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7 juin 2014

 


La Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition : un coup pour les capitaux internationaux ? par N. McKeon


A la veille de la réunion du G7 de Bruxelles et deux mois avant que le Président Obama n’accueille les leaders africains à un sommet destiné à développer les échanges commerciaux et les investissements, un nouveau rapport de Terra Nuova et du Transnational Institute - « La Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition : un coup pour les capitaux internationaux » (The New Alliance for Food Security and Nutrition: a coup for corporate capital?” - en anglais seulement) a été publié qui dévoile les efforts faits par les grandes entreprises multinationales pour conquérir un continent - l’Afrique - que la Banque mondiale avait défini en 2013 comme « la dernière frontière pour les marchés agricoles et alimentaires mondiaux ».





Nous avons déjà eu l’occasion de présenter la Nouvelle alliance sur ce site et de souligner quelques unes des principales caractéristiques de ses activités dans trois pays africains. Elle avait été inaugurée par le G8 en 2012 et concerne à présent 10 pays africains et plus de 100 entreprises y participent comme « donateurs », en plus des pays membres du G8 et de l’Union européenne. Son objectif déclaré est d’accélérer les investissements responsables dans l’agriculture africaine et faire sortir 50 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2022. Elle repose sur le diagnostic que l’échec subit dans la résolution du problème de la faim résulte principalement de la prétendue incapacité des États à venir en aide de façon effective et efficace à ceux qui souffrent de la faim. Par conséquent, en toute logique, il s’agit de se tourner vers le secteur privé dans l’espoir qu’il arrivera, lui, à résoudre cette question.


Depuis son lancement, l’Alliance a été fortement critiquée par la Société civile et les analyses du mode opératoire de l’Alliance ont prouvé que ces critiques étaient malheureusement justifiées.


Partant d’une analyse sans concession de la situation actuelle de notre système alimentaire et des conséquences de la crise alimentaire et financière de 2007-08 sur l’intérêt renouvelé que portent la finance mondiale et les investisseurs à l’agriculture, le rapport analyse comment « le ‘‘discours de la Nouvelle alliance’’ qui s’est engouffré dans la brèche ouverte par la crise, a reformulé un certain nombre de vieilles rengaines du discours sur la modernisation », afin d’ouvrir un boulevard aux grandes compagnies privées pour qu’elles puissent accroitre leur domination du système alimentaire et développer leurs activités au Sud, particulièrement en Afrique, en « prenant le contrôle du débat sur le développement en Afrique ».


Avec une légitimité uniquement fondée sur leur pouvoir financier et économique, de grandes organisations philanthropiques privées et des grandes multinationales cherchent à imposer leur vue - et leurs intérêts - dans le débat sur comment l’Afrique devrait avancer, sans qu’elles soient soumises à une quelconque forme de contrôle démocratique. Le rapport donne quelques excellents exemples de la façon de laquelle ces acteurs cherchent à dominer et orienter le débat et l’action sur le terrain. Le diagramme ci-dessous est un exemple des relations complexes existants entre trois de ces acteurs.




Cliquez ici pour agrandir le diagramme : Diag Gates AGRA Monsanto.png


McKeon poursuit en analysant les concepts et composantes du discours de la Nouvelle alliance, soulignant comment il a été réorganisé afin de remettre au goût du jour les vieilles recettes du productivisme (soigneusement ajustées - mais de façon superficielle - pour paraître plus « durables »), comment il se fonde sur des instruments tels que les chaines de valeurs, les corridors de croissance, les partenariats public-privé et le « capital patient ».


Le rapport passe aussi en revue quelques unes des critiques faites à l’Alliance, y compris celle du Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation et d’Oxfam, et propose un « un modèle de production dans lequel investir ».


En conclusion, le rapport met en avant le rôle important que doit jouer le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) où toutes les parties prenantes participent aux discussions sur un pied d’égalité avec les États. Il termine en citant le leader paysan africain Mamadou Cissokho qui a dit : « Nous ne voulons pas des ‘investisseurs responsables’. Ce que nous voulons, c’est un cadre législatif qui nous protège de façon effective et des investisseurs qui sont obligés de respecter la loi ».


Les notes de fin de rapport offrent une masse de références pour ceux qui voudraient en lire davantage sur cette question. Félicitations à l’auteur pour un rapport riche et utile qui tombe à point !


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Pour lire le rapport en entier (en anglais) : Nora McKeon, The New Alliance for Food Security and Nutrition: a coup for corporate capital?, Terra Nuova, TNI, 2014

 

Dernière actualisation:    juin 2014

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