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Dernière actualisation: mars 2013

27 mars 2013



Le triple exploit du rapport de ONE sur l’investissement agricole en Afrique


Dix ans après la Déclaration de Maputo dans laquelle les Etats africains s’engageaient à allouer au moins 10% de leur budget pour le développement agricole et rural et à mettre en oeuvre le Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA), et quatre ans après la promesse des membres du G8 de consacrer 22 milliards de dollars sur 3 ans à l’agriculture et la sécurité alimentaire, où en est la situation agricole et alimentaire en Afrique? ONE, une coalition d’organisations de la société civile luttant contre la pauvreté et créée à partir de l’initiative de Bono et Bob Geldof en 2000, vient de publier un rapport sur l’investissement agricole en Afrique qui tente d’apporter une réponse polie à cette question en soulignant néanmoins les limites de ce qui a été réalisé (A Growing Opportunity: Measuring Investments in African Agriculture).


Le constat de ONE peut se résumer en deux points essentiels:


  1. Seuls quatre des 19 pays analysés dans le rapport ont alloué au moins 10% de leur budget à l’agriculture (Ethiopie, Niger, Malawi et peut-être Cap Vert) alors que d’autres (Nigeria, Liberia, Ghana) consacraient moins de 2% de leur budget à ce secteur qui fait pourtant vivre la majorité des Africains, et que pratiquement la moitié des pays analysés utilisait moins de 5% de leur budget pour développer leur agriculture

  2. Les pays membres du G8 n’ont déboursé que 11 milliards de dollars sur les 22 qui avaient été promis en 2009, et bien moins encore si l’on considère le peu de ressources supplémentaires qu’ils ont réellement mobilisées en plus des fonds habituels d’aide qui étaient déjà prévus de toutes façons avant même la déclaration de L’Aquila.


Bien sûr, l’agriculture africaine a bénéficié de l’«attention» tant des gouvernements locaux que de leurs partenaires des pays industriels. Ainsi, le PDDAA a fait l’objet de centaines de conférences et de réunions tant internationales que nationales qui se sont traduites par des masses de documents, dont les plus opérationnels sont sans doute les plans nationaux agricoles qui ont été formulés dans près de 25 pays d’Afrique sub-saharienne (sur un total d’une cinquantaine). Cependant, seuls quelques uns de ces plans sont financés de façon satisfaisante et sont véritablement opérationnels 10 ans après le lancement du PDDAA. Dans environ 1/4 des pays étudiés par ONE, les plans ne sont financés qu’à moins du tiers de leur budget (par exemple au Bénin et au Liberia) et seul un autre quart a réussi à mobiliser plus de deux-tiers des ressources requises (parmi lesquels le Nigeria et le Kenya sont les deux pays où la mobilisation des ressources a été la plus efficace). Le rapport émet aussi quelques critiques sur les processus de formulation de ces plans qui sont restés assez opaques et n’ont le plus souvent impliqué que marginalement la population. Celle-ci n’a en effet été que très imparfaitement informée de ce qui était envisagé dans les plans et a encore moins pu exprimer ou faire prendre en compte ses priorités.


Le rapport souligne que, malgré cela, dans la plupart des pays étudiés, l’agriculture a connu une croissance notable depuis la crise alimentaire de 2008 (6% par an entre 2008 et 2010 dans 13 des pays étudiés), sans pour autant en donner des explications claires et convaincantes.




On pourra reprocher au rapport de ONE de réussir le triple exploit de parler d’investissement agricole en Afrique:


  1. 1.Sans parler de l’investissement privé et en donnant l’impression que ce sont les ressources publiques (budget national et aide internationale) qui sont la principale source de l’investissement agricole. Or l’on sait qu’en moyenne seule environ la moitié des dépenses publiques pour l’agriculture se fait en investissement, le reste étant constitué de dépenses de fonctionnement. On sait aussi que les 3/4 des investissements agricoles sont privés, effectués tant par les paysans eux-mêmes que par des entreprises privées, et que l’Afrique a été la région la plus concernée par le phénomène d’accaparement des terres qui a touché entre 2000 et 2010 56 millions ha soit l’équivalent de la superficie agricole totale de l’Angola [lire davantage sur la question foncière et l’accaparement des terres]

  2. 2.Sans tenir compte du fait que la croissance de la production et de l’investissement agricole en Afrique est aussi directement liée à l’augmentation des prix agricoles observée depuis 2005 qui a contribué à rendre l’agriculture de plus en plus rentable et susceptible d’attirer des masses énormes de capitaux financiers

  3. 3.Sans toucher mot des politiques agricoles qui pourtant ont un rôle capital pour créer un environnement propice à l’investissement agricole. De ce point de vue, les résultats des analyses menées par la FAO dans le cadre de son projet «Suivi des politiques agricoles et alimentaires en Afrique» (SPAAA) montrent que les politiques en place tendent encore à pénaliser l’agriculture en ne donnant pas de véritables incitations aux producteurs, bien au contraire.


On peut se demander pourquoi, une organisation comme ONE, indépendante, et qui a su mobiliser une expertise impressionnante comme en témoignent les remerciements en début de rapport, ne présente qu’une image très partielle, sinon partiale, de la situation de l’investissement en Afrique. L’Afrique de ce rapport est bien différente de cette dernière frontière pour les marchés décrite dans le récent rapport de la Banque mondiale sur le potentiel que présente le continent pour le développement de l’agrobusiness... [lire]