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7 août 2018


L’omniprésence du plastique : du plastique protégeant la nourriture à la nourriture contenant du plastique


Au cours des cinq dernières décennies, le développement du plastique a été extraordinaire. Les sachets en papiers, la vaisselle de porcelaine et les bocaux de verres utilisés par nos récents ancêtres ont été remplacés par des récipients, des assiettes et des films en plastique. En outre, le plastique est aussi de plus en plus présent dans les produits de soins personnels tels que les dentifrices, les shampoings et les cosmétiques, sans oublier les cotons-tiges [lire en anglais]. Il est également présent dans une quasi-infinité de produits industriels.


Le plastique est constitué de divers polymères produits à partir du pétrole par l’industrie chimique. Il est bon marché, facile à utiliser. C’est la raison pour laquelle il est devenu si populaire. En 2016, la production mondiale de plastique était estimée aux environs de 335 millions de tonnes [lire en anglais].


Pendant des décennies, nous avons de plus en plus pris l’habitude de conserver notre nourriture dans du plastique ; maintenant c’est le plastique qui est de plus en plus présent dans notre alimentation… et, par conséquent, il sera bientôt de plus en plus présent dans notre corps.


Le problème avec l’énorme quantité de plastique que nous produisons et utilisons chaque année est qu’il ne se volatilise pas quand nous n’en avons plus besoin. Il ne disparaît même pas quand il semble se dégrader : il se contente de prendre de nouvelles formes.




Si on le brûle - et c’est souvent difficile car beaucoup de plastiques préfèrent fondre - il produit des fumées toxiques. Certains plastiques - pas tous - peuvent être recyclés (à l’heure actuelle, environ 5% du plastique total est trié, collecté et recyclé) et transformés dans de nouveaux produits en plastique.


Une grande partie du plastique non recyclé (environs 8 millions de tonnes chaque année) se retrouve dans l’eau où une part sombre pour tapisser les fonds marins. Pour le reste, il se dégrade lentement et se transforme dans des fibres et particules microscopiques et même potentiellement en nanoparticules et nanofibres qui restent en suspension dans l’eau. La gigantesque nappe de plastique de l'Océan Pacifique décrite dès 1988 n’est pas une exception car le plastique est présent partout dans les mers, dans la Mer Méditerranée, dans l’Océan Indien, dans l’Océan Atlantique et jusque dans le voisinage du Groenland. Il est arrivé partout : il pollue les sédiments côtiers, crée d’immenses continents plastiques flottants et est ingéré par la faune marine. Plus tard, nous mangeons les poissons et autres fruits de mer avec le plastique qu’ils contiennent. On estime que nous consommons chaque année environ 150 millions de tonnes de produits de la pêche et de l’aquaculture (FAO, 2018).


Oui, la faune marine mange le plastique tout comme les vaches que j’observais en Tunisie en septembre 1975 mangeaient des sacs en plastique simplement parce qu’elles n’avaient rien d’autre à mastiquer. On peut trouver des centaines d’histoires sur ce qui arrive aux animaux qui confondent le plastique avec leur alimentation habituelle, sur ces poissons ou sur ces baleines qui prennent le plastique pour des méduses ou du plancton et viennent mourir sur une plage, leur estomac bourré de sac en plastique [lire].


Récemment, des scientifiques de l’Université de Hull et de l’Université Brunel de Londres ont collecté des échantillons pris près des côtes britanniques entre novembre 2016 et février 2017 ainsi que des échantillons de diverses marques de produits de la mer vendues dans les supermarchés britanniques. Ils ont trouvé que :


  1. Tous les échantillons pris dans les eaux britanniques et tous les produits achetés dans les supermarchés contenaient des microplastiques et d’autres débris ;

  2. Dans chaque 100 grammes de moules consommées, il y avait 70 éléments de microplastique ;

  3. Davantage de particules furent trouvées dans les moules de supermarché cuites ou congelées que dans les moules fraîches [lire en anglais].


Bon appétit !


Des études menées dans d’autres pays (comme par exemple aux États-Unis ou au Canada) ont eu des résultats similaires, y compris dans le cas de l’eau douce et des Grands Lacs d’Amérique du Nord. Parfois le plastique trouvé dans les animaux était primaire - les animaux l’avaient absorbé directement -, parfois il était secondaire - ils avaient mangé des animaux qui contenaient du plastique. Les études notent également que le plastique est souvent associé à d’autres produits chimiques dont certains peuvent être dangereux.


À cette heure, il n’y a que des données limitées sur l’impact du plastique sur la santé de la faune marine et encore moins sur ce qui nous arrive quand nous consommons du plastique trouvé dans les produits de la mer. Il y a cependant quelques preuves, par exemple, sur l’effet néfaste du plastique sur la reproduction et la croissance des crustacés. La présence de plastique peut également changer la composition de la faune marine et elle peut être associée à la prolifération de certaines bactéries. Quant à nous, les premiers résultats suggèrent que de manger du plastique, surtout sous la forme de micro ou nanoplastiques a probablement un effet délétère sur notre santé. N’oublions pas qu’il a été démontré que les nanoéléments migrent de façon très libre dans notre corps. Mais davantage d’études sont nécessaires pour améliorer nos connaissances. Une recherche a prouvé récemment qu’il était possible que certains des plus petits éléments de plastique présent dans l’eau soit transférés vers d’autres habitats par des insectes [lire en anglais].


Peu a été fait, pour l’instant, pour limiter l’utilisation du plastique. Quelques pays ont interdit l’utilisation de sacs en plastique et l’Union Européenne a mis en place une réglementation spécifique sur le type de plastiques autorisés à être en contact avec notre nourriture [lire en anglais]. Mais cela paraît bien insuffisant étant donnée la taille du problème et, dans certains cas, des mesures qui paraissent logiques sont refusées par les décideurs, comme dans le cas de l’interdiction des récipients en plastique dans les cantines scolaires françaises [lire].


Chacun de nous, à notre niveau, nous devons nous assurer que nous limitons notre utilisation du plastique et que nous faisons le nécessaire pour en recycler la plus grande part possible, tout en nous assurant que nous ne jetons jamais de plastique dans l’environnement, un plastique qui terminera d’abord dans l’eau, puis dans des produits de l’eau et finalement dans nos corps, avec des conséquences très probablement négatives.


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Pour en savoir davantage :


  1. University of Hull, Significant and widespread microplastics found in mussels from UK waters, 2018 (en anglais).

  2. Robertson R., Are Microplastics in Food a Threat to Your Health? Healthline, 2018 (en anglais).

  3. Schaub, C., Plongée dans l’océan plastique, Libération, 2017.

  4. Anderson, J.C.  et al., Microplastics in aquatic environments: Implications for Canadian ecosystems, Environmental Pollution, Volume 218, November 2016, Pages 269-280 (en anglais).

  5. Gruber, K., Plastic in the food chain: Artificial debris found in fish, New Scientist, 2015 (en anglais).


Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés au sujet :


  1. L’alimentation d’origine marine et le tabac accusés d’être responsables du fort niveau de contamination en métaux des femmes enceintes en France, 2017.

  2. Alimentation-santé : la priorité à l’intérêt public, une recherche indépendante et un nouveau rapport de force, sont les ingrédients indispensables pour refondre nos systèmes alimentaires et les rendre plus sains, 2017.

  3. Alimentation, environnement et santé, 2014/2017.

  4. La qualité des aliments et la sécurité sanitaire, 2012.

 

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Dernière actualisation:    août 2018