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Novembre 2023



Les partenariats public-privé :

une pseudo solution miracle, arnaque financière*


par Jomo Kwame Sundaram**



Les partenariats public-privé (PPP) pour la fourniture d’infrastructures et de services sont à la fois coûteux et risqués. Pire encore, les PPP sont incapables d’assurer un accès universel ou même équitable aux équipements publics.


Des partenariats public-privé ?


Les PPP reposent généralement sur des dispositions contractuelles de long terme selon lesquelles les entreprises privées fournissent des infrastructures et des services qui sont traditionnellement de la responsabilité de l’État. Ces dernières années, les PPP ont construit ou géré hôpitaux, écoles, prisons, routes, aéroports, chemins de fer, eau et assainissement.



 

Le partage des risques entre les secteurs public et privé n’est pas une idée nouvelle [lire en anglais]. Récemment, plus d’une vingtaine de différents types de PPP ont été identifiés. De telles variations montrent les différences existant entre les accords conclus entre les États et leurs partenaires privés.


La plupart des institutions financières internationales (IFI) conseillent aux gouvernements de sécuriser les profits de leurs partenaires privés. Les IFI continuent de pousser les États à « dé-risquer » les prestataires commerciaux pour attirer leurs investissements.


Les préférences pour certains types de PPP par les investisseurs privés varient dans le temps et selon les circonstances, au gré des modifications des besoins et des priorités. Comme aucun des types n’est toujours adapté, les changements de circonstances et de préférences ont fait se multiplier la diversité des formules de PPP.


Les problèmes des PPP


Les PPP sont bien plus complexes que ne le suggèrent les récits de leurs partisans. Leurs impacts négatifs sur la fourniture d’infrastructures et de services publics ont été à nouveau soulignés par un rapport coordonné par Eurodad [lire en anglais]. Les dépenses publiques augmentent quand les États prennent en charge les coûts et les risques.


À la suite des conseils de la Banque mondiale et d’autres IFI, les autorités nationales attirent des investissements financiers privés en faisant appel à leur cupidité. Les PPP ont été utilisés pour « dé-risquer » de tels investissements à l’aide de termes de l’accord permettant d’assurer les profits des investisseurs privés.


Le rapport Eurodad dénonce également les conséquences négatives des PPP sur la gouvernance démocratique. Les PPP manquent généralement de transparence et ne sont que rarement précédés par une consultation des communautés concernées. De la sorte, elles sont plus susceptibles de faire l’objet de corruption et d’abus.


Il se peut que les PPP soient des échecs, alors même que les partenaires privés voient leurs profits garantis. Les coûts budgétaires et autres des PPP n’ont cessé de croître au cours de ces dernières années, creusant les déficits en dépit de leur profitabilité. Au fur et à mesure que les problèmes se multipliaient, les critiques et les contestations ont augmenté.


Pourquoi les PPPs sont-ils un échec ?


On a vanté de plus en plus les PPP comme solution magique à un grand nombre de problèmes, particulièrement les contraintes financières, la mauvaise gestion et des résultats décevants. Ces partenariats sont devenus populaires parmi les élites du Sud global où les « classes moyennes » ont été séduites par des promesses de meilleurs services et de « ruissellement ».


Le secteur privé est censé être plus efficace et plus capable de fournir des équipements publics, y compris d’énergie, d’éducation, de santé, d’eau et d’assainissement. Mais il en a rarement découlé un rapport qualité-prix amélioré, comme le montrent de nombreuses études. Au contraire, c’est l’inverse qui est typique.


Une étude de 2020 par la Fédération syndicale européenne des services publics et Eurodad [lire] identifie huit raisons majeures pour lesquelles les PPP n’ont pas bonifié les résultats en Europe.


  1. Premièrement, les PPP ne mobilisent que rarement des fonds additionnels. Au contraire, elles créent davantage de dettes publiques sous forme de garanties de l’État plutôt que d’emprunts directs. Mais cette forme de dette publique supplémentaire a souvent été cachée à la population.

  2. Deuxièmement, les emprunts privés coûtent en général davantage que les emprunts de l’État.

  3. Troisièmement, les autorités publiques, surtout les gouvernements centraux, restent les ultimes responsables surtout en cas d’échec du projet.

  4. Quatrièmement, les PPP ne fournissent que rarement « une meilleure qualité -prix » que des projets publics raisonnablement bien gérés par le secteur public.

  5. Cinquièmement, les apparents gains d’efficacités des PPP sont largement obtenus par des mesures de réductions des coûts risquées, par exemple dans l’infrastructure publique ou la fourniture de soins de santé.

  6. Sixièmement, les PPP créent des distorsions dans les priorités publiques, ce qui demande encore davantage de mesures de réductions des coûts.

  7. Septièmement, les PPP n’ont que rarement produit leur résultat à temps et dans les limites du budget imparti.

  8. Huitièmement, les accords de PPP sont typiquement opaques plutôt que transparents, et génèrent souvent abus et corruption.



Manifestation contre un projet de chemin de fer au Mexique


Dès le début 2020, la pandémie de la COVID-19 a révélé les effets négatifs à long terme des mesures d’austérité et du sous-financement de la santé publique. Plus récemment, l’inflation, la stagnation et des conditions météorologiques plus extrêmes ont mis à nu d’autres vulnérabilités et leurs causes.


Que peut-on faire ?


Le monde faisant face à des crises multiples et imbriquées, les PPP offrent des solutions fausses et même dangereuses. Eurodad a fait des recommandations de politiques aux gouvernements nationaux et aux institutions de financement du développement (IFD) afin d’améliorer le financement des infrastructures et des services publics [lire en anglais].


  1. Arrêter de faire la promotion des PPP. La Banque mondiale, le FMI, les banques régionales de développement et les IFD devraient tous interrompre la promotion des PPP, surtout pour la fourniture de services sociaux. L’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau et à l’assainissement ne devrait pas dépendre de la capacité de payer.

  2. Les principaux risques budgétaires et autres associés aux PPP devraient être reconnus publiquement. Les gouvernements devraient être prévenus des résultats généralement médiocres des PPP et avisés des avantages et des inconvénients des diverses modalités de financement. Les IFD devraient tous financer effectivement les plans nationaux de développement durable et équitable.

  3. Il faudrait aider les pays à trouver le meilleur moyen de financer des infrastructures et services publics responsables, transparents, sensibles au genre et durables du point de vue de l’environnement et budgétaire, et qui soient cohérent avec les obligations nationales et multilatérales.

  4. Des consultations publiques informées devraient toujours précéder tout accord par PPP dans le domaine de la fourniture d’infrastructures et de services publics. Elles devraient systématiquement comprendre le respect des droits de toutes les communautés concernées, y compris ceux relatifs à la réparation et au dédommagement équitable.

  5. Exercer une réglementation rigoureuse et transparente, particulièrement par rapport aux dépenses publiques, aux valeurs contractuelles des PPP, des impacts de projet et des implications budgétaires de long terme. L’intérêt public doit toujours prévaloir sur les intérêts commerciaux privés.

  6. Les IFD devraient seulement financer des projets servant l’intérêt public. Il faudrait faire la promotion de services publics appropriés et financés par les ressources publiques, avec des contrats transparents et une reddition des comptes sur la fourniture par le projet des infrastructures et des services sociaux.


Les PPP se sont fréquemment révélés être des escroqueries budgétaires exacerbant les déficits nationaux au lieu de les réduire. Loin d’être la panacée financière souvent vantée, les PPP se sont avérés être des arnaques faisant beaucoup de bruit et ne générant pas de réels avantages.




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Notes :


* Publié initialement sur Interpress Service, le 8 novembre 2023 sous le titre  « PPPs Fiscal Hoax Is a Blank Financial Silver Bullet ».

** Jomo Kwame Sundaram, ancien professeur d’économie, a été Assistant Secrétaire Général des Nations Unies pour le développement économique, Assistant Directeur Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et a reçu le Prix Wassily Leontief pour avoir fait avancer les frontières de la pensée économique en 2007.



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Pour en savoir davantage :


  1. Eurodad (Coord.), History RePPPeated II - Why Public-Private Partnerships are not the solution, EUROpean network on Debt And Development, 2022 (en anglais).

  2. FSESP et Eurodad, Why public-private partnerships (PPPs) are still not delivering, Fédération syndicale européenne des services publics et EUROpean network on Debt And Development, 2020 (en anglais).



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  1. Opinions : La Banque mondiale est en train de financiariser le développement, par Jomo Kwame Sundaram et Anis Chowdhury, 2019.

  2. Opinions : Les grandes entreprises sont-elles en train de prendre le contrôle des Objectifs du développement durable des Nations Unies ? par Jomo Kwame Sundaram et Anis Chowdhury, 2018.

  3. La privatisation de l’aide au développement : intégrer davantage l’agriculture au marché mondial, 2018.

 

Dernière actualisation: novembre 2023

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