Nouvelles
30 octobre 2018
Ce qu’il faut savoir (au minimum) sur les migrations…
Malgré les défis qu’elles représentent, les migrations, ont de tous temps fait partie intégrante de l’histoire du développement économique mondial. Tous les pays du monde ont été, à un moment donné de leur histoire, une région de départ, d’arrivée ou de transit de flux migratoires internationaux. De même, dans chaque pays, des mouvements considérables de populations se sont produits à l’intérieur même des frontières.
Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, les personnes les plus pauvres ne sont pas celles qui migrent le plus : elles n’ont que rarement la possibilité de migrer car elles sont le moins susceptibles de passer les obstacles à la migration (cadre légal restrictif, manque d’éducation, manque de ressources pour se déplacer, notamment).
C’est ce que dit un rapport de la FAO sur Migration, agriculture et développement rural qui fait partie de la série des Rapports sur La situation mondiale de l’agriculture et de l’alimentation qui se poursuit depuis 1947.
On estime qu’à l’heure actuelle, un milliard de personnes au monde ont été concernées pendant leur vie par le phénomène de migration, la plus grande partie d’entre elles vivant dans les pays pauvres. Souvent les personnes commencent par se déplacer à l’intérieur de leur pays, d’une zone rurale vers une autre, ou vers une zone urbaine, avant d’éventuellement partir à l’étranger.
Les migrations sont souvent liées à des situations de crise (crise économique, guerre, troubles politiques, catastrophes naturelles telles que tempêtes, inondations, sécheresses ou séismes) et l’intégration des nouveaux venus dans leur lieu d’arrivée nécessite le respect de leurs droits sociaux, notamment des lois du travail. C’est à cette condition que les migrations permettent alors de réduire les inégalités et qu’elles peuvent constituer une source importante de croissance économique. Dans certains pays vieillissants, les migrations font un apport de main-d’oeuvre jeune indispensable au maintien d’un système économique et social durable.
Les auteurs du rapport de la FAO s’emploient à prouver l’inexactitude d’un certain nombre de lieux communs sur le phénomène migratoire à l’aide d’un questionnaire bien conçu donnant des réponses présentées sous une forme didactique. Voici quelques points essentiels qu’il est utile de préciser ici :
•Même s’il y a eu une augmentation du phénomène migratoire depuis 25 ans, cette augmentation reste relativement modeste (+14% en proportion de la population mondiale concernée).
•Les migrations internes à un pays - qu’il est souvent assez difficile à estimer - sont beaucoup plus importantes que les migrations internationales, et elles se font souvent d’une région rurale vers une autre, notamment dans le cas de migrations saisonnières et dans les pays les plus pauvres.
•Environ 85% des réfugiés internationaux sont accueillis par des pays dits « en développement » et au moins un tiers d’entre eux vivent en zone rurale.
Migrants internationaux, par origine et par destination
Télécharger le diagramme : migrations.png
•Les femmes sont de plus en plus concernées par le phénomène migratoire.
•Ce sont souvent les forces vives des ménages qui migrent, ce qui réduit la main-d’oeuvre présente localement et peut affecter la production agricole. Mais leur absence est compensée par l’envoi d’argent par les migrants à leur famille. Les migrations contribuent également à la circulation des idées et à la transformation des modèles sociaux et culturels dans les pays d’origine.
•Les pays accueillant les migrants bénéficient d’un apport de main-d’oeuvre - souvent qualifiée* - sans avoir eu à supporter leur poids lors de leur jeunesse, ni celui de leur éducation.
Il est clair à partir des informations présentées dans le rapport de la FAO, que les phénomènes migratoires se caractérisent par une énorme diversité de situations. On peut regretter que les médias n’en donnent que rarement une image fidèle.
On peut aussi se désoler de ce que les migrations sont aussi exploitées par certains responsables politiques qui cherchent à utiliser ce phénomène dans des buts politiciens, notamment en vue de favoriser un réflexe xénophobe auprès de leurs compatriotes. Ceci est avéré même dans des pays ou les régions où le nombre d’arrivées de migrants est très faible.
Le rapport de la FAO insiste sur la nécessité de bien comprendre les causes des migrations si l’on veut prendre les mesures requises pour créer les opportunités permettant d’améliorer les conditions de vie des candidats potentiels à la migration dans leur pays d’origine, et ainsi de limiter les flux migratoires et les drames qui les accompagnent.
De ce point de vue, lafaimexpliquée a déjà mis en évidence à de nombreuses reprises le caractère délétère des initiatives prises par certains États et leurs partenaires au développement dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation [voir notamment notre rubrique Investissements].
--------------
* Par exemple au Sri Lanka, la moitié des 250 000 migrants sortant chaque année du pays sont des travailleurs qualifiés (Source: Statistiques nationales).
—————————————
Pour en savoir davantage :
lire :
•FAO, Résumé et questionnaire sur "Migrations, agriculture et développement rural", 2018.
•FAO, La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 2018. Migrations, agriculture et développement rural, FAO, 2018.
regarder et écouter :
•Héran, F., Migrations et sociétés, Leçon inaugurale, Collège de France, 2018.
•Colloque « Une crise européenne ? Les sociétés face aux migrants », Collège de France, 2016.
Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés au sujet :
•Clôtures, murs, aide et commerce équitable : pour réfléchir sur les migrations internationales, 2016
•MacMillan, A., Lampedusa, Westgate et la Famine dans la Corne de l’Afrique - C’est trop facile d’oublier, 2013
et nos articles sous notre rubrique « Investissements ».
Dernière actualisation: novembre 2018
Pour vos commentaires et réactions: lafaimexpl@gmail.com