Vert

ou le Sacrifice de Léa

 

Entretien avec l’auteur de « Vert ou le sacrifice de Léa »




Pourquoi un roman?                                                              


La Faim Expliquée: Vous venez de publier votre premier roman, « Vert ou le sacrifice de Léa ». Vous êtes plutôt ce qu’on appelle généralement un expert habitué à écrire des documents techniques, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire un roman ?


Materne Maetz: Quand j’ai arrêté de travailler pour les Nations Unies, plusieurs de mes anciens collègues m’ont suggéré d’écrire afin transmettre à un large public tout ce que j’avais pu apprendre au cours d’une longue carrière internationale. Très vite j’ai éliminé l’option du livre « technique », car je trouvais qu’il y avait déjà trop de ces livres de 250 pages sur l’agriculture et l’alimentation, et qui pour la plupart n’attirent que peu de lecteurs. Un de mes collègues m’a alors suggéré d’opter pour un pamphlet sur le modèle du remarquable ‘Indignez-vous’ du regretté Stéphane Hessel. J’y ai songé un moment, puis j’ai finalement choisi la formule du site Web: ce qui m’attirait vers cette solution est son caractère évolutif qui permet l’amélioration et l’actualisation quasi-quotidienne des textes qu’on y présente. C’est alors que j’ai créé le site www.lafaimexpliquee.org, et peu de temps après sa version en anglais, www.hungerexplained.org, et je trouve que ce fut là un bon choix dans la mesure où ils ont tous deux été visités depuis lors par environ 60.000 personnes et ont fait l’objet de près de 4 millions de « hits ». Mais je me suis vite rendu compte que, malgré mes efforts, le site restait difficile d’abord pour un public très large. Comme je suis un passionné de littérature et que j’ai toujours rêvé d’écrire, l’idée du roman m’est tout naturellement venue à l’esprit. 


Quel thème?


LFE: Quel thème avez-vous choisi parmi ceux, nombreux, qui encombrent la question agricole et alimentaire ?


MM: Il y a en effet l’embarras du choix. Mais il m’a semblé qu’aujourd’hui tout le monde est d’accord que la question des technologies assurant l’alimentation humaine est au centre du débat : il s’agit de trouver, dans un avenir proche, une technologie accessible à tous qui assure une alimentation satisfaisante pour l’ensemble de l’humanité dans le respect de notre environnement. Mais je voulais aller un peu plus loin et réfléchir sur ce qui se passerait si une telle technique apparaissait, partant du fait qu’elle serait sans doute nécessairement révolutionnaire et remettrait donc en question le système alimentaire en place tout en menaçant les intérêts et le pouvoir de ceux qui le dominent. Bien entendu, comme il s’agit avant tout d’un roman, je me devais d’aborder également toute une série d’autres thèmes plus romanesques autour desquels mes personnages pourraient s’affirmer et qui ne manqueraient pas d’interpeler les lecteurs, notamment l’éthique, le pouvoir, l’argent, le désir, la mort, la justice et bien sûr l’amour sous toutes ses formes.


Un thriller mondial


LFE: Vous avez choisi de faire de ce roman un thriller qui se déroule aux quatre coins du monde. Pourquoi ?


MM: J’ai pensé que, dans la mesure où le thème pouvait éventuellement paraître un peu ardu, il fallait le placer dans un cadre qui rende la lecture du roman plaisante. En ce sens, le thriller avec ses ingrédients typiques me paraissait présenter les caractéristiques requises pour tenir le lecteur en haleine. Pour agrémenter la lecture et donner un certain rythme à l’ensemble, j’ai adopté une structure reposant sur deux récits entrecroisés se déroulant avec un décalage de quelques années, l’un dans un avenir très proche, quasi-actuel, l’autre dans un futur un peu plus lointain, conçus pour se compléter. J’ai essayé de doter ces récits d’une accélération constante, passant progressivement d’une phase d’exposition qui prend le temps de planter le décor avant que les évènements ne s’enchaînent et ne mènent au dénouement final. J’ai aussi pris plaisir à placer ces deux récits dans des cadres très divers et parfois exotiques que je connais bien pour y avoir séjourné longuement (la Provence, le Mozambique, Paris, la Thaïlande et Rome) dans lesquels mes personnages se débattent, tantôt avec leurs problèmes personnels, tantôt avec des questions qui les dépassent mais qu’ils tentent à leur façon de maîtriser. Par exemple, j’ai ainsi imaginé ce que serait en 2030 la ville d’Aix-en-Provence, où je vis à présent. Je me suis aussi amusé à décrire la petite société cosmopolite de Maputo ainsi que celle qui se développe à l’intérieur et autour d’un camp de personnes déplacées...


Des personnages en proie à la passion


LFE: On a l’impression que vous vous êtes pris au jeu de garnir votre roman de personnages en proie aux passions les plus diverses et parfois contradictoires.


MM: Il me semblait indispensable pour apporter plus de vie au roman de donner aux personnages une complexité suffisante pour faire en sorte qu’ils réagissent parfois de façon inattendue aux situations dans lesquelles ils se trouvaient placés. L’idéalisme et l’égoïsme, le goût de l’argent et le désintéressement, le pouvoir, le besoin domination, la recherche de la jouissance et la nécessité de survivre, l’amour profond et la froide détermination, le courage et la lâcheté se bousculent et parfois s’affrontent dans un même personnage. Ainsi, Henry est tout là fois un vrai idéaliste et un monstre d’égoïsme, ainsi que quelqu’un qui est l’esclave de ses sens mais qui recherche l’amour le plus pur et une possible rédemption. Léa, le personnage central du roman, sait faire preuve à la fois d’un courage et d’une lâcheté extrême, et d’une capacité d’aimer passionnément tout en renonçant aux êtres aimés. Et quant à Nathanaël, je laisse à mes lecteurs le soin de le découvrir.


La musique


LFE: La musique est particulièrement présente dans le roman, au point qu’elle accompagne voire détermine le déroulement de l’intrigue.


MM: Oui, c’est là une petite touche personnelle qui m’a permis de faire référence à quelques oeuvres que j’aime tout particulièrement. De la même façon, je me suis amusé à placer ici ou là des clins d’oeil vers des oeuvres littéraires d’auteurs tels que Yourcenar, Narayan, Mishima, Duras, Hammet, Malraux et d’autres encore.


Un roman pessimiste ?


LFE: Votre roman regorge de drames et ses personnages torturés paraissent incapables de faire face aux évènements. N’est-ce pas là présenter le monde sous un éclairage excessivement pessimiste ?


MM: C’est en effet une lecture possible. Mais je ne pense pas qu’elle reflète pleinement le ton du roman. Certains parmi les personnages agissent en pleine conscience et acceptent les conséquences de leurs actions même quand elles peuvent leur être fatales, du moment qu’elles servent à atteindre des objectifs d’un niveau supérieur. C’est là tout le sens du sacrifice de Léa.


A quand le prochain roman ?


LFE: Maintenant que ce roman est publié, envisagez-vous d’en écrire d’autres ?


MM: J’ai pris grand plaisir à écrire ce premier roman et cela m’a donné envie d’en écrire d’autres. J’en ai commencé un qui portera sur l’histoire d’une jeune femme emportée dans la tourmente des bouleversements qui s’opèrent en Asie. Mais, comme je suis très occupé par ailleurs, je ne pense pas qu’il sera prêt avant longtemps. 



N.B.: Les droits d’auteur provenant de la vente de ce livre serviront à financer des projets en faveur de populations affectées par le séisme d’avril 2015 au Népal.

 

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Dernière actualisation:    décembre 2015