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23 mai 2013
L’Inde, puissance émergente, et la faim
Dixième puissance économique mondiale (quatrième si l’on évalue son PIB en parité de pouvoir d’achat), puissance nucléaire et informatique, ainsi que premier exportateur mondial de riz en 2012, l’Inde est aussi le pays au monde où vivent le plus grand nombre de personnes sous-alimentées. En effet selon la FAO, 17,5% des 1,2 milliards d’indiens, soit 217 millions de personnes, vivent sans manger à leur faim.
Alors que le PIB par tête est estimé à plus de 3500 dollars par an, 42% des ruraux et 27% des urbains vivent sous la ligne nationale de pauvreté. En même temps, on estime à 55 le nombre de milliardaires indiens (soit plus du double du nombre en France) ce qui place l’Inde en 5ème position au niveau mondial. Le taux d’alphabétisation est de moins de 50% pour les femmes (3/4 pour les hommes), mais on estime que 90% des enfants en âge scolaire vont à l’école.
On estime aussi que le taux de malnutrition infantile de l’Inde est pratiquement cinq fois supérieur à celui de la Chine et deux fois plus élevé qu’en Afrique subsaharienne. Environ 60 millions d’enfants (soit presque la moitié des enfants) présentent un déficit pondéral, 45% ont un retard de croissance, 20% souffrent d’émaciation, 75% sont anémiques et 57% ont une carence en vitamine A. Les filles, les ruraux, les plus démunis, les basses castes, les intouchables et les tribus autochtones (adivasi) sont les plus touchés. Six États sur les 28 que compte la fédération (Bihar, Chhattisgarh, Jharkhand, Madhya Pradesh, Rajasthan et Uttar Pradesh) cumulent la moitié des cas de malnutrition. Le manque d’éducation et la maltraitante des femmes sont souvent mis en avant pour expliquer cette forte malnutrition infantile.
Pourtant, le gouvernement indien a depuis longtemps des programmes de nutrition qui portent traditionnellement sur les enfants entre 3 et 6 ans, âge auquel la sous-alimentation a déjà eu des conséquences irréversibles sur le développement physique et intellectuel des enfants. Le gouvernement compte à présent réorienter ses programmes pour toucher surtout les femmes enceintes, les mères allaitantes et les enfants de moins de 3 ans (lire davantage à ce sujet sur le site de la Banque mondiale).
Malgré le développement et la diversification rapide de l’économie indienne (plus de 7% de croissance du PIB par an depuis plusieurs années) l’agriculture représente encore un peu moins de 1/5 du PIB et fait vivre les 3/5 des indiens. On peut déduire de ces chiffres que les personnes vivant de l’agriculture disposent de moins de 1/13e du revenu de ceux vivant d’activités non agricoles. Cette inégalité très forte se retrouve aussi dans l’agriculture même, quand on prend en compte le fait que 62% des exploitations agricoles ont moins de 1 ha et détiennent seulement 17% alors que les 1% des exploitations qui ont plus de 10 ha détiennent 15% des terres et 11% des terres irriguées.
Certes, l’Inde a fait d’énorme progrès quand on se souvient que près de 1/3 de la population indienne était sous-alimentée en 1990. Elle constitue un véritable laboratoire d’innovations pour inclure davantage les couches les plus défavorisées dans l’économie [lire nos nouvelles du 8 novembre 2012]. Des efforts sont également en cours au niveau fédéral pour mettre en place des lois en vue de la restitution aux tribus autochtones de leurs droits sur les ressources forestières dont elles ont été spoliées. Ainsi le Recognition of Forest Rights Act, 2006, a été passé par le parlement et promulgué en 2008, mais son application sur le terrain reste la responsabilité des Etats qui ont, d’après la Constitution, la responsabilité du foncier et de l’agriculture.
On voit que beaucoup reste à faire pour que la situation alimentaire en Inde soit mise en cohérence avec son statut de puissance émergente.
Dernière actualisation: mai 2013
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