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8 décembre 2013



Bali: premier accord sur l’agriculture depuis la création de l’OMC - l’Inde pourra mettre en oeuvre sa nouvelle loi sur la sécurité alimentaire


A l’heure où s’ouvrait la réunion ministérielle de Bali de l’OMC, bien peu nombreux étaient ceux qui croyaient qu’un accord pourrait être trouvé sur l’agriculture et on s’attendait à un nouvel échec qui aurait fait suite à toute une série de réunions stériles depuis la création de l’OMC en janvier 1995.


En effet, le Groupe des 33, composé de 46 Membres dont l’Inde, la Chine et l’Indonésie, avaient, peu avant cette réunion, fait une proposition visant à rouvrir les discussions sur les subventions agricoles à l’OMC. Cette proposition demandait à ce que les gouvernements soient autorisés à acheter de la nourriture de leurs producteurs pour pouvoir la distribuer à leurs consommateurs pauvres sans que les subventions que cela implique ne soient comptabilisées dans le calcul de la Mesure globale du soutien (MGS) qui fait l’objet d’un rapport périodique dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC. Cette proposition était une remise en cause d’un aspect fondamental de l’accord de Marrakech à la base de la création de l’OMC. Un accord à Bali sur cette proposition devait permettre notamment à l’Inde de mettre en oeuvre sa nouvelle loi sur la sécurité alimentaire qui cherche à améliorer l’alimentation de plus de 800 millions d’indiens (75% de la population rurale et 50% de la population urbaine) [lire].


La réaction des Etats-Unis à cette proposition ne s’était pas faite attendre par la bouche de leur Ambassadeur à l’OMC qui déclarait qu’un tel accord « créerait une faille énorme pour l’utilisation  potentiellement  illimitée  de  subventions créant  des distorsions  dans  les marchés ».


L’Inde avait fait savoir, au début de la réunion, qu’elle était prête à utiliser son véto (les décisions à l’OMC doivent obtenir l’unanimité des 159 pays Membres) si elle n’arrivait pas à obtenir un accord lui permettant d’exécuter son programme de sécurité alimentaire. L’argumentaire en faveur de la proposition indienne peut se résumer simplement: comment refuser à un pays de subventionner son agriculture à concurrence de 20 milliards de dollars par an pour aider 800 millions de personnes, alors que les Etats-Unis donnaient un soutien estimé par l’OCDE à plus de 100 milliards de dollars, au bénéfice d`à peine 800 000 producteurs agricoles, en déréglant par la même le marché des produits agricoles mondiaux? L’Inde n’était pas prête à accepter une « clause de la paix » de 4 ans qui lui aurait permis d’exécuter son programme sur cette période, puis de risquer d’être attaquée devant l’OMC et devoir interrompre son programme (à titre de comparaison, la « clause de paix » signée entre les Etats-Unis et l’Union Européenne au moment de la création de l’OMC était restée en vigueur pendant 9 ans!).




Finalement, et pour la première fois depuis la création de l’OMC, un accord a pu être trouvé qui porte sur l'agriculture, l'aide au développement et la réduction de la bureaucratie aux frontières, et cela malgré une objection de dernière minute présentée par un groupe de pays d’Amérique du Sud portant sur le blocus imposé à Cuba. Il faut noter qu’une fois de plus, aucun progrès réel ne s’est fait sur la question du coton qui est pourtant un produit d’une importance extrême pour bien des pays africains. L'OMC évalue à 1000 milliards de dollars et des millions d’emplois l’impact qu’aura cet accord, mais bien des économistes se montrent sceptiques à la lecture de telles estimations.


L’accord  se  sera  fait  par  l’adoption  d’une  nouvelle « clause de paix »  qui  stipule que les « Membres s'abstiendront de contester, dans le cadre du Mécanisme de règlement des différends de l'OMC, le respect par un Membre en développement de ses obligations au titre [...] de l'Accord sur l'agriculture en ce qui concerne le soutien accordé pour les cultures vivrières essentielles traditionnelles conformément aux programmes de détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire », en attendant « la solution permanente » de cette question  qui  devra  être  négociée  dans  le  cadre  d’un  « mécanisme provisoire » de négociation qu’on s’est accordé à mettre en place. En contre-partie, les pays concernés s’engagent « à ne pas créer de distorsion sur le marché ni d’avoir d’effet sur la sécurité alimentaire d’autres Membres » (c’est-à-dire à ne pas exporter les produits subventionnés). Cette dernière considération laisse la possibilité de multiples contestations dans la mesure où, il faut le rappeler ici, en 2012 l’Inde était le premier exportateur mondial de riz (une denrée de base concernée par son programme de sécurité alimentaire...) et un gros exportateur de maïs.


L’Inde pourra donc dès 2014 exécuter son programme de sécurité alimentaire.


Pour prendre connaissance des détails de l’accord, lire le Projet de déclaration ministérielle de Bali

 

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Dernière actualisation:    décembre 2013