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Dernière actualisation: mars 2013

21 mars 2013



Le bonheur: une idée qui poursuit son petit bonhomme de chemin


C’était hier la première Journée internationale du bonheur. Dans le contexte pour le moins morose des temps présents, voilà une première célébration qui est passée presque inaperçue. Pourtant, l’idée de bonheur devrait pouvoir nous inspirer... dans les moments les plus difficiles, ceux où l’on a besoin de se fixer des objectifs à long terme susceptibles de mobiliser toute notre énergie.


Cette nouvelle journée internationale a été instaurée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 12 juillet 2012. Dans les mots du Secrétaire général de l’ONU, le monde « a besoin d'un nouveau paradigme économique qui reconnaît la parité entre les trois piliers du développement durable. Les bien-être social, économique et environnemental sont indissociables. »


Comment en est-on arrivé à la création de cette n-ième journée mondiale et quelle en est la signification?


C’est au cours des années 70, que le petit royaume bouddhiste himalayen du Bhoutan (moins d’un million d’habitants), coincé entre l’Inde et la Chine, a adopté une nouvelle façon de mesurer le développement en concevant son indice de Bonheur National Brut (en anglais: GNH, Gross National Happiness). Partant de son contexte culturel bouddhique auquel le pays tient farouchement, le Bhoutan a produit un indice qui englobe des indicateurs groupés en neuf différentes dimensions du développement, économiques et non économiques, vingt ans avant l’apparition de l’Indice de développement humain (IDH) des Nations Unies:


  1. Bien-être psychologique (satisfactions de la vie, spiritualité, émotions positives, émotions négatives)

  2. Santé (état de santé, jours en bonne santé, handicap, santé mentale)

  3. Education (alphabétisme, scolarisation, connaissances, valeurs)

  4. Culture (connaissance de la langue vernaculaire, participation culturelle, aptitudes artisanales, code éthique)

  5. Bonne gouvernance (performance du gouvernement, droits fondamentaux, services, participation politique)

  6. Vitalité de la vie communautaire (dons, relations communautaires, famille, sécurité)

  7. Diversité et résilience écologique (questions écologiques, responsabilité envers l’environnement, dégâts du gibier, questions urbaines)

  8. Niveau de vie (actifs, logement, revenu par ménage)

  9. Utilisation du temps (travail, sommeil).




Quarante ans après l’adoption du concept de Bonheur National Brut, le Bhoutan reste un pays pauvre selon les critères habituels (PIB en 2011 de l’ordre de 1500 euros par an et par personne) mais il s’individualise par toute une série de caractéristiques dans les domaines les plus variés parmi lesquelles on peut citer: abdication du roi en faveur d’un régime parlementaire, scolarisation primaire généralisée, électrification de la plupart des villages du pays, moitié du territoire couverte de réserves naturelles, interdiction de la publicité, réglementation stricte du tabac, gestion attentive du tourisme, choix de passer prochainement à une agriculture entièrement organique, etc. Bien sûr, tout n’est pas rose au pays du bonheur: 1/3 de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et souffre de manque de nourriture à certaines périodes de l’année, l’exode rural s’accélère, la sécurité en zone urbaine se dégrade, des investisseur étrangers lorgnent les terres bhoutanaises, etc.


Depuis quelques années, le gouvernement a commencé à agir au niveau international pour promouvoir le concept de bonheur brut. Des efforts sont faits pour influencer la définition des futurs nouveaux objectifs du millénaire qui sont en train d’être discutés aux Nations Unies et d’intégrer un objectif relatif au bonheur. A ce titre, il est intéressant de citer quelques extraits du discours du Premier ministre bhoutanais devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2008:


    1. «La croissance mesurée par le PIB est-elle suffisante pour le futur? Quels sont les fondements de notre civilisation et les valeurs qui nous guident? Au fur et à mesure que nous nous enrichissons et que nous vivons selon les termes que nous nous sommes fixés, devenons-nous vraiment plus civilisés ou bien sommes nous pris dans une spirale descendante de dé-civilisation? Sommes-nous en mutation pour devenir des robots insensés programmés pour être productifs matériellement, pour gagner plus, pour vouloir de plus en plus, consommer de plus en plus ce dont nous n’avons pas besoin et qui, au bout du compte, nous détruira?»


En France, Nicolas Sarkozy avait convoqué en 2008 une commission de haut niveau avec les deux prix Nobel Amartya Sen et Joseph Stieglitz pour « déterminer les limites du PIB en tant qu’indicateur des performances économiques et du progrès social, ..., d’identifier les informations complémentaires qui pourraient être nécessaires pour aboutir à des indicateurs du progrès social plus pertinents,... » Mais surprise, qui se souvient de ce qu’il en est sorti et des décisions que cela a amenées?


L’adoption de la journée internationale du bonheur n’est donc qu’une première étape positive d’un lent processus qui mènera peut-être vers la concrétisation d’un nouveau paradigme de développement. Formulons le souhait que ce nouveau paradigme soit clairement défini et mis en oeuvre avant que la spirale descendante de la dé-civilisation n’ait atteint un niveau irréversible.