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3 janvier 2014


Le Brésil s’apprêterait à approuver l’utilisation de semences OGM stériles de technologie «terminator»


L’approbation attendue par le Brésil, en février prochain, de l’utilisation de semences OGM stériles romprait le moratoire mondial sur la technologie «terminator» auquel on était parvenu en 2000, quand la Convention sur la diversité biologique avait recommandé aux gouvernements de ne pas approuver les essais ou l’utilisation commerciale des Technologies génétiques restrictives (TGR). Ce moratoire avait été confirmé lors de la Conférence des Parties 8 (COP8) de la Convention, tenue au Brésil en mars 2006.


L’approbation de cette technologie par le Brésil, deuxième producteur d’OGM au monde après les Etats-Unis, entrainerait très probablement une cascade d’approbations dans plusieurs autres pays, ce qui signifierait la fin de facto du moratoire.




Mais qu’est-ce que les TGR? Ce sont des technologies qui comprennent un mécanisme qui restreint l’utilisation d’une semence donnée ou de ses caractéristiques spécifiques. Il y a deux types de TGR:


  1. La technologie «Terminator» ou «système de protection technologique» (Technology Protection System,TPS) qui consiste à intégrer dans l’ADN de la plante une séquence de gènes qui tue les embryons en développement, de sorte que les graines récoltées ne puissent germer et être conservées et réutilisées l’année suivante, ce qui oblige les paysans a racheter de nouvelles semences chaque année

  2. ‘la technologie «Traitors» ou «technologie génétique restrictive spécifique aux caractères» (Trait-specific Genetic Use Restriction Technology, T-GURT) qui consiste à faire en sorte que les caractères recherchés d’une plante (résistance aux maladies, résistance à un pesticide donné, etc,) doivent être activés par l’application annuelle d’un traitement chimique ou autre. Dans ce cas, le paysan peut conserver et réutiliser les graines récoltées pour les utiliser comme semences mais il/elle ne pourra bénéficier des caractères recherchés de la plante que s’il/elle achète chaque année le produit chimique nécessaire à leur activation.


Ces deux technologies furent développées en vue de mieux protéger les droits de propriété des compagnies développant les semences OGM et d’assurer leurs énormes profits. On estime que les principales companies semencières (Monsanto, Syngenta, Bayer, DuPont et autres) sont détentrices de brevets pour ce type de technologie.


C’est la technologie «terminator» qui est en passe d’être approuvée au Brésil. Pour l’instant, l’approbation serait cependant limitée seulement à certaines cultures non vivrières. On pense néanmoins que l’approbation de cette technologie serait la porte ouverte à des approbations plus larges dans le futur, y compris pour les cultures vivrières.


Quand cette technologie fut tout d’abord développée au cours des années 90 par le Département de l’agriculture américain et les principales compagnies semencières, les arguments donnés par ceux qui soutenaient ces innovations étaient qu’elles permettraient d’empêcher la dissémination indésirable dans la nature de semences et de pollens d’OGM, et que cela permettrait d’éviter les pertes occasionnées par la germination des graines avant récolte ou pendant le stockage. Des arguments similaires sont avancés à l’heure actuelle, notamment ceux qui soulignent que ces technologies pourraient protéger les producteurs agricoles biologiques et conventionnels de la contamination de leurs variétés par des gènes OGM, un risque qui se pose de façon de plus en plus importante dans les pays où les OGMs sont cultivés sur une grande échelle. Les opposants à ces technologies, en plus de souligner que les paysans seront condamnés à racheter de nouvelles semences chaque année, craignent que la séquence de gènes créant l’effet «terminator» puisse être disséminée dans l’environnement et ainsi contaminer des plantes vivrières essentielles, les rendant stériles ce qui aurait des conséquences terribles pour l’humanité. Le moratoire interdisant ces technologies fut approuvé à la suite de grandes manifestations, notamment de paysans, dans le monde entier.


Le Brésil est le deuxième producteur d’OGM au monde avec environ 40 millions d’hectares cultivés sous OGM. L’utilisation d’OGM y est en augmentation rapide et l’on prévoit une augmentation de 6,8% des superficies ensemencées en 2014. La plus forte augmentation est attendue pour le coton (+35%). Au Brésil, plus de 90% du soja et 70% du maïs sont OGM.


L’histoire des OGM au Brésil commence en 1998 quand la vente d’OGM fut interdite suite à une action en justice de l’Institut brésilien de défense des consommateurs. En 2003, la commercialisation des OGM fut à nouveau permise, pourvu que les emballages indiquent les produits comprenant plus de 1% de matière première OGM. En mars 2005, la Loi sur la sécurité biologique autorisa l’utilisation d’OGM. Cette loi précisait la réglementation sur la recherche en biotechnologies et créait un organisme de supervision de la mise en oeuvre de cette réglementation: la Commission technique nationale pour la biosécurité (CTNBio).


En juillet 2013, un rapport préparé pour le Conseil national brésilien pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle (CONSEA - Conselho Nacional de Segurança Alimentar e Nutritionnel) admet que toutes les approbations de mise en culture d’OGM au Brésil ont été données sans analyses scientifiques préalables rigoureuses et crédibles et sans précédent juridique approprié. Cela signifirait donc que toutes les plantations actuelles d’OGM au Brésil étaient illégales. [lire] Au même moment, EMBRAPA, l’organisme autonome chargé de la recherche agronomique cherchait à mettre sur le marché un haricot OGM résistant au virus de la mosaïque dorée.


Il apparait clairement de ce rapide résumé historique que les OGM sont au centre d’une lutte importante au Brésil dont le résultat aura des implications considérables pour le monde entier.


A suivre...



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Pour plus d’informations, lire:


- J. Watts and J. Vidal, Unease among Brazil's farmers as Congress votes on GM terminator seeds, The Guardian (en anglais)


 

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Dernière actualisation:    janvier 2014