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15 octobre 2022
La perte de biodiversité se poursuit, favorisée par le changement climatique, selon le WWF
Annoncé par le WWF comme « l’analyse la plus complète de l’état de la nature dans le monde » le dernier Rapport Planète Vivante confirme les résultats d’une multitude de travaux antérieurs alertant sur la gravité de la perte de biodiversité [voir ici, p.7-12 et ici p.8-9].
Les auteurs du rapport soulignent à juste titre un aspect du problème de la biodiversité qui n’est pas assez souvent mentionné. Il s’agit du lien existant entre la diminution de la biodiversité, d’une part, et le changement climatique en cours, de l’autre. Sans doute, la place importante accordée au dérèglement du climat par les médias et les discours des responsables politiques, a-t-il eu pour effet de masquer quelque peu le processus de perte de biodiversité et ses conséquences, dont on risque de prendre conscience de la dimension dramatique dans l’avenir.
Ce lien, comme le précisent les auteurs, se traduit par l’impact qu’ont une élévation de la température et une modification du régime pluviométrique sur les écosystèmes à l’intérieur desquels vivent tous les êtres constituant la biodiversité. Mortalité massive, extinction locale et parfois générale de certaines espèces, sont les conséquences de ces changements.
Cependant, le rapport rappelle que c’est le changement d’utilisation des terres qui reste le principal facteur de la chute de la biodiversité, en détruisant l’habitat dans lequel elle prospère. C’est le défrichement qui élimine la végétation (arbres et haies, notamment) -n’oublions pas que les plantes constituent l’essentiel de la biomasse [lire] - qui abrite la faune. La manière dont les terres sont défrichées importe également (déboisement, artificialisation des sols par l’extension des zones bitumées ou bétonnées). À lafaimexpliquee.org, nous ajouterons que les techniques de production appliquées sur les terres agricoles sont aussi un facteur important de destruction de la diversité, car l’utilisation de pesticides et d’engrais de synthèse affecte la flore et la faune qu’elle soit de surface (insectes, oiseaux, petits mammifères, etc.) en profondeur (vers de terre, champignons et autres microorganismes qui jouent un rôle important dans la vitalité du sol et le cycle du carbone qui sont absolument essentiels dans les processus de production de notre alimentation et la préservation du climat), et dans l’eau, dans laquelle se retrouvent une partie des produits de l’agrochimie quand les sols sont lessivés par la pluie.
Le WWF s’appuie sur l’Indice Planète Vivante des Nations Unies, qui trace l’évolution de la population de certaines espèces sauvages dans le temps. C’est un indice composite construit à partir des chiffres disponibles sur la taille des populations d’un grand nombre d’espèces de vertébrés (mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens) et qui utilise des données provenant de milliers de sources [lire p.14-17].
Au niveau mondial, l’Indice Planète Vivante a baissé de 69 % entre 1970 et 2019. Dans les régions, il a décru moins vite dans celles industrialisées depuis longtemps (Amérique du Nord et Europe/Asie Centrale) que dans celles à forte croissance démographique et en voie d’industrialisation (Amérique Latine, Afrique, Asie et Pacifique). Cette différence résulte probablement du fait d’un décalage dans le temps du mécanisme d’appauvrissement de la biodiversité (Fig.1).
Fig.1 Évolution mondiale et régionale de l’Indice Planète Vivante (1970-2018)
Source: Rapport Planète Vivante 2022
Note : la surface autour de la ligne marquant la tendance de l’Indice Planète Vivante
représente l’intervalle de confiance.
Bien que reposant sur une importante base de données, l’indice n’est pas sans faiblesses et son interprétation prête à polémiques. Les principales critiques qui lui sont faites sont :
•l’indice est calculé sur une base variable (en 2004, il portait sur 1 100 espèces, en 2020 sur 21 000 et en 2022 sur 32 000 espèces), ce qui devrait rendre les comparaisons dans le temps pour le moins difficiles ;
•l’indice est calculé en faisant une moyenne non pondérée des taux de croissance ou décroissance des populations analysées ;
•les oiseaux et les espèces de régions tempérées sont surreprésentés dans l’échantillon utilisé pour calculer l’indice [lire] ;
•l’indice tient uniquement compte des vertébrés qui ne représentent qu’une petite fraction de la biodiversité (l’ensemble des animaux - y compris les invertébrés - représentent moins de 0,5 % de la biomasse terrestre [lire]). Les insectes en particulier ne sont pas concernés. En somme, il analyse l’évolution de la partie visible de l’iceberg de la biodiversité.
En résumé, l’indice et le rapport qui le présente sont utiles pour avoir une idée des grandes tendances dans l’évolution des populations de vertébrés relativement représentatifs de la santé des principaux écosystèmes mondiaux.
Cependant, le point de vue qu’ils apportent reste partiel et ne propose pas une image fidèle l’état de la biodiversité sur terre. En particulier, ils passent totalement à côté de la biodiversité des microorganismes qui a un rôle déterminant dans les processus servant de base à la production de notre alimentation [lire p.6-7].
Par ailleurs, le rapport est une nouvelle occasion pour le WWF de fournir des arguments en faveur de son approche de protection de la biodiversité qui repose sur l’installation et l’extension de zones protégées. Fondé sur une distinction idéologique entre humanité et « nature » qui refuse d’accepter que l’humanité fait partie intégrante de la « nature » (du milieu, de l’environnement, de la vie, faudrait-il probablement dire), le texte ne cesse d’opposer les aires « naturelles » et celles utilisées par les humains, donnant indirectement l’autorisation de saccager les terres exploitées par les humains, pourvu que l’on préserve des enclaves qui, selon le WWF, devraient couvrir un tiers de la surface terrestre. Cette stratégie, comme expliqué ailleurs sur lafaimexpliquee.org, est une menace pour la pérennité de l’humanité [lire ici et ici].
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Pour en savoir davantage :
•WWF, Rapport Planète Vivante 2022 - Pour un bilan « nature » positif. Almond, R.E.A., Grooten, M., Juffe Bignoli, D. & Petersen, T. (Eds). Fonds mondial pour la nature, Gland, Suisse, 2022.
•Wikipedia, Indice Planète Vivante (en ligne).
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Dernière actualisation : octobre 2022