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26 septembre 2013


Quand les éleveurs et les fabricants de produits alimentaires se mobilisent contre l’éthanol aux Etats-Unis


Jusqu’alors, on était habitué à entendre des critiques sur les agrocarburants et en particulier sur l’éthanol de la part d’ONG écologistes ou luttant contre la faim dans le monde. Il va falloir dorénavant compter avec celles émises par les éleveurs et les fabricants de produits alimentaires (principalement les fabricants de boissons gazeuses). C’est en tous cas ce qui se passe aux Etats-Unis.


Peut-être que ces lobbys puissants sauront enfin infléchir la politique de soutien aux agrocarburants mise en oeuvre par les Etats-Unis. Peut-être ces critiques seront-elles reprises par les éleveurs et les industriels européens et qu’elles contribueront à infléchir encore davantage la politique de l’Union européenne sur les agrocarburants, alors qu’elle vient juste de donner des signes positifs d’évolution.





Bien entendu, les critiques des éleveurs et des agroindustriels n’ont pas leur fondement dans une quelconque conscience de l’effet de la fabrication d’éthanol sur les forêts, l’émission de gaz à effet de serre, la faim ou même le budget du gouvernement américain et le porte-monnaie du contribuable. Il s’agit plutôt pour eux de défendre leurs intérêts. Ainsi, la crainte des éleveurs est que comme l’augmentation de la part du maïs allant à la fabrication d’éthanol est très forte, cela contribue à augmenter la volatilité des marchés du maïs.


D’après l’association des producteurs de maïs, la quantité de maïs utilisée pour la fabrication d’éthanol aux Etats-Unis est passée de 630 millions de boisseaux (à peu près 16 millions de tonnes) en 2000 à 4,9 milliards de boisseaux (123 millions de tonnes) en 2012, à mettre en rapport avec la production totale de maïs par les Etats-Unis qui est de 274 millions de tonnes.


Les éleveurs et les agroindustriels craignent qu’en cas d’accident climatique (sécheresse, inondation) qui entrainerait une chute de la production de maïs, les prix du maïs n’explosent, ne leur laissant que l’option de réduire leur troupeau en vendant leurs animaux en catastrophe, ce qui ne manquerait pas d’occasionner pour eux de lourdes pertes financières.


Or, c’est une telle situation qui semble se profiler devant nous. En effet, on estime que les inondations observées dans le Midwest et la sécheresse qui a frappé les plaines du Sud des Etats-Unis risquent d’entrainer une diminution des stocks au niveau équivalent à 20 jours de consommation, alors qu’on admet en général qu’un niveau acceptable est de 30 jours de réserve. On risque donc d’avoir des tensions sur le marché du maïs...


Rappelons ici que production d’agrocarburants est fortement encouragée car elle bénéficie de subventions de la part des Etats-Unis et de l’Union européenne (plus de 10 milliards de dollars en 2012) dont l’objectif est de booster cette production:


  1. Beaucoup d’experts estiment que le développement de la production d’éthanol à partir de maïs a contribué à l’explosion de la crise alimentaire de 2007/08. En effet, ils ont observé que sur les 40 millions de tonnes supplémentaires de demande de maïs en 2007/08, années qui ont constitué le pic de la crise, près de 30 millions de tonnes ont été absorbées par les seules usines de fabrication d’éthanol aux Etats-Unis [lire davantage sur les crises alimentaires]

  2. La loi des Etats-Unis de 2005 envisage une production annuelle de 28 milliards de litres d’agrocarburants en 2012, et cette production, dans la loi de 2007, a été projetée pour augmenter jusqu’à 136 milliards de litres en 2022

  3. L’Union européenne, pour sa part, a fixé comme objectif que 10% des carburants pour les transports terrestres devraient être des agrocarburants en 2020 (elle est à l’heure actuelle environ 4,5%). En 2008, l’Union européenne a produit 13 millions de tonnes de biocarburant (diesel et ethanol) soit environ 17 milliards de litres. Le 11 septembre dernier, le Parlement européen a plafonné les agrocarburants de première génération (produits à partir de produits alimentaires) à 6 % de l'énergie finale consommée dans les transports, et fixé un objectif de 2,5 % pour les agrocarburants de deuxième et troisième générations fabriqué à partir de déchets agricoles et forestiers et d’algues microscopiques.


La pression des divers groupes anti-agrocarburants semble donc avoir un effet, du moins en Europe pour l’instant. Les Etats-Unis emboiteront-ils le pas, sous la pression nouvelle des éleveurs et des compagnies de boissons gazeuses? Ce serait là une évolution très encourageante.

 

Dernière actualisation:    septembre 2013

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