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14 septembre 2013


Et le Yémen, qu’a-t-on fait pour le peuple yéménite?


A un peu plus de 2000 km de Damas, le Yémen subit une des plus graves crises alimentaires de son histoire qui met en danger la vie d’environ 10 millions de personnes, soit la moitié de la population. A l’heure actuelle, le Yémen est un des pays où le pourcentage des enfants de moins de 5 ans connaissant un retard de croissance est le plus élevé au monde (près de 50%).


Pourtant, le Yémen, c’est cette «Arabie Heureuse» qui était chantée par Pline l’Ancien il y a plus de 2000 ans, réputée pour ses montagnes où l’eau coulait à profusion et pour son système d’irrigation sophistiqué. Un pays d’une beauté hors du commun où l’on pouvait encore se déplacer en toute sécurité au début des années 80, même si dès alors certaines zones «tribales» y étaient réputées instables.




Alors comment en est-on arrivé à cette situation dramatique qui nécessite aujourd’hui la mobilisation des organisations humanitaires et qui a fait l’objet d’un appel conjoint du Bureau des Nations Unies de coordination des affaires humanitaires (OCHA) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM) [lire]


Sans remonter à l’Antiquité, il faut se souvenir que le Yémen a été soumis à plus de 30 ans de dictature inepte et corrompue par le régime d’Ali Abdullah Saleh qui a fini par être renversé en février 2012. L’ancien président Saleh, après avoir été renversé, est parti se faire soigner aux Etats-Unis et s’est offert le luxe d’ouvrir un musée à Sana’a qui glorifie sa période de pouvoir... Son fils, Ali Ahmed, général de l’armée yéménite a été nommé ambassadeur du Yémen aux Emirats Arabes Unis par le nouveau gouvernement en mai 2013... Les estimations faites des sommes détournées par Saleh et ses amis se chiffrent en dizaines de milliards de dollars gardés dans des comptes à l’étranger.


Dans les faits, les trente années de dictature Saleh ont vu une guerre civile au cours des années 90 qui a entraîné la réunification des deux Yémen (le Nord capitale Sana’a, et le Sud capitale Aden), une longue période d’insécurité dans de larges parties du pays (nombreux enlèvements et escarmouches entre rebelles et armée) ainsi qu’une lutte du gouvernement Saleh, soutenu par les Etats Unis, contre Al Quaida, à partir de 2001.


D’un point de vue économique, le pays est devenu progressivement très dépendant des pays pétroliers voisins dans la mesure où une grande partie des yéménites y sont devenus travailleurs immigrés dès les années 70. Malgré la découverte de pétrole, dont l’exploitation arrive à sa fin du fait de l’épuisement, le pays est dépourvu du minimum de services publics (santé, éducation, etc.) dignes de ce nom.


Pour sa part, l’agriculture yéménite a été laissée à l’abandon. Le gouvernement a autorisé le développement de la culture du qat (drogue sous forme de feuille à mâcher dont une partie est exportée) qui utilise une forte proportion de la terre et de l’eau disponible et a contribué à l’épuisement progressif des réserves des aquifères (le niveau des puits n’a cessé de baissé au cours des années et la population de Sana’a souffre d’un manque chronique d’eau). Le gouvernement, bien qu’alerté plusieurs fois sur la question des ressources en eau notamment par la FAO, s’est contenté de ne rien faire.


Bref, un scénario dont tout indiquait qu’il allait se terminer par une catastrophe qui a eu et aura pour conséquence un nombre de morts incalculable. Pourtant, qui a jamais parlé de punir Saleh? Qui a soutenu son régime? Qu’a-t-on fait sérieusement pour aider le Yemen mis à part peut-être de l’armer pour lutter contre les rebelles et autres terroristes?


Le Yémen n’est malheureusement qu’un exemple parmi bien d’autres de régimes corrompus qui persistent et ne font rien pour améliorer la situation de leur population, dont l’inaction est la causes de millions de morts à travers le monde, et contre lesquels personne ne s’insurge sérieusement.


Heureusement que la Syrie est là pour que la communauté internationale puisse tenter de se donner bonne conscience. Mais y parviendra-t-elle vraiment aux yeux des millions de personnes qui sont en situation de vulnérabilité alimentaire et qui voient leurs enfants mourir ou survivre avec peine dans un état sanitaire qui grève leurs perspectives d’avenir?

 

Dernière actualisation:    septembre 2013

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