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13 juillet 2017


Notre système alimentaire : quelques raisons d’espérer…


Les lecteurs de lafaimexpliquee.org ont parfois l’impression que les articles présentés sur ce site sont plus critiques et pessimistes qu’élogieux ou optimistes. C’est un peu vrai, mais malheureusement c’est surtout justifié par les faits qui ne pointent en général pas vers une évolution positive du système alimentaire mondial. Mais, n’oublions pas notre devise qui dit, en citant Antonio Gramsci, qu’il faut allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté.




Aujourd’hui, nous sommes heureux de présenter quelques signes d’une évolution positive illustrés par les chiffres relatifs à la consommation de produits de l’agriculture biologique et du commerce équitable qui concourent à améliorer de notre système alimentaire.



Sur le Bio


Au niveau mondial : une croissance très rapide


Selon les dernières statistiques sur le bio dans le monde, publiées par l’IFOAM et le FiBL, les superficies cultivées sous agriculture biologique ont quadruplé en 15 ans pour atteindre 44 millions d’hectares dans 172 pays en 2014 (soit environ 1,5 fois la superficie agricole totale de la France). Il y avait, cette année-là, 2,3 millions de producteurs bio dans le monde (onze fois plus qu’en 1999), dont la plupart vivaient en Asie, et le chiffre d’affaires mondial du bio avait atteint 80 milliards de dollars (près de six fois plus qu’en 1999).


C’est l’Océanie qui arrivait en tête avec 40% des superficies mondiales sous agriculture organique, suivie de l’Europe (27%) et l’Amérique Latine (15%).


En 2014, les trois principaux pays consommateurs de produits bio étaient les États-Unis, l’Allemagne et la France.


Malgré la très belle croissance de l’agriculture biologique, il faut cependant regretter que, malheureusement, l’effort de recherche effectué dans ce domaine reste largement insuffisant par rapport aux besoins.


En France : une véritable explosion depuis 2014


Cette croissance du bio observée au niveau mondial est se reflète en France.


Selon le Baromètre de l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique la consommation de produits de l’agriculture biologique a augmenté de plus de 20% en 2016 (+33% pour les fruits et légumes) et a dépassé la valeur totale de 7 milliards d’euros. Le rapport de l’agence ajoute que « près de 9 Français sur 10 (89%) ont consommé des produits bio en 2016, près de 7 sur 10 (69%) disent en consommer régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois par mois, et 15% tous les jours ! ». Ce résultat est à rapprocher de ceux de 2003, quand près de la moitié des Français déclarait ne jamais consommer de produits bio. On est donc en face d’une profonde prise de conscience qui a commencé à transformer profondément le mode de consommation alimentaire des Français.


En effet, il est important de noter que, contrairement à ce que l’on pense souvent, les Français ne préoccupent pas, en consommant, que de l’effet que leur alimentation a sur leur santé, mais ils accordent aussi une importance croissante à la protection de l’environnement. Alors qu’en 2007 les 2/3 des Français considéraient comme importante la protection de l’environnement, ils se retrouvent 92% en 2016 et « trouvent dans la Bio une réponse à leurs attentes avec une agriculture d’avenir, basée sur le respect de l’environnement, du bien-être animal, favorisant l’emploi et le développement territorial ».


La plupart des produits bio sont achetés dans des magasins de grande et moyenne surface (45%), suivis des magasins spécialisés (37%), les ventes directes ne représentant que 13%. Il semblerait donc que, d’une part, de se tourner vers des produits bio n’implique pas nécessairement de changer de source d’approvisionnement, et d’autre part, que les grandes et moyennes surfaces se sont mobilisées pour investir le créneau bio [lire notre article sur le bioindustriel].


L’intérêt croissant pour le bio a des effets considérables :


  1. Une croissance de l’emploi dans le secteur de 8,4% sur quatre ans ;

  2. Le franchissement par la part de la superficie cultivée totale consacrée à la culture biologique du cap des 5% (17% pour les vergers et 9% pour les vignes) ;

  3. Une augmentation des superficies bio de grandes cultures de 20% en 2016 ;

  4. Une croissance annuelle à deux chiffres des effectifs des élevages bio.


Quelques indicateurs sur le bio en France


Source: Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, 2017


Mais, pour l’instant, la production nationale ne suffit pas à satisfaire la demande en produits bio, et 30% des produits bio consommés sont importés, la moitié provenant des pays de l’Union européenne.


Sur le commerce équitable


Il y a une deuxième raison d’espérer : le commerce équitable continue de se développer.


Au niveau mondial : une croissance mal documentée


Selon les statistiques disponibles au niveau mondial, le Commerce équitable (CE) avait un chiffre d’affaires d’environ 6 milliards d’euros en 2012, soit six fois plus qu’en 2003 et faisait vivre une dizaine de millions de personnes dans les pays pauvres (dont deux millions de producteurs indépendants et de travailleurs).


En France : une croissance fulgurante surtout alimentée par l’apparition de filières nationales


En France, la vente de produits du CE a augmenté de plus de 40% en 2016 (121% sur la période 2013-2016) pour atteindre un chiffre d’affaires total de près d’un milliard d’euros ! Le plus fort taux de croissance est observé dans les filières françaises de commerce équitable (155%), à comparer au 21% de croissance dans les filières issues des pays pauvres (voir graphe ci-dessous). Les produits provenant des pays du Sud représentent les 2/3 des achats totaux de produits du CE, et plus de 70% des produits issus du CE sont bio ou écologiques. La grande majorité des produits du CE est constituée par des produits alimentaires (95%).


Il y a environ 400 entreprises travaillant dans le CE en France (hors distribution) qui emploient plus de 10 000 personnes. Ce sont essentiellement des PME qui sont souvent productrices de produits bio ou écologiques (dans le domaine de l’alimentaire, des cosmétiques ou encore du textile).



Source : Plate-forme du commerce équitable, 2017


Etant donnée la croissance du CE, on peut raisonnablement s’attendre à ce que son impact croît de même. Dans la mesure où le CE est conçu pour bénéficier à des producteurs pauvres, cet impact va très probablement contribuer à faire régresser la sous-alimentation dans le monde, et donc concourir à une amélioration du système alimentaire mondial. 


Conclusion :


Nous avons là des chiffres qui illustrent des évolutions positives et encourageantes. Mais il faut raison garder : d’une part tant la production biologique que le commerce équitable ne représentent respectivement encore qu’une faible proportion de la production agricole mondiale et du commerce international. En outre, étant donné l’incroyable capacité de récupération des multinationales [lire], cette évolution ne se fait pas toujours au profit des producteurs les plus pauvres à qui elle devrait pourtant profiter.



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Pour en savoir davantage :


  1. Arbenz, M., D. Gould et C. Stopes, The World of Organic Agriculture Statistics and Emerging Trends 2016, Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL) et Organics International (IFOAM), 2017

  2. Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, La bio change d’échelle en préservant ses fondamentaux ! - Dossier de presse, 2017

  3. Plate-forme pour le Commerce équitable, Les chiffres clefs du commerce équitable en France en 2016, 2017

  4. World Fair Trade Organization, Ressources on Fair Trade, WFTO (en anglais uniquement)

  5. Artisans du Monde, site web.



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. Manger des fruits et des légumes, d’accord. Mais lesquels ?, 2017

  2. Des chercheurs montrent que l’agriculture biologique génère plus de valeur économique que l’agriculture conventionnelle, 2015

  3. Le commerce international des produits agricoles, 2014

  4. L’incroyable capacité de récupération des multinationales, 2013

  5. Agriculture bio ou agriculture «bioindustrielle»?, 2012


et tous les articles sous notre rubrique « Bio et agro-écologie »


 

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Dernière actualisation:    juillet 2017