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5 juin 2013
42ème Journée Mondiale de l’Environnement : une occasion pour réfléchir sur les relations alimentation, agriculture et changement climatique
Créée en 1972, la Journée Mondiale de l’Environnement (JME) est commémorée chaque année le 5 juin. Cette année, le thème de la JME est: Penser, Manger, Préserver.
Il s’agit de réfléchir sur le gaspillage et les pertes alimentaires afin de réduire notre empreinte écologique. Selon les estimations de la FAO chaque année 1,3 milliards de tonnes d’aliment sont gaspillés.
Rappelons que le mode de consommation alimentaire est directement lié à l’agriculture dont l’impact sur l’environnement prend des formes très diverses. L’agriculture interagit avec et a des effets sur l’environnement dans la mesure où elle utilise et modifie ses composantes (sol, eau, air et biodiversité): selon la façon dont elle est pratiquée, l’agriculture pourra ou non nourrir le monde dans le respect de l’environnement et des ressources naturelles tout en assurant aux paysans le revenu nécessaire pour leur éviter la faim et la pauvreté qui pourtant, aujourd’hui, est le lot de la masse d’entre eux.
Il est à présent avéré que les activités agricoles ont contribué à modifier certains écosystèmes. On estime ainsi que 85% des terres cultivées contiennent des zones qui sont dégradées du fait de l’érosion, de la salification, du compactage du sol, de son appauvrissement en nutriment, de la pollution et de la perte de biodiversité occasionnés par des mauvaises pratiques agricoles. [lire PNUE, Evaluation des écosystèmes pour le Millénaire, 2005]
Mais l’agriculture peut aussi contribuer à une gestion durable des écosystèmes. La grande variété de systèmes agro-écologiques existants (monoculture, plantations, production mixtes, agro-foresterie, systèmes pastoraux, etc.) peuvent aussi contribuer positivement aux écosystèmes où ils sont placés. Ces contributions peuvent notamment porter sur la gestion du carbone, de l’eau, du sol ou de la biodiversité. Mais ces systèmes agro-écologiques sont eux-mêmes largement déterminés par la demande alimentaire humaine et la façon dont on y fait face (technologie, organisation sociale).
Saisissons l’occasion de cette JME pour réfléchir brièvement au rapport entre agriculture, alimentation et changement climatique, qui est une menace pour notre avenir et une priorité affichée par l’Union européenne. L’agriculture émet environ 14% des gaz a effet de serre (GES) émis chaque année. Si l’on prend en compte les émissions dues à la déforestation et la dégradation de la forêt, cette proportion atteint 30%. Le volume des émissions provenant de l’agriculture a augmenté d’environ 13% entre 1990 et 2010, principalement du fait de l’augmentation de l’utilisation d’engrais chimiques.
Comme le montre le diagramme ci-dessous, les émissions agricoles de GES proviennent à plus de 40% de la fermentation entérique produite par les animaux d’élevage. On constate que 68% des émissions sont liées à l’élevage (fermentation et utilisation du fumier). Ces émissions ont augmenté de 10% entre 1990 et 2010 et l’on peut s’attendre à une poursuite de cette augmentation dans la mesure où toutes les projections indiquent qu’on peut s’attendre à une forte progression de la demande pour les produits de l’élevage, ce qui ne manquera pas de contribuer encore à une augmentation future des GES qui découlent de la production animale.
Importance des sources d’émission de GES provenant de l’agriculture
(2010)
Source: FAOSTAT
D’un point de vue géographique, c’est l’Asie qui produit, et de loin, la plus grande partie des GES agricoles, suivi de l’Amérique. Il est intéressant de noter que les émissions de GES agricoles ont été diminuées de près de la moitié en 20 ans par l’Europe, la plus forte diminution provenant de la réduction des émissions de l’élevage et de l’épandage du fumier sur les pâturages. Cela prouve qu’il est possible, en adoptant des techniques appropriées de gestion de l’élevage et des cultures de réduire les émissions agricoles.Sur la même période, les émissions en provenance d’Amérique du Nord ont augmenté de plus de 7%.
Importance des sources d’émission de GES provenant de l’agriculture
(2010)
Source: FAOSTAT
On observe que l’augmentation la plus rapide des émissions s’est faite en Océanie (engrais synthétique +199%), en Asie (engrais synthétique +81%) et en Afrique (application du fumier +80%).
Dans la mesure où ce sont les pays non-industrialisés qui sont à l’origine de la masse des GES agricole, leur réduction devra être réalisée en s’assurant qu’elle n’aura pas d’effets négatifs sur la faim dans le monde et, si possible, qu’elle se fera au contraire en contribuant à une diminution de sous-alimentés.
De ces quelques chiffres, on peut déduire deux conclusions principales:
•L’agriculture est une source importante de GES, mais il y a des possibilités d’en réduire les émissions en améliorant la gestion des productions animales et en réduisant l’utilisation d’engrais de synthèse
•La croissance probable de la demande alimentaire pour les produits animaux constitue une source potentielle d’émissions supplémentaires de GES. Il sera important de diversifier les régimes alimentaires pour maintenir la consommation de produits animaux à un niveau modéré ce qui aura également des effets positifs sur la santé humaine.
Les recherches menées au cours de ces dernières années montrent que l’agriculture, en plus d’être un des principaux émetteur de GES, a un fort potentiel de stockage de carbone, notamment dans le sol. Ce stockage, sous forme de matière organique, a des effets très positifs sur la structure et la fertilité du sol, l’activité biologique qui y réside, sa productivité et son potentiel de stockage de l’eau [lire FAO Food Security and Agricultural Mitigation in Developing Countries: Options for Capturing Synergies, 2009]. Autant d’effets qui sont potentiellement favorables à une production agricole plus élevée et plus stable. Cependant, certaines mesures comportent aussi des coûts considérables pour les producteurs (réduction de superficie cultivée, diminution du nombre d’animaux d’élevage, production réduite au moins dans le court terme, etc.) dont certaines demanderont la mise en place de mécanismes d’incitation et/ou de compensation.
Il s’avère donc que beaucoup des mesures qui permettent de réduire les émissions permettent aussi à l’agriculture de s’adapter aux conséquences du changement climatique. Ainsi les techniques de gestion améliorée des cultures et des pâturages permettent aussi d’augmenter l’infiltration et le stockage de l’eau de pluie et entrainent une meilleure résistance à la sécheresse. Elles peuvent aussi contribuer à réduire d’autres effets environnementaux négatifs de l’agriculture, telle l’érosion, par l’adoption de rotations assurant une présence continuelle d’un couvert végétal sur les parcelles. Elles sont aussi généralement très semblables aux techniques recommandées pour réaliser une gestion plus durable du sol. Parmi les techniques pour lesquelles on observe une forte synergie entre réduction des émissions, adaptation au changement climatique et sécurité alimentaire renforcée, on peut citer: la restauration de terres dégradées, le développement d’irrigation à basse intensité énergétique, les jachères améliorées, l’agroforesterie, l’agriculture de conservation et la gestion durable des terres. Ces techniques ont en plus souvent le mérite de comporter des réductions de coûts financiers et demander essentiellement des connaissances supplémentaires et une utilisation plus intensive du travail, ce qui les rend plus accessibles aux producteurs pauvres. Le choix de la meilleure approche à adopter dépendra des conditions locales spécifiques.
Les financements requis pour convertir l’agriculture et la rendre moins émettrice de GES et plus adaptée au changement climatique demandera un effort d’investissement dans l’agriculture (estimé par la FAO à plus de 200 milliards par an) qui va bien au-delà de ce qu’on peut attendre du mécanisme de crédit carbone (de l’ordre de 30 milliards par an).
L’absence d’un tel effort supplémentaire entrainerait certainement des conséquences dramatiques pour un grand nombre de producteurs du Sud, donc beaucoup risqueraient de devenir des migrants climatiques fuyant leur zone d’origine où ils pourraient de moins en moins assurer leur survie.
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Dernière actualisation: juin 2013
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