qu’au rythme actuel de diminution du niveau de sous-alimentation, il y aura encore 225 millions de victimes de la faim entre aujourd’hui et le moment où la faim sera enfin éliminée (dont 150 million d’enfants). Rappelons que la FAO a estimé à 3500 milliards de dollars le coût annuel de la faim dans le monde (soit près de 1,5 fois le PIB de la France).
Il est bon de se souvenir ici qu’en décembre 2013, les pays membres de la FAO se sont engagés à éliminer la faim dans le monde, sans pour autant spécifier à quelle date…
Tous ces chiffres ont été contesté, et beaucoup pensent que le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde est sous-estimé et qu’il est en fait en augmentation au lieu de diminuer [lire ici les faits et chiffres sur la faim dans le monde].
Ce qui vient d’être dit s’applique également aux chiffres publiés de façon périodique sur les « progrès » effectués dans la réduction de la pauvreté. Dans ce cas, il a été démontré qu’une manipulation incroyable a été fait sur les chiffres afin de produire des estimations qui masquent en fait une augmentation des pauvres dans le monde. [lire - en anglais seulement]
Ces manipulations de données et les efforts faits pour faire croire au public, en utilisant des astuces de communication, que notre monde s’améliore, exige une réflexion plus large. Nous vivons dans un monde où nous sommes tous submergés d’information, de publicité et de communications diverses, et nous éprouvons souvent bien des difficultés pour savoir si ce que nous entendons est de l’information, une publicité ou bien des « éléments de langage » chargés de nous donner une bonne image de ceux qui s’adressent à nous. Par ce flux de donnés, d’images et de mots, ont nous donne l’impression de mieux connaitre ce qui se passe dans le monde, mais en fait la réalité n’est souvent pas peinte telle qu’elle est réellement, mais telle qu’elle sied à ceux qui communiquent. Ceci est vrai pour les grandes entreprises multinationales [lire] mais aussi de plus en plus pour les organisations publiques (gouvernements, organisations internationales, etc.). Il est essentiel dans une telle situation, de garder intact notre esprit critique, de contester l’information et les données qu’on nous donne, de trier dans les discours dont nous sommes submergés ce qui est vrai de ce qui convient à ceux qui nous parlent, sans pour autant tomber dans la paranoïa ou la ‘complotite'…
*Les huit Objectifs du millénaire pour le développement : (1) Eliminer l’extrême pauvreté et la faim ; (2) Assurer l’éducation primaire pour tous ; (3) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; (4) Réduire la mortalité infantile ; (5) Améliorer la santé maternelle ; (6) Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies ; (7) Préserver l’environnement ; (8) Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
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Pour en savoir davantage:
-FAO, FIDA et PAM, Rapport sur L’État de l’insécurité alimentaire dans le monde, 2015
-www.lafaimexpliquee.org, les faits et chiffres sur la faim dans le monde, 2015
-Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, 1996
-Nations Unies, OBJECTIF 1 : Éliminer l'extrême pauvreté et la faim
-www.lafaimexpliquee.org, Nouvelles sur la faim dans le monde, 2012-2015
Dernière actualisation: juin 2015
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