Nouvelles

 


17 décembre 2020



OMC : impasse des négociations pour réduire les subventions encourageant la surpêche



Depuis des années, l’OMC est dans un état de quasi mort clinique, condamnée notamment par l’impossibilité, du fait de l’opposition des États-Unis, de nommer des membres à son Organe de règlement des différents, indispensable à la réalisation de la mission de l’organisation internationale.


Beaucoup de ceux qui avaient critiqué sa création en janvier 1995 et son idéologie libérale en sont venus à regretter cette organisation multilatérale qui est la seule à pouvoir produire des décisions légalement contraignantes pour les États membres. Ces regrets sont alimentés par la violence des négociations et torsions de bras aboutissant aux « deals* » commerciaux bilatéraux tant chéris du futur ex-locataire de la Maison-Blanche.


Les uniques négociations d’envergure encore en cours à l’OMC sont celles portant sur l’interdiction de certaines subventions accordées à la pêche.


Ces négociations, qui ont débuté en 2001 (Conférence ministérielle de Doha), ont capoté le 14 décembre, après avoir été relancées en 2015, peu après l’approbation par les États des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.


En effet, les subventions incriminées sont celles qui contribuent à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et à la surcapacité entraînant une surpêche, responsables de la diminution des stocks de poissons des océans. En 2018, la production mondiale de poisson a atteint à peu près 179 millions de tonnes (dont près la moitié par la Chine, l’Indonésie, le Pérou, l’Inde, la Russie, les États-Unis et le Vietnam), faisant suite à une augmentation constante depuis quelques années. En 2018, les subventions visées se montaient à environ 22 milliards de dollars sur un total d’un peu plus de 35 milliards de dollars bénéficiant au secteur. La réduction envisagée était fortement soutenue par les ONG environnementales [lire].




En effet, la situation de la pêche mondiale est dramatique. Selon la FAO, 34 % des stocks de poissons de la planète souffrent de surpêche, contre 10 % en 1974. Cette situation pourrait entraîner un effondrement d’un secteur qui fait vivre environ 39 millions de personnes dans le monde, dont une large part de petits pêcheurs qui sont souvent parmi les groupes de population les plus pauvres [lire]. De plus, la qualité de produits de la mer s’est fortement détériorée au cours des années, du fait de la pollution marine [lire par exemple].


L’échec des négociations, qui auraient normalement dû aboutir avant la fin de 2020, est dû à de profonds désaccords. Certains États (dont les membres de l’Union européenne) sont pour la suppression pure et simple des subventions qui ont un impact négatif sur les stocks de poisson, sauf dans le cas où leur effet est contrecarré par une gestion rigoureuse. D’autres veulent leur suppression totale, et d’autres encore sont partisans de leur plafonnement. D’autres, enfin, demandent un plafonnement des subventions dans les pays où elles sont les plus importantes, ou préconisent une concentration des réductions sur les subventions sur la pêche industrielle (environ 80 % du total effectif), les petits pêcheurs artisanaux pouvant continuer de bénéficier des subventions en cours [lire en anglais].


Comme cela a été souvent le cas à l’OMC, un traitement spécial était envisagé pour les « pays en développement ». Ces pays devaient notamment jouir de plus de liberté de subventionner la pêche, d’une assistance technique et de formations pour les actifs du secteur. Un des problèmes en suspens est que la Chine, qui dispose de la plus grande flotte hauturière et est parmi les pays qui subventionnent le plus la pêche, fait toujours partie de cette catégorie.


Les négociations devraient cependant reprendre le 18 janvier 2021, sous prétexte que l’échec subi cette année pourrait en partie être dû aux difficultés liées à la pandémie de la COVID-19. Les avis divergent, cependant, quant à la possibilité de trouver un compromis entre des États qui campent parfois sur des positions figées assez éloignées les unes des autres.


Pendant ce temps, la pêche se poursuit et les stocks de poissons continuent de baisser…



--------------------------------------

  1. *deal : accord (en bon vieux français).



—————————————

Pour en savoir davantage :


  1. R. Hiault, L'avenir de la pêche aussi en débat à l’OMC, Les Echos, 2020.

  2. M. Barange et al., La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020 - La durabilité en action, FAO 2020.

  3. Stop funding overfishing, Plus d’un tiers des stocks mondiaux de poissons sont surexploités. 25 raisons de parvenir à un accord, 2020.

  4. OMC, Factsheet: Negotiations on fisheries subsidies, 2020 (en anglais).



Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. L’omniprésence du plastique (Saison 2) - Le plastique dans la Méditerranée et dans notre alimentation, 2019.

  2. La pêche et l’aquaculture mondiale en eaux troubles, 2018.

  3. L’omniprésence du plastique : du plastique protégeant la nourriture à la nourriture contenant du plastique, 2017.

  4. L’alimentation d’origine marine et le tabac accusés d’être responsables du fort niveau de contamination en métaux des femmes enceintes en France, 2017.

 

Dernière actualisation :    décembre 2020

Pour vos commentaires et réactions : lafaimexpl@gmail.com