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14 avril 2015
Pour une agriculture plus durable : trois idées reçues qu’il faut battre en brèche
2015 est l’Année internationale des sols. C’est le bon moment pour battre en brèche quelques idées reçues qui nous empêchent de gérer nos sols comme il faut.
Traditionnellement et pendant de nombreux siècles depuis l’invention de l’agriculture, l’humanité a géré les sols en laissant des terres en jachère pendant une période de temps suffisante à la régénération de leur fertilité. Dans quelques zones de la planète, de tels systèmes agricoles extensifs subsistent encore, mais dans la plus grande partie du monde, la pression démographique a fait que les jachères ont progressivement régressé puis disparu. Pour compenser la perte de fertilité du sol qui a résulté de cette évolution, l’industrie a proposé une utilisation généralisée des engrais chimiques de synthèse et le labour par des équipements de plus en plus puissants et coûteux. [lire ici] Mais de nombreuses preuves existent à présent que cette option n’est pas une solution durable et la fertilité du sol est devenue l’un des principaux facteurs limitants pour l’agriculture mondiale.
Dans son article ‘‘Restoring our soils by learning from history’’ (en anglais seulement), R. Bunch identifie trois idées reçues qui influencent notre façon de considérer la fertilité des sols pour l’agriculture et qu’il s’agit de battre en brèche :
Idée reçue 1 : les sols productifs se dégradent inévitablement avec le temps. De nombreuses expériences ont démontré que la fertilité du sol se dégrade malgré l’utilisation d’engrais chimiques de synthèse et que cette « perte de fertilité est corrélée avec la baisse des niveaux de matière organique dans le sol et la diminution de la disponibilité en nutrients qui en découle ». Cependant, il apparait clairement que « les forêts tropicales humides dans le monde entier, en maintenant la quantité de matière organique dans le sol, ont réussi à préserver une productivité en biomasse impressionnante pendant des millions d’années, sans utilisation d’engrais chimiques de synthèse sur des sols souvent très peu fertiles ». Bien que l’on puisse contester en partie la pertinence de l’exemple des forêts tropicales avancé par Bunch (elles ne sont pas récoltées et vivent donc dans un cercle relativement fermé), on sait maintenant qu’il y a des possibilités, par une gestion améliorée des cultures (engrais organiques animaux, engrais verts, compost et cultures associant les céréales avec des légumineuses et des arbres) de garder un niveau élevé de matière organique dans le sol qui pourra libèrer lentement les nutriments nécessaires aux cultures et fixer l’eau, augmentant ainsi la résistance des cultures à la sécheresse.
Idée reçue 2 : les sols doivent être labourés pour rester friables et productifs. Là encore, on voit que « les sols des forêts tropicales […] jamais labourés […] après des millions d’années […] sont bien plus friables et naturellement productifs que la plupart des sols agricoles ». Dans ce cas, notre expérience avec l’agriculture de conservation, le labour réduit ou le semis direct (mentionnés par Bunch) démontre que l’absence de labour est en fait meilleure pour la structure du sol.
Idée reçue 3 : les bons producteurs agricoles modernes utilisent la monoculture. La preuve n’est plus à faire qu’il y a des avantages considérables dans l’association de cultures tant en terme de fertilité des sols (association entre céréales et légumineuses fixatrices d’azote ou agroforesterie) que pour la lutte contre les ravageurs (push-pull). On connait aussi maintenant les effets délétères de la monoculture en terme de biodiversité animale (comme par exemple sur les abeilles) et la vulnérabilité des cultures aux maladies et aux prédateurs.
Ces idées reçues doivent être battues en brèche et il s’agit d’en tirer toutes les conséquences sur comment mieux gérer notre agriculture afin de préserver les sols et leur contribution à la production agricole durable. R. Bunch liste quelques solutions pratiques dans son article (légumineuses utilisées comme engrais vert ou culture de couverture, utilisation d’arbres).
Ces points doivent rester en mémoire en vue de développer et adopter des pratiques agricoles plus durables. [lire ici]
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Référence:
Bunch, R., ‘Restoring our soils by learning from history, AgriCultures Network, 2015 (en anglais)
Dernière actualisation: avril 2015
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